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Le désastre environnemental des Olympiques de Sotchi

Les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi viennent de prendre fin... Alors que les médias québécois vantent la performance de «nos» athlètes et que Marcel Aubut se jette dans les bras de Vladimir Poutine comme une groupie en transe, on oublie la catastrophe écologique qui a été léguée à cette région en bordure de la mer Noire.
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Les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi viennent de prendre fin... Alors que les médias québécois vantent la performance de «nos» athlètes et que Marcel Aubut se jette dans les bras de Vladimir Poutine comme une groupie en transe, on oublie la catastrophe écologique qui a été léguée à cette région en bordure de la mer Noire.

Malgré les propos rassurants de Poutine, posant devant les caméras avec un léopard, et ceux du président du comité organisateur russe, Dmitri Chernyshenko, se targuant d'avoir livré des «Jeux verts» en «harmonie avec la nature», les groupes environnementaux locaux comme l'organisme de surveillance environnementale du Caucase septentrional (EWNC), l'Association russe pour la conservation des oiseaux (RBUC), et la division russe de la World Wildlife Federation (WWF), déplorent les dommages irréparables faits à l'environnement par les infrastructures olympiques.

Une zone dévastée équivalente à l'île de Montréal

Selon l'enquête menée par ces groupes environnementaux, les autorités russes n'ont reculé devant rien pour réaliser les rêves de grandeur de leur président. Après avoir abrogé les dispositions de la loi protégeant le parc national de Sotchi, elles ont non seulement bloqué les voies migratoires des animaux, détruit les habitats fauniques et engloutis sous deux mètres de roche concassée des milieux humides qui servaient de refuge à plus d'une soixantaine d'espèces d'oiseaux, mais elles ont aussi enfoui des résidus contaminés et pollué les sources d'eau potable avec des métaux lourds.

De l'aveu même d'Olympstroi, la compagnie d'État chargée de la supervision des travaux de construction, les portions de ce parc reconnu au patrimoine mondial de l'UNESCO qui ont été sacrifiées au délire olympique équivalent à environ 3 500 hectares, soit un peu moins que la superficie de l'île de Montréal. Olympstroi fait grand cas de mesures de mitigation comme la création d'un parc ornithologique, et la plantation de 1,5 million d'arbres, mais quelle est la valeur d'un parc ornithologique sans oiseaux? Comment la plantation de jeunes pousses dans d'autres secteurs, fussent-elles trois fois plus nombreuses, peut-elle compenser la destruction d'arbres matures et des écosystèmes auxquels ils étaient rattachés?

Les dommages sont en grande partie irrémédiables. Le gouvernement russe a ainsi construit une route et une voie ferrée de 50 kilomètres entre Sotchi et les montagnes du parc national. Ces infrastructures de transport, dont le coût est évalué à 9 milliards de dollars, soit plus que le montant total des jeux de Vancouver ou de Salt Lake City, longent le fleuve Mzymta. Leur construction a nécessité la déviation du cours d'eau, entraînant la destruction de son bassin et de sa faune. En dépit de la signature d'une déclaration visant la restauration de l'écosystème du fleuve et de ses affluents, son niveau de pollution semble désormais avoir atteint un seuil fatal. Ainsi, une tentative visant à repeupler ce cours d'eau par des millions d'alevins s'est soldée l'an dernier par un cuisant échec lorsque les responsables ont été incapables de trouver après quelques mois un seul survivant.

Le billet se poursuit après la galerie

Avril 2005

L'évolution de Sotchi

Un événement aberrant

Quoiqu'en dise Marcel Aubut, les Olympiques ne sont pas seulement le théâtre des exploits athlétiques de jeunes sportifs. Ils demeurent une tribune privilégiée pour faire valoir les mérites des pays hôtes. Les jeux de 1936 à Berlin, et ceux qui devaient avoir lieu à Tokyo en 1940, avaient pour fonction première d'exalter la grandeur des régimes nazi et shôwa.

Afin de diffuser sa propagande en toute tranquillité, la Russie n'a d'ailleurs pas manqué de museler les opposants de l'organisme de surveillance environnementale du Caucase septentrional comme le zoologue Suren Gazaryan et le géologue Yevgeny Vitichko, respectivement exilé en Estonie et condamné à trois ans de travaux forcés pour «méfaits» sur le terrain d'une résidence du gouverneur local construite dans le parc de Sotchi.

Le Comité international olympique, qui participe pourtant au Programme des Nations-Unies pour l'environnement et dispose de sa propre politique environnementale destinée à promouvoir le développement durable et la réduction de la pollution, s'est fait remarquablement discret à l'égard des dérapages russes. En 2007, Poutine et Chernyshenko s'étaient engagés à protéger la biodiversité et à investir massivement dans les énergies renouvelables comme le solaire, la géothermie et la biomasse pour la réalisation des infrastructures. Le temps venu, les considérations environnementales ont été étouffées sous un processus décisionnel hermétique, mal supervisé, dont le manque de crédibilité est illustré par la construction d'une centrale thermique de 180 MW à Dzhubginsky, et destinée à répondre à au moins 25 % des besoins du village olympique.

Le simple fait qu'une ville située dans un climat subtropical à seulement 2400 km d'Olympie et à la même latitude que Marseille, où l'on a dû empiler 710 000 mètres cubes de neige glanée au cours des hivers précédents, ait réussi à obtenir les Jeux d'hiver, suffit à mettre en doute l'intégrité du processus olympique.

Par ailleurs, on est en droit de se demander si la tenue des Jeux olympiques ne sert pas que les intérêts des puissants insatiables. Comme le rapporte Mark Perryman de l'Université de Brighton dans sa synthèse, plusieurs études crédibles tendent à démontrer que les soi-disant «retombées économiques» portées aux nues par les politiciens seraient bien moindres que promis. Selon ces travaux, les jeux attirent certains touristes, mais en font fuir autant, les profits provenant de l'augmentation de revenus du secteur hôtelier sont surtout engrangés par des chaînes internationales, la construction des infrastructures sportives engloutit presque toujours des sommes colossales et ces dernières se transforment en fardeau une fois les deux semaines de festivité terminées.

Grâce à la complicité du comité olympique, la Russie, ce pays qui se fait une fierté d'adopter des lois contre le «blasphème» et la « promotion de l'homosexualité », dispose maintenant d'une caution lui ayant permis de détruire une part encombrante d'un parc national classé au patrimoine de l'UNESCO pour y implanter une station de ski et en faire un lieu incontournable du tourisme dans la région de la mer Noire. L'avenir nous dira quel sera le prochain écosystème exceptionnel qui sera sacrifié sur l'hôtel de la gloire éphémère et du profit.

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