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Jo Cox était une femme passionnée, compatissante et loyale

Appréciée par les députés de tous les partis, Jo avait acquis un bagage professionnel important, travaillant pour Oxfam lors de plusieurs missions internationales. Sa crédibilité et son expertise dans les dossiers qu'elle défendait n'étaient plus à faire. Elle avait une efficacité politique qui faisait oublier sa petite taille - elle ne faisait pas plus de cinq pieds (1,52 mètres). Dès qu'elle bondissait de sa banquette verte, le Parlement se taisait pour écouter ses questions parfaitement articulées sur la Syrie ou sur les réfugiés.
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Des députés et des membres du Parti travailliste étaient rassemblés au Strangers', le bar de la Chambre des Communes, prêts à regarder le match Angleterre-Pays de Galles, quand la nouvelle est tombée.

Leurs téléphones se sont mis à vibrer au rythme des alertes, des messages textes et des tweets. L'ambiance est rapidement devenue glauque. "Nous étions sous le choc", a glissé un travailliste.

Personne n'avait réalisé qu'au moment où ils recevaient la nouvelle de l'attaque, Jo Cox, 41 ans, transportée au Leeds General Infirmary, était déjà morte.

Appréciée par les députés de tous les partis, Jo avait acquis un bagage professionnel important, travaillant pour Oxfam lors de plusieurs missions internationales. Sa crédibilité et son expertise dans les dossiers qu'elle défendait n'étaient plus à faire.

Elle avait une efficacité politique qui faisait oublier sa petite taille - elle ne faisait pas plus de cinq pieds (1,52 mètre). Dès qu'elle bondissait de sa banquette verte, le Parlement se taisait pour écouter ses questions parfaitement articulées sur la Syrie ou sur les réfugiés.

Il y a quelques jours à peine, elle participait - sans surprise - à la traditionnelle compétition de tir à la corde opposant les députés aux lords, visant à recueillir des fonds pour la lutte contre le cancer. Jo était à la tête de l'équipe féminine.

Au sein de ses collègues travaillistes, elle était aimée par tous ceux qui la connaissaient bien. Personne ne pouvait la manquer quand elle mettait sa robe rouge, qui est presque devenue sa marque de fabrique. Si on lui demandait pourquoi elle portait cette robe si souvent, elle disait qu'elle n'était qu'une simple députée et qu'elle ne pouvait se permettre une garde-robe de star!

Jo était heureuse quand elle partait en campagne. Mercredi, elle était, avec son mari Brendan et leurs deux enfants - âgés de 3 et 5 ans -, sur un canot, avec un drapeau portant l'inscription "In", pour contrer la flottille du Brexit de Nigel Farage sur la Tamise.

Jo aimait l'eau et vivait avec sa famille sur sa caravane flottante, près du Tower Bridge, quand elle était à Londres, la semaine, pour siéger. Les jeudis soirs, la famille Cox tenait souvent des réceptions auxquelles participaient plusieurs collègues travaillistes qui représentaient toutes les franges du parti.

Jo est née et a grandi dans la circonscription de Batley and Spen, qu'elle représentait aux Communes. Et elle avait dit à mon collègue Owen Bennett qu'elle était très fière d'être une "local lass", une fille locale. Elle aimait dire que toute sa famille y vivait aussi, faisant des blagues sur ce cousin qui habitait juste à l'extérieur de la circonscription et qui était le mouton noir de la famille parce qu'il demeurait à 20 minutes de la maison!

À l'âge de 16 ans, elle a décidé qu'elle voulait suivre les traces de son père en travaillant à l'usine de dentifrice de son village. Elle y a bien travaillé un été, mais elle avait aussi réussi à être admise à Cambridge. Elle est devenue la première diplômée de sa famille.

Jo a admis avoir été un peu déboussolée par la culture de Cambridge au départ. "J'étais une fille de la classe ouvrière de Batley qui n'était jamais sorti de chez elle, mis à part pour quelques vacances sur la Costa del Sol. D'être soudainement entourée de jeunes qui avaient voyagé en Inde ou qui avaient vécu à l'étranger avec leurs parents diplomates me sortait complètement de ma zone de confort. J'étais très intimidée."

"Mais je m'y suis fait. Je pense que ça m'a pris 10 ans avant de regagner la confiance et l'assurance que j'avais à 18 ans. Mais tout ça m'a fait réaliser plusieurs choses sur la façon dont le monde fonctionne. J'ai aussi appris que c'était possible pour une fille comme moi de réussir, d'aller loin, de décrocher l'emploi que je désirais."

Jo a rejoint le monde politique sur le tard. C'est son passage à Cambridge qui lui a rappelé que c'était un chemin qu'elle pouvait aussi emprunter. Robin Cook était son héros politique. Le travailliste l'avait inspirée grâce à sa vision de la politique étrangère basée sur l'aide aux personnes les plus vulnérables de la planète. Elle se ralliait à lui dans son opposition à la guerre en Irak. Elle croyait que l'Occident doit toujours user de diplomatie et d'humanitarisme pour aider ceux qui en ont le plus besoin.

À sa sortie de l'université, elle est devenue travailleuse humanitaire et s'est retrouvée plus souvent sur le terrain. Elle s'est par la suite attaqué aux problèmes de pauvreté infantile dans son pays, au sein d'organismes comme NSPCC et Save the Children. C'est lorsqu'elle travaillait pour Oxfam - à Bruxelles, aux Nations unies à New York et dans des zones de guerre partout sur la planète - qu'elle a pleinement acquis l'expérience qu'elle mettait en avant tous les jours au Parlement.

"Je montais à bord d'un avion pour me rendre à Kaboul avant de le quitter pour le Darfour, la semaine suivante", avait-elle expliqué. Puisqu'elle avait travaillé avec des enfants soldats, en Ouganda, ou des personnes âgées, en Afghanistan, elle déboulonnait le mythe voulant que les jeunes politiciens n'ont aucune expérience du "vrai monde".

Son mari, Brendan, a travaillé pour le premier ministre Gordon Brown, sur Downing Street, avant d'accepter un poste de cadre à Save the Children. Jo est devenue conseillère de la première dame Sarah Brown, l'aidant dans sa campagne pour réduire le nombre de décès chez les femmes donnant naissance dans les pays en développement.

Dès qu'elle a mis les pieds à la Chambre des Communes, Jo a tout de suite mis en avant les dossiers qui lui tenaient à cœur. Dans son discours inaugural, elle a défendu la diversité de sa circonscription, arguant que sa communauté avait grandement bénéficié de l'immigration, qu'elle soit catholique irlandaise, musulmane indienne ou pakistanaise.

C'est elle qui a mis sur pied le groupe parlementaire multipartite des Amis de la Syrie, peu de temps après avoir remporté son siège, en 2015. Elle s'est abstenue lors du vote sur une intervention militaire en Syrie, indiquant au HuffPost qu'elle croyait qu'une action aérienne ne faisait pas partie d'un plan pour résoudre le conflit. "Je crois qu'il faut s'attaquer à l'État islamique, mais je ne crois pas qu'il faille le faire de façon isolée", écrivait-elle.

Récemment, elle avait vigoureusement défendu la place du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne en vue du référendum du 23 juin. Elle travaillait avec les autres partis, de façon très civilisée, de la même façon qu'elle abordait tous ses dossiers.

Lors d'une interview pour le HuffPost, l'an dernier, nous lui avions demandé ce qu'elle changerait de la politique. "J'aimerais que nous puissions davantage travailler ensemble, que nous mettions à profit les meilleurs cerveaux afin de trouver des solutions", avait-elle répondu.

Westminster ne se souviendra pas seulement de la politicienne, mais aussi de la mère, de la femme et de l'amie. Quand nous lui avions demandé le dernier livre qu'elle avait lu, voici ce qu'elle nous avait dit : "Probablement un livre que j'ai lu à mes enfants. Sûrement I Want My Hat Back [Rendez-moi mon chapeau, de l'auteur canadien Jon Klassen]."

Et quand nous lui avions demandé les trois mots que ses amis utiliseraient pour la décrire, elle avait répondu, simplement : "Passionnée, compatissante et loyale." À coup sûr, elle était tout ça.

Ce billet de blogue a été initialement publié sur le HuffPost UK. Il a été traduit par Vincent Fortier.

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