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Entrée au secondaire, craintes primaires?

Dans deux semaines, j'entrerai au secondaire. La grande école, où je m'imaginais déjà me faire plaquer dans les cases, enfermer dans l'armoire à balais, me faire baisser les culottes devant tout le monde.
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Août 1988, je viens d'avoir treize ans, c'est presque la fin des vacances et, deux mois plus tôt, je venais de terminer (en larmes) «l'élémentaire», comme le répétait souvent mon prof de 6ème année, monsieur Gosselin. Paraît qu'il appelait ça comme ça, dans son temps.

Dans deux semaines, j'entrerai au secondaire. La grande école. L'école où je m'imaginais déjà me faire plaquer dans les cases, enfermer dans l'armoire à balais, me faire baisser les culottes devant tout le monde par les caïds de la place, et tout ça juste à la journée d'intégration.

J'avais la chienne, mettons. L'école secondaire devenait très primaire dans mes craintes tout à coup. Est-ce que je saurai où seront mes locaux? Arriverais-je à temps à mes cours? (Dix minutes entre deux cours, c'est court!) Dans combien de temps pourrais-je me refaire un nouveau meilleur ami? Est-ce que je pourrai seulement m'en refaire au moins un autre?

AAAAAAHHHHHH!!!!! Je n'ai pas pu dormir jusqu'au jour J...

Mon meilleur ami Martin venait tout juste de déménager en juillet (le traître). Christian et Roberto, deux autres amis moins meilleurs, qui auraient été casés dans «Connaissances» si Facebook avait existé à ce moment-là, allaient dans des écoles privées (les maudits riches que j'enviais) à l'abri de toutes ces peurs-là. C'est l'image que je me faisais de l'école privée. Je me disais que lorsque tu es riche, tu te tiens avec des riches, et deux riches ça ne se tabasse pas entre eux. Un pauvre peut tabasser un autre pauvre, un riche et un pauvre peuvent se tabasser entre eux, mais deux riches? Jamais. Ils laissent ça aux pauvres. Du moins le petit gars felluette de 60 livres mouillées pensait ça. J'ai écris 60 livres? C'était moins de 50, d'après moi, car mon voisin d'en face peinait à soulever un 50 livres de patates donc il n'aurait pas pu me bardasser et soulever 60 livres avec autant de facilité 2-3 fois par semaine.

Puisqu'à la Fête du travail, je n'avais pas encore trouvé de défaite assez plausible à dire à ma mère m'empêchant de rater la journée d'intégration, la rentrée scolaire, mon secondaire au complet, je me suis présenté comme prévu, seul.

Pas tout à fait seul, puisque la gang à Boulay m'a parlé tout le long du trajet. Ce n'était pas vraiment une conversation. C'était plus un monologue: «Hé! Si c'est pas le rack à chips vide!», «Tombe pas su' l'dos avec ton sac d'école, la tortue ambulante, tu te r'lèveras pas!» Et le fameux: «Heille les lunettes, provoque-nous pas!» de La guerre des tuques, qui était toujours d'actualité presque 4 ans plus tard.

Je me souviens que je bouillais en dedans, prêt à exploser. «Vos yeules, les pouilleux, venez dont me redire ça à six pouces de la face pour voir?» Ça, c'est ce que j'aurais aimé pouvoir leur dire, mais mon sac à dos de rentrée scolaire qui fermait à peine me prenait déjà tout le souffle nécessaire pour pouvoir dire des mots. J'ai donc encaissé sans broncher. Douze minutes, c'est long.

Bien qu'ardue, l'expression «faire son p'tit bonhomme de chemin» prenait tout son sens jusqu'à l'école. J'étais quand même grand pour mon âge (un GRAND rack à chips vide), dans les trois derniers de la file en rentrant de la «récré» en 6ème année. Sitôt arrivé, j'ai revu plusieurs personnes que je reconnaissais. Fiou! Ça m'a vraiment rassuré, car Stéphane, Jimmy et Steve étaient là. Sauf qu'à 13 ans, il paraît que ton corps change, ton visage change, et tout ça en quelques mois à peine. J'ai dû changer pas mal depuis juin, car pas un des trois ne m'a regardé.

Arriver en gang dans une nouvelle école, c'est stressant, mais c'est stressant en gang. Tu te partages le stress. C'est comme glisser sur un plancher mouillé à la cafétéria devant tout le monde avec ton cabaret plein: c'est mortel. Les rires des autres étudiants te réveillent encore la nuit deux semaines plus tard. Mais glisser dans le même contexte, tes 4 chums et toi en même temps, sur la même flaque, ça c'est drôle, tu veux quasiment recommencer! On trouve ça plate n'avoir rien à faire? On appelle ses chums car ne rien faire en gang, c'est plaisant. Sauf que, puisque je n'étais pas en gang cette journée-là...

Les locaux sont durs à trouver, ton casier est dur à trouver et tout le monde semble à l'aise, sauf toi. Le stress, sûrement. Faut dire qu'à travers tous les high fives, les cris et les rires autour de toi, ta concentration aussi est dure à trouver. La journée s'est quand même bien passée, et a été moins pire que mes craintes. J'ai pu rencontrer plusieurs enseignants, tous gentils et amusants, sauf deux: le prof de Math, qui avait le dynamisme de Yoda, et le prof de science, qui n'avait que deux activités favorites soit jouer à la pétanque et manger des Revello.

Après avoir exploré les lieux telle une biche affolée, j'ai finalement pu découvrir tout mes locaux, le gym, la bibliothèque et... ma sexualité à la vue de ma prof d'anglais, Manon. Juste un sourire de politesse et le mal était fait. Mal dans le sens qu'au moment de la voir me sourire, ma paille de jus a tenté de s'introduire dans mon nez. En treize ans, c'était la première fois que j'avais envie de connaître une deuxième langue, au propre comme au figuré. Les envies d'un jeune adolescent en rut, mais poli, venaient de remonter à la surface. J'avais juste envie de lui dire: «I want to apprendre l'anglais while you french me, s'il-vous-plaît.» Je suis ensuite sorti en douce de la même façon que j'y avais pénétrée (pas de Manon, de l'école): heureux d'avoir pu voir et sentir les lieux où je passerai les cinq prochaines années de ma vie. Par contre, comme intégration, on repassera. Je ne me sentais pas intégré du tout. Qu'arrivera-t-il au frêle que je suis? Pour l'instant, pas la moindre idée, sauf l'image de Manon... She was very belle...

Aujourd'hui, alors que je ne peux pas éternuer sans perdre douze cheveux, je peux dire que ces cinq années furent de belles années. Je m'y suis fait de nouveaux amis: Éric, Marc et Caroline. Une première blonde, Mélanie. J'ai fait partie de plusieurs comités ou équipes sportives et participé à plusieurs compétitions parascolaires.

Toutes mes craintes et mes peurs étaient celles d'un garçon tout à fait normal, sorti tout droit de la sécurisante école primaire, se dirigeant vers le monde des grands du secondaire, où l'autonomie est davantage priorisée et où l'inconnu l'attendait. Étant enfant unique dont une mère-poule aurait jugé la mienne de m'avoir trop couvé, je n'étais pas prêt à affronter ce changement. Est-ce que j'avais mentionné que de la 1ère à la 6ème année, j'étais en plus très populaire à l'école? Premier de classe, assez bonne estime de moi, participé à 4 films amateurs et un professionnel, animé le gala Méritas de fin d'année. Imaginez si cela n'avait pas été le cas, ou si ces années s'étaient mal déroulées?

Encourageons vivement nos enfants à saluer et à parler à un autre enfant qui semble seul ou nouveau à la rentrée scolaire et même durant les semaines suivantes. Un petit geste de la sorte est très rassurant et juste un sourire peut faire toute la différence. Cela a fonctionné pour moi avec Manon. Ah, Manon...

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