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Je me souviendrai de «Monsieur». Un homme politique qui aimait converser avec les journalistes pendant des heures, un technicien de l'État, un grand bureaucrate dans le sens noble du terme. Il était un passionné du Québec. Il croyait au Québec.
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Jacques Parizeau n'a été premier ministre que pendant un an et quatre mois, mais il est un grand serviteur de l'État et surtout un bâtisseur du Québec moderne.

J'ai couvert M. Parizeau de 1990 à 1996 alors que j'étais jeune réalisateur à CTV News et journaliste pour Reuters au Parlement de Québec.

Monsieur, comme on l'appelait, était un homme d'État. Il avait vraiment l'intérêt public à cœur au sens noble du terme. Les intérêts de l'État passaient avant ses intérêts personnels. Cela est de plus en plus rare en politique de nos jours.

Habillé avec ses vieux costumes trois pièces, comme dans les années 1950 alors qu'il étudiait à la London School of Economics, il semblait être un homme d'une autre époque, avec par exemple son anglais british tellement bien articulé qu'il surprenait même les vieux routiers de la Tribune de la presse à Québec. By Jove!

Il était aussi un homme brillant, un avant-gardiste avec un esprit cérébral sans commune mesure. Jacques Parizeau est un des bâtisseurs de la Révolution tranquille au Québec, de 1960 à 1966. Conseiller du premier ministre Jean Lesage, il a été de toutes les batailles pour faire du Québec un État moderne (avec René Lévesque), que ce soit pour la nationalisation de l'électricité, la fondation de la Caisse de dépôt et de placement du Québec et la Société générale de financement (SGF).

Jacques Parizeau est aussi un des premiers fondateurs du Parti québécois en 1968-1969, avec M. Lévesque, qui venait de claquer la porte au Parti libéral du Québec. M. Parizeau a souvent raconté d'ailleurs sa conversion à la souveraineté... dans un train! Tout simplement!

On connaît le reste de sa carrière : élu député aux élections de 1976 qui ont porté le PQ au pouvoir à la grande surprise de bien du monde; ministre des Finances de René Lévesque, président du Conseil du trésor. Il quitte le PQ en 1984, rejetant le «beau risque» de René Lévesque qui flirtait avec le fédéralisme d'ouverture de Brian Mulroney.

Jacques Parizeau a toujours été un souverainiste pur et dur au sein du PQ. Il n'a jamais bougé de ce point de vue. Il a été fidèle à ses convictions profondes et à son idéal. Son rêve ne ce sera jamais réalisé de son vivant.

«Monsieur» est revenu comme chef du PQ en 1988 et de l'opposition en 1989, après quelques années comme professeur aux HEC. Il adorait enseigner. Il adorait les jeunes. M. Parizeau a toujours cru aux forces vives du Québec. Durant les campagnes électorales, il faisait toujours le tour des cégeps et des universités. C'était un intellectuel. Un vrai. Il a toujours aussi estimé que le rejet des cours techniques et professionnels par les jeunes était un drame pour le Québec. Il était visionnaire en ce sens, lorsqu'on constate la pénurie de main-d'œuvre qui frappe le Québec.

M. Parizeau a été dans l'opposition de 1989 à 1994. Il a été élu premier ministre du Québec le 12 septembre 1994. J'étais aux premières loges pour CTV News ce soir-là.

S'ensuivit le référendum sur la souveraineté du Québec le 30 octobre 1995. Si ça n'avait été que de M. Parizeau, le référendum aurait eu lieu très rapidement après septembre 1994. Mais les conditions n'étaient pas gagnantes. Il a dû attendre.

On connaît la suite : le référendum a échoué...mais de peu. Quelque 52 000 votes ont séparé le camp du Oui et du Non. Le discours de M. Parizeau sur l'argent et le vote ethnique le soir de la défaite référendaire a jeté une douche froide sur les partisans du PQ et le grand public. Jacques Parizeau a eu la dignité de démissionner le lendemain, tant ses propos étaient inacceptables. Il a ouvert ainsi la voie à Lucien Bouchard, qui a dirigé le Québec de janvier 1996 à janvier 2001.

Lors de la campagne référendaire, Jacques Parizeau avait accepté difficilement de céder sa place à Lucien Bouchard étant donné son manque de charisme et une défaite sûre et certaine s'il demeurait en charge de la campagne. C'est tout à son honneur d'avoir agi ainsi, de s'être oublié pour favoriser la cause. Il a aussi été très lucide en démissionnant sur le champ le 31 octobre 1995.

Je me souviendrai de «Monsieur». Un homme politique qui aimait converser avec les journalistes pendant des heures, un technicien de l'État, un grand bureaucrate dans le sens noble du terme. Il était un passionné du Québec. Il croyait au Québec.

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2 février 1982

Jacques Parizeau en photos

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