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Le Vatican exige des femmes soumises

Que reproche en fait le Pape à cet organisme de femmes crée avec l'approbation de Rome en 1956 et dont le mandat vise entre autres «à étudier les grands courants et enjeux au sein de l'Église et de la société», «à se montrer solidaire avec les gens qui vivent toute forme de violence ou d'oppression» et «à créer et fournir du matériel ressource sur les aptitudes liées à la direction religieuse»?
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AP

Le 30 mai, on apprenait que des catholiques entendent mener un peu partout aux États-Unis des «vigies de prière» pour appuyer les religieuses de la Leadership Conference of Women Religious (LCWR). Cet organisme, regroupant les supérieures de plus de 80% des congrégations catholiques américaines, vient en effet d'être mis en tutelle en avril dernier par le Vatican pour 5 ans.

Affichant publiquement leur appui aux soeurs, des prêtres ont même pourfendu publiquement l'autorité romaine. «Il s'agit d'un autre événement par lequel les gens sont désappointés par la façon de diriger de l'Église catholique. Le problème avec l'approche du Vatican est que cela place clairement les sœurs du côté de Jésus et le Vatican du côté de vieillards fatigués,» a même déclaré un révérend de Cleveland.

Un féminisme radical

Que reproche en fait le Pape à cet organisme de femmes crée avec l'approbation de Rome en 1956 et dont le mandat vise entre autres «à étudier les grands courants et enjeux au sein de l'Église et de la société», «à se montrer solidaire avec les gens qui vivent toute forme de violence ou d'oppression» et «à créer et fournir du matériel ressource sur les aptitudes liées à la direction religieuse»?

Beaucoup de choses. Les motifs qui présidaient à une enquête de trois ans menée par le représentant du Vatican, l'évêque Leonard Paul Blair, étaient que les présentations livrées lors des assemblées annuelles de la LCWR étaient contraires aux enseignements de l'Église catholique, que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait reçu des correspondances émanant de représentantes de la LCWR qui démontraient que l'organisme soutenait des positions divergentes de l'Église sur l'ordination des femmes, la question homosexuelle ou la sexualité et que l'on pouvait percevoir au sein de présentations ou de programmes subventionnés par la LCWR « certains thèmes d'un féminisme radical incompatible avec la Foi catholique », comme des références au «patriarcat». Dans ses rapports remis en 2009 et 2010, l'évêque Blair, condamne aussi le silence de la LCWR sur la question de l'avortement et de l'euthanasie et sur «le point de vue biblique de la famille».

Il est manifeste que la LCWR ne s'est jamais gardée de prendre des positions politiques qui ont troublé les dirigeants catholiques. En 1979, Soeur Theresa Kane, alors présidente de l'organisme, interpellait ainsi Jean Paul II lors de sa visite aux États-Unis afin qu'il évalue la possibilité que les femmes puissent exercer toutes les fonctions au sein de l'Église, y compris la prêtrise. Plus récemment, en 2010, la LCWR appuyait la réforme de la santé du président Obama, qui obligerait les entreprises catholiques ou leurs compagnies d'assurance à assumer des frais liés à la contraception pour leurs employés. Or, la prêtrise des femmes et la contraception constituent deux des plus grands tabous des hiérarques romains.

Une institution obsolète

Il est toujours curieux de voir des organismes créés sous l'autorité vaticane prendre position contre les directives de Rome. Le vœu d'obéissance n'est-il pas l'un des engagements fondamentaux de l'institution catholique ? Depuis le 5e siècle, alors qu'il s'est péniblement imposé à ses semblables d'Alexandrie, d'Antioche, de Corinthe et de Constantinople, l'évêque de Rome dirige en effet avec sa curie toute l'Église et en oriente la doctrine. Dans son constat de 2012 sur la LCWR, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ne manque d'ailleurs pas de rappeler l'importance pour les catholiques d'adhérer « de cœur et d'esprit» au Magistère des évêques et le rôle du Pape comme «Berger en chef» et «Pasteur de l'Église universelle».

Outre le fait d'accorder foi à la résurrection d'un charpentier de Nazareth et à « l'Immaculée Conception » de sa mère, que reste-t-il vraiment de commun entre les convictions de la LCWR et du siège apostolique ? Ne serait-il pas préférable pour tous ces catholiques qui dénoncent le Vatican de quitter le navire comme l'ont fait les réformistes depuis le 16e siècle ?

Cette mise au banc de la LCWR révèle de toute évidence la division profonde qui règne au sein de cette institution archaïque et surréaliste que constitue l'Église catholique. Alors qu'elle résiste toujours aux visées expansionnistes des congrégations protestantes en Amérique du Sud et en Europe méridionale, ainsi qu'aux assauts de l'Islam en Afrique et en Asie, cette institution a manifestement perdu son aura d'infaillibilité en Amérique du Nord où elle peine à s'adapter aux mutations d'une société où la femme n'est plus un citoyen de deuxième ordre.

En dépit de l'expansion des moyens de communication et de transmission de la connaissance, le besoin de croire à la magie et au surnaturel demeurera l'apanage de l'humain. Il n'est toutefois pas invraisemblable d'envisager le jour où l'influence du Vatican reviendra à des dimensions plus modestes, conforme à son origine, « d'Église de Dieu en séjour à Rome ».

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