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Tout se ligue contre lui: sale temps pour le Bitcoin

En tant que monnaie, le défaut du Bitcoin est d'être lent, c'est une monnaie qui prend son temps.
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Dado Ruvic / Reuters

Le bitcoin monte et attire de braves gens. Les appels à la prudence ne manquent pas: le gouverneur de la Banque de France déclarait à Pékin: «Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté : le bitcoin n'est en rien une monnaie, ou même une crypto-monnaie. C'est un actif spéculatif. Sa valeur et sa forte volatilité ne correspondent à aucun sous-jacent économique et ne sont la responsabilité de personne.»

Le retour des institutions : entre disparition de l'anonymat et régulation des opérations

Les prix Nobel et tous les économistes de renom tirent à vue : pour Jean Tirole dans le « Financial Times », le bitcoin qui a vu « sa valeur (être) multipliée par 30 000 depuis 2011 » est une bulle financière. Un « actif sans valeur intrinsèque ». Joseph Stiglitz partage cette opinion : « (une) crypto-monnaie socialement inutile et nuisible » et les banquiers s'y sont mis : de JP.Morgan à Deutsche Bank: "Bitcoin Isn't Going Anywhere"

Si la patronne de la FED, Yanet Jellin n'est pas inquiète « Le Bitcoin ne constitue pas une menace pour le moment dans la mesure où cette monnaie virtuelle ne joue pas pour l'heure de rôle majeur ». Mais « ce n'est pas non plus une... valeur refuge stable, et pas davantage une devise officielle » (le bitcoin représente 5 pour 1000 de la capitalisation boursière américaine).

Le bitcoin est l'objet de l'attention croissante des États pour trois raisons. La première tient à la fiscalité. L'anonymat des transactions conduit à des risques de pertes fiscales tant en ce qui concerne les taxes sur les transactions qu'en ce qui concerne la fiscalité des bénéfices et des plus-values. De nombreux États ont précisé leur doctrine et commencent à mettre en place les éléments de supervision. L'anonymat du Bitcoin va en subir les conséquences sur à peu près toutes les places du monde. La grande Révolution monétaire qui, supprimant les tiers de confiance mettait les détenteurs et opérateurs de bitcoin à l'écart, c'est-à-dire à l'abri de la curiosité des États et des banques est en passe de devenir un bon vieux souvenir.

Supprimer l'anonymat est la condition première pour une bonne régulation, laquelle devient une préoccupation de la part des institutions dont la mission est de s'assurer que les marchés fonctionnent équitablement dans l'esprit d'un égal accès des opérateurs. Il faut réguler les marchés des crypto-currencies. Tout d'abord parce qu'elles ont de moins en moins des « currencies » et de plus en plus des actifs, c'est-à-dire des produits qui s'échangent sur de soi-disant marchés. Ensuite, parce que les épargnants sont cessés être démarchés par des gens qui estiment n'avoir pas à se plier aux règles qui s'imposent dans ce domaine.

Or, pour la plupart des régulateurs, le Bitcoin n'est pas une monnaie, c'est un actif financier : les conditions de fonctionnement des marchés doivent donc répondre à celles qui sont imposées à toutes les valeurs financières. Après la disparition de l'anonymat, disparition de la non-régulation, nous voici engagés sur une recentralisation de cette monnaie qui proposait de remplacer les Tiers de confiance par des calculs mathématiques.

Déséquilibres dans l'azur : le marché sombrerait

La principale obsession des régulateurs dans les marchés financiers : les marchés ne doivent pas être dominés par quelques-uns, les transactions doivent se dérouler de façon transparente. En d'autres termes, les acteurs sur les marchés doivent respecter des règles très contraignantes pour que les marchés ressemblent le plus possible à ce que la théorie libérale attend d'eux : une juste formation des prix et la meilleure allocation des ressources.

Les atteintes à ces règles se nomment « actions de concert », « menées oligopolistiques », « dissimulation d'informations », etc. Dans l'esprit des membres de la communauté « bitcoin », cela n'est tout simplement pas concevable.

On sait que trois firmes chinoises dominent le marché de la production et du minage.

Pourtant, la démocratie rêvée des bitcoiners des origines est mise à mal par cette simple donnée relative à la répartition en valeur entre les différents portefeuilles : les gros détenteurs pèsent entre 40 et 70% des coins en circulation. On sait que trois firmes chinoises dominent le marché de la production et du minage. Évidemment, les gros détenteurs se connaissent et se parlent. Et les opérations « pump and dump » qui relèvent de la manipulation de cours purement et simplement sont dans tous les esprits. Comment la démocratie bitcoin peut-elle fonctionner dans de pareilles conditions ?

Viennent s'ajouter des questions techniques : le bitcoin et l'ensemble des monnaies cryptées dépendent de conditions économiques et techniques de plus en plus chahutées.

En tant que monnaie, le défaut du Bitcoin est d'être lent, c'est une monnaie qui prend son temps. Elle n'a pas les capacités de traitement des systèmes de paiements traditionnels. C'est pourquoi ses défenseurs ne parlent plus de monnaie, mais d'actif. Parce qu'elle est très en deçà des standards des monnaies « traditionnelles » les petites transactions, celles qui ont fait vibrer les idéalistes, sont assommées par des frais, inversement, les grosses transactions sont privilégiées or ce sont des opérations financières.

En tant que monnaie, le défaut du Bitcoin est d'être lent, c'est une monnaie qui prend son temps.

Malgré une efficacité douteuse, la consommation d'électricité devient de plus en plus considérable. Le bitcoin consommerait autant d'électricité que l'Irlande tout entière... aujourd'hui. On s'attend à bien pire si son activité devait progresser. Plus le temps passe et plus les calculs « POW » sont complexes et longs, plus la consommation d'électricité progresse. Les monnaies cryptées, le bitcoin au premier chef, coûtent donc de plus en plus cher à produire, certifier, authentifier, miner, sécuriser, etc..

Mais, plus grave encore : elles vivaient en profitant d'un contexte très particulier, l'égal accès et gratuit à internet. Compte tenu des nouvelles dispositions prises par le Congrès des États-Unis, c'est bientôt fini. Les fournisseurs d'accès vont avoir la possibilité de réserver leurs services soit aux utilisations les moins lourdes soit aux utilisations acceptant de payer des frais plus élevés. Face à la demande des acteurs du bitcoin, ils pourraient privilégier certaines plateformes plutôt que d'autres.

Selon Emin Gün Sirer, professeur en informatique au sein de l'université Cornell "Les applications de pair à pair pourraient être grandement affectées, dans la mesure où elles ne font pas partie des 100 destinations les plus populaires du web. Les fournisseurs d'accès pourraient expliquer que, comme l'accès à ces services plus confidentiels leur coûte plus cher, les utilisateurs devront supporter des coûts supplémentaires."

Dans ces conditions conclut-il «ceci peut affecter la possibilité de monter un nœud Bitcoin.»

Pour résumer : le bitcoin ne sera plus anonyme, il ne sera plus décentralisé, trop lent, son usage en fera un actif et non pas une monnaie. De toute façon, en tant que monnaie, il sera de plus en plus cher à produire et, dans les prochaines années, ne pourra plus avoir accès aux réseaux internet aussi librement qu'auparavant.

Décidément, sale temps pour le bitcoin

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