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Au Japon, des centaines de personnes, souvent dans la force de l'âge, meurent au travail chaque année.
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Jean Ferrat disait dans une de ses chansons que tous ses copains sont malades de travail. Au Japon, le travail tue!

Un article récent me rappelait un phénomène bien réel, la mort par épuisement au travail, que l'on nomme karoshi au Japon. Certes cela peut arriver aussi dans les sociétés occidentales, où l'épuisement professionnel est une réalité, mais le problème se pose avec acuité au pays du soleil levant.

Dans ce pays, des centaines de personnes, souvent dans la force de l'âge, meurent au travail chaque année. On dit même qu'un travailleur sur cinq risque le surmenage mortel. Et si le phénomène touche surtout les hommes, les femmes peuvent en être victimes également.

Pour contrer ce problème, récemment, une firme japonaise a mis un drone en service pour forcer ses employés à quitter le travail à partir d'une certaine heure. Cet enjeu est de plus en plus traité dans les médias et a atteint la sphère politique. Le premier ministre Abe en a fait un dossier prioritaire et un plan d'action a été mis en place.

C'est une problématique difficile à comprendre pour quiconque ne connaît pas le Japon et ses rigides codes culturels. Même si nous pouvons faire des efforts pour mieux comprendre les codes culturels japonais et la pression qui les accompagne, les habitants de ce pays vous diront tout le temps, même après des années là-bas, « vous ne pouvez pas comprendre car vous n'êtes pas japonais ! ». D'ailleurs, des Japonais, absents pendant des années de leur pays et libérés de cette pression envahissante, vous confieront aussi que, lorsqu'ils rentrent dans leur pays, cette pression conformiste leur tombe dessus comme une chape dès qu'ils descendent de l'avion.

La fatigue causée par les longues heures de travail est exacerbée par les longs temps de déplacement pour aller au bureau et rentrer à la maison.

La société japonaise valorise le travail avant la famille mais on m'a dit aussi qu'il y a une dimension de pression familiale. Alors qu'en Occident la pression joue en faveur de la famille, à laquelle il faut consacrer plus de temps, un homme japonais ne voulant pas paraître, aux yeux de sa femme et de sa famille, plus paresseux que son voisin en rentrant à la maison avant lui, aura tendance à étirer sa présence au bureau ou du moins son absence du foyer (car certains finissent la soirée dans les bars avec des collègues dans la même situation). À cela s'ajoutent des attentes de performance de la part des patrons, eux-mêmes zélés, et la pression des collègues (personne ne voulant être le premier à quitter le bureau!).

La fatigue causée par les longues heures de travail est exacerbée par les longs temps de déplacement pour aller au bureau et rentrer à la maison. Dans la capitale nippone, le temps moyen est de presque deux heures par jour. C'est énorme, surtout si on garde à l'esprit que la presque totalité de ces déplacements se font dans des conditions extrêmement pénibles, en passant par des gares et des métros où se presse une marée humaine et en demeurant debout dans des trains bondés où il est impossible de trouver un siège.

Pour éviter les trop longs déplacements et maximiser le temps au travail certains choisissent les chambres-capsules ou se prévalent de ce service simplement parce qu'ils ont travaillé trop tard et manqué le dernier train pour rentrer à la maison. Ces chambres sous forme de caisson de 1m sur deux, qui ressemblent à des casiers de morgue, ne sont pas faites pour les claustrophobes! Elles peuvent être louées pour de modiques sommes, aussi peu que 35 à 50 $ par nuit. Elles sont devenues une curiosité et certains touristes peuvent maintenant louer ces chambres et vivre cette expérience lorsqu'ils sont de passage à Tokyo.

Comme tout problème de société compliqué par des atavismes culturels, la solution passe sûrement par des changements de mentalité, mais de tels changements ne peuvent s'opérer que sur de longues années ou à la faveur d'un choc immense, comme une guerre. Par contre, compte tenu du vieillissement de la population japonaise et de l'avancement du Japon en matière d'automatisation et d'intelligence artificielle, peut-être que la société japonaise de demain, qui fera une place plus grande aux robots dans le monde du travail et dans le fonctionnement quotidien, amènera-t-elle la libération des humains. Mais cela est une autre question...

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