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La déclaration du général de Gaulle en 1967 : un disque qui saute

Le fantôme du général de Gaulle peut dormir en paix. Les vivants n'ont plus d'autre choix que de se prendre en main.
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C'est un 24 juillet 1967 que le Général de Gaulle lançait son prophétique « Vive le Québec libre ! » du haut du balcon de l'Hôtel de ville de Montréal.
Uyen Le via Getty Images
C'est un 24 juillet 1967 que le Général de Gaulle lançait son prophétique « Vive le Québec libre ! » du haut du balcon de l'Hôtel de ville de Montréal.

Le 24 juillet, toute la Sainte Famille souverainiste célèbre le 50 anniversaire de la visite épique du Général de Gaulle en terres québécoises. Il n'est jamais trop tard pour rêver au retour providentiel d'un homme de poigne qui viendrait nous requinquer le moral, parce que les troupes patriotiques ont du plomb dans les ailes depuis une sacrée paye !

Vive le Québec libre !

C'est un 24 juillet 1967 que le Général de Gaulle lançait son prophétique « Vive le Québec libre ! » du haut du balcon de l'Hôtel de ville de Montréal. Et, depuis lors, nous nous réfugions dans un passé mythique en évoquant – en invoquant – la figure tutélaire d'un Général de Gaulle ayant franchi le Rubicon du protocole diplomatique lors de sa mémorable visite au cœur d'un Québec en pleine ébullition. Ce coup de cœur du tribun français deviendra l'antienne obligée d'un mouvement souverainiste autant fantasmé qu'immature. Les autorités canadiennes prendront ombrage de la tirade du bon général pour s'ériger en faux contre la montée en force du Québec au sein d'une francophonie qui se voulait, à l'époque, le pendant du Commonwealth. En effet, le premier ministre du Québec, Daniel Johnson (père), avait entrepris de déployer une véritable diplomatie au sein d'une francophonie desservant les visées géopolitiques du général. S'opposant à la vision unipolaire du monde anglo-saxon, la France gaulliste ambitionnait de prendre la tête du peloton des puissances intermédiaires histoire de tempérer une guerre froide installée à demeure.

De Gaulle redécouvre une « Nouvelle-France » complètement métamorphosée au gré d'une modernité l'ayant forcée à donner le meilleur d'elle-même. Il s'enthousiasme vis-à-vis des réalisations et de l'esprit d'entreprise qui caractérisent le Québec à cette époque et en témoigne lors de son fameux discours : « tout le long de ma route ... j'ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d'affranchissement vous accomplissez ici, et c'est à Montréal qu'il faut que je le dise ! ».

Coups d'état soft

Malheureusement, de Gaulle sera éjecté du circuit politique avec le « coup d'état soft » de Mai 68 (qui nous rappelle celui de Macron en Mai 2017) et son complice, Daniel Johnson, sera emporté quelques temps après, par une crise cardiaque foudroyante alors qu'il visitait le chantier de Manic-5, un projet-phare pour la stratégie énergétique du gouvernement québécois. Les nouveaux maîtres de la France, adoubés par la banque et les officines atlantistes aboliront la capacité régalienne de l'état à battre monnaie et d'aligneront sur les desiderata de Washington et de ses satellites bruxellois. La Francophonie perdra de son mordant et sera, malgré sa reconnaissance par l'UNESCO, confinée à un rôle de sous-fifre, le monde de la culture et du spectacle devenant ses seules véritables prérogatives.

Ottawa remettra le Québec à sa place – concédant un statut quasi-diplomatique à la Délégation générale du Québec à Paris – en reprenant solidement en main les rênes de la géopolitique et du développement de nouveaux partenariats économiques (Toronto supplantant Montréal en matière d'investissements français au Canada). C'est avec les événements d'octobre 1970, comparables au perfide Mai 1968, que les puissants lobbies atlantistes bloqueront net la volonté d'émancipation du Québec post-moderne. Depuis lors, le Canada et la France se sont engagés dans un paradoxal pas de deux, dans un contexte où le Québec n'est plus qu'un pauvre chien fou dans le jeu de quille d'une Francophonie littéralement pervertie par la donne géopolitique.

Parasiter le cadavre du général

Les mânes du bon général et de ses alliés seront invoqués, à l'occasion, par une classe politique faisant ses choux-gras d'une Francophonie servant surtout à préserver les apparences et à permettre à la grande famille socialiste d'étendre ses ramifications de part et d'autre de l'Atlantique. C'est ainsi que le Parti québécois et le Parti socialiste français, surtout sous l'impulsion de Michel Rocard – mondialiste déguisé en patriote – profiteront des anciens relais de la Francophonie gaulliste pour élargir leur bassin électoral, tout en manipulant le peuple au moyen d'une « social-démocratie » autant fantasmée que pervertie. En effet, le Président Mitterrand trahira, au tournant des années 1983, la classe ouvrière en se mettant de l'avant une politique cosmétique qui permettra de liquider en douce les acquis sociaux des couches populaires de l'électorat.

C'est au tournant des années 2000 que les choses deviendront claires et limpides : le Québec complètement inféodé à la doxa multiculturaliste du Dominion canadien et la France diluant toutes ses prérogatives régaliennes au gré des fameux traités – Maastricht, Lisbonne, etc. – européistes et globalistes. La politique politicienne – assujettie à la doctrine de Machiavel – règne, désormais, en maître sur le souvenir fantasmatique d'une Francophonie marquée par le fantôme d'un Général de Gaulle floué en fin de compte. Incidemment, la vassalisation de la Francophonie face au néolibéralisme omnipotent de l'Imperium atlantiste peut être comparable à l'occupation de la France par les divisions allemandes à une époque où de Gaulle se faisait la malle.

La résistance 2.0

De nos jours, c'est le général Pierre de Villiers, ex-commandant en chef des forces armées françaises, qui se fait la malle dans un contexte où le nouveau président Emmanuel Macron ambitionne d'amputer la France du peu de prérogatives régaliennes qui lui restaient, histoire de se conformer aux desiderata de ses sponsors : la banque, toujours elle !

Reste à voir si le courageux Pierre de Villiers se laissera tenter par l'aventure politique ... marchant sur les pas de la figure tutélaire de son illustre prédécesseur.

Reste à voir si le courageux Pierre de Villiers se laissera tenter par l'aventure politique ... marchant sur les pas de la figure tutélaire de son illustre prédécesseur. Certains analystes français préconisant, dans un tel contexte, que l'historique Conseil national de la Résistance (CNR) soit ressuscité afin que TOUTES les forces de la résistance nationale puisse, enfin, s'unir face à ce qui s'apparente à une occupation 2.0. Le Québec, pour sa part, aura-t-il l'énergie nécessaire pour résister, lui-aussi, au rouleau compresseur d'une globalisation qui ne fait plus de quartier ?

Le fantôme du général de Gaulle peut dormir en paix. Les vivants n'ont plus d'autre choix que de se prendre en main.

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