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La politique du laisser-faire

Il est bien connu en politique que la meilleure façon de durer est de ne rien faire, pour ne pas susciter de controverse. Il y a par contre des moments où cette tactique crée plus de tracas qu'elle n'en sauve. Le gouvernement du Québec en a fait les frais cette semaine.
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AFP/Getty Images

Il est bien connu en politique que la meilleure façon de durer est de ne rien faire, pour ne pas susciter de controverse. Il y a par contre des moments où cette tactique crée plus de tracas qu'elle n'en sauve. Le gouvernement du Québec en a fait les frais cette semaine.

Le 12 mars, la Cour supérieure abattait le château de cartes qu'avait péniblement échafaudé le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs depuis 2006. Dans une affaire impliquant une compagnie productrice de canneberges, Les Atocas de l'Érable, le juge Martin Dallaire déclare illégale une directive sur la protection des milieux humides élaborée par le ministère.

Que dit cette directive jamais publiée, sauf sous forme de prospectus? Elle contient une série de critères devant baliser l'octroi d'un certificat d'autorisation pour un projet de construction dans un milieu humide, comme un marais ou une tourbière, et oblige toute personne qui cause la perturbation d'un tel milieu, à compenser la perte du milieu par un terrain d'une valeur écologique équivalente.

Or, le problème est que ni le Code civil, ni la Loi sur la qualité de l'environnement ne prévoient la possibilité d'obliger une personne à compenser le milieu naturel qu'elle détruira par son activité. Comme une directive ne peut pas fixer des critères différents de sa loi ou d'un règlement habilitants, le juge annule donc la directive et par le fait même toutes les décisions du ministère basées sur le critère de la compensation.

On pourrait se demander pourquoi depuis 2006 le gouvernement n'a pas modifié la loi pour prévoir le principe de compensation. C'est que cette initiative était très mal vue des promoteurs. Légiférer, c'est s'exposer à la désapprobation et les ministres qui se sont succédés depuis 2007 n'avaient visiblement pas envie d'essuyer les griefs des promoteurs ou ceux de leurs collègues du gouvernement. La politique, comme la construction, c'est une affaire de gros sous. Que fera maintenant le ministre Arcand qui avait préféré balayé les milieux humides sous la carpette de son bureau?

Le 13 mars, c'était au tour de son collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Pierre Corbeil, de se voir interpeller sur la place publique. Dans le désormais célèbre dossier de l'abattage religieux, son vis-à-vis de l'opposition, le vétérinaire André Simard s'inquiétait de la souffrance des animaux abattus selon les rituels musulmans et juifs. Il déclarait que ce type d'abattage, qui implique en principe que l'animal sacrifié doit mourir au bout de son sang, sans avoir été préalablement assommé, était contraire aux prétendues « valeurs québécoises », déclenchant un tollé parmi les tenants de la rectitude politique. Le député péquiste invoquait aussi le principe de la liberté de choix, des consommateurs qui ne disposent d'aucun moyen de savoir comment ont été abattus les animaux destinés à l'alimentation.

Outre son opportunisme politique, l'intervention du député Simard était motivée par la tendance de plus en plus répandue au sein de l'industrie de l'élevage et de l'abattage, à se conformer aux pratiques religieuses et à les généraliser pour profiter des marchés de la viande halal et kasher, tout en continuant à approvisionner les autres types de consommateurs avec les mêmes produits.

La sortie du député Simard n'aurait probablement pas eu les mêmes répercussions si le ministère de l'Agriculture avait été en mesure de fournir des statistiques précises sur cette « tendance halal ». Le ministère a ainsi été incapable de préciser combien d'abattoirs recourent à cette pratique sur le territoire québécois et la quantité d'aliments supposément halal destinés à la consommation.

On pourrait soutenir le fait que tout ce dossier relève de la compétence fédérale, puisque c'est un règlement fédéral qui régit les règles d'abattage et consacre l'accommodement pour les rites juifs et musulmans. Certains promoteurs du multiculturalisme pourraient aussi arguer que l'initiative du PQ est une manipulation identitaire inopportune.

Il n'empêche que la controverse autour de l'abattage religieux ne se limite pas au Québec et ne date pas d'hier. Elle fait actuellement rage en France et suscite les passions partout, jusqu'en Australie. Déjà en 2003 et 2009, le Farm Animal Welfare Council (FAWC), un organisme de vétérinaires relevant du gouvernement britannique déclarait dans deux rapports que l'abattage juif et musulman « entraîne une douleur et une détresse très significatives avant que l'insensibilité ne survienne » et que « l'abattage sans étourdissement préalable est inacceptable ».

Sur un sujet aussi sensible, un gouvernement se doit de prévenir les coups et d'éviter la paranoïa populaire. Un ministre ne doit pas se contenter d'affirmer laconiquement que la « loi est respectée » tout en laissant faire l'industrie.

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