Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Photographe de mode sur la Fashion Week est un métier de rêve, oui mais...

Photographe sur la Semaine de la mode, c'est beaucoup de fatigue pour 10 minutes de bonheur.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Photographe sur la Semaine de la mode, c'est beaucoup de fatigue pour 10 minutes de bonheur.

Je suis photographe salarié de l'agence Getty Images, je m'occupe de tout ce qui est Entertainment en France et en Europe ; toutes les premières de cinéma, les festivals comme Cannes ou Berlin, et les semaines de la mode comme la Fashion Week. En un mot, tous les événements «glamour».

Dans ma vie professionnelle, les choses se sont passées assez naturellement. J'ai d'abord travaillé chez Sygma, où je faisais de l'actualité afin d'alimenter le quotidien d'une agence de photos. La personne qui m'a recruté chez Getty Images avait en charge le développement de la section divertissement en Europe. C'est donc le marché qui m'a conduit à bifurquer vers des sujets plus célébrités.

La Semaine de la mode, cela signifie couvrir 4 à 6 défilés par jour pendant 10 jours. Soit seize heures de travail par jour; car en dehors des défilés, il se passe tous les soirs quelque chose à Paris autour de la mode, et il faut y être. Cela m'emmène jusque parfois très tard dans la nuit.

Le premier défilé commence vers 9 ou 10h, il faut arriver 1h30 avant. Je photographie le défilé puis je donne mes disquettes à mon éditeur, qui lui fait son travail d'éditeur et met les photos sur la base Getty Images. J'enchaîne avec le défilé suivant.

On appréhende un peu le Prêt-à-Porter à cause de son intensité, mais il n'y a pas de préparation particulière. La meilleure préparation se fait en amont avec ma rédaction, et l'important, c'est d'être en symbiose. On ne laisse rien au hasard ; je connais 80% de mon programme avant d'y aller. En fonction des soirées, on adapte les programmes du lendemain. On sait que lorsque je couvre 5 défilés dans la journée plus une soirée, je vais forcément faire l'impasse sur un ou deux défilés du lendemain. L'agence enverra alors un autre photographe sur ceux-là, car 16 à 17h de travail par jour tous les jours pendant 10 jours, humainement ce n'est pas tenable.

Le texte continue sous la galerie photos

Fashion Week par Pascal Le Segretain

On essaie donc de se préserver les jours qui précèdent la Semaine de la mode. Mais ce n'est pas difficile seulement pour les photographes; c'est éprouvant aussi pour tous ceux qui préparent le show depuis des mois, pour les gens des maisons de couture, pour les mannequins...

Dans mon travail, la couverture d'un défilé se décompose en deux phases. Il y a le défilé à couvrir, avec les modèles à photographier sur le podium, mais aussi les VIP invités par la maison de couture: c'est-à-dire les égéries, les acteurs, les chanteurs, les journalistes spécialisés.

Les personnalités les plus populaires en ce moment, ce sont bien sûr les mannequins Kendall Jenner, Gigi et Bella Hadid, Irina Shayk, Naomi Campbell. Quant aux VIP, ce sont les incontournables Kim Kardashian et Kanye West.

Le photocall à l'extérieur du défilé permet de les photographier officiellement, et les invités y posent devant le sigle de la marque. Ils s'installent ensuite dans la salle et c'est là que l'on peut capturer des photos un peu plus vivantes, quand ils viennent s'asseoir à leur place et qu'il y a des rencontres spontanées et des complicités entre célébrités. Ce sont des photos importantes pour la maison de couture, elles leur permettent de mettre en avant la brochette d'invités présents au défilé.

L'un des défis du défilé, c'est de se positionner. Il faut arriver tôt. Je fais en sorte d'avoir une place assise tout devant, près des caméras. Une fois que ma valise avec mon matériel est posée au sol, même si je ne suis pas physiquement là car peut-être en train de photographier les VIP avant le défilé, les autres photographes respectent et savent qu'un photographe va s'asseoir là, donc le suivant se pose à côté de ma valise et ainsi de suite. Il n'y a pas de problème entre photographes, le premier arrivé est le premier servi et c'est respecté.

On reste toujours subjugué par certains moments clés, certains couturiers.

Comme je dois aussi couvrir les célébrités du premier rang du défilé, je ne peux pas être positionné dans le paquet de photographes derrière les caméras, je dois pouvoir naviguer entre les premiers rangs des VIP et le bout du podium.

Après avoir photographié les premiers rangs des VIP, je reprends ma place parmi les autres photographes et là, impossible de bouger, les objectifs sont côte à côte, on ne peut même plus les changer! On est totalement compressés! Même une souris ne pourrait passer. Derrière moi où les caméras s'accumulent, plusieurs étages de photographes sur des caisses, des échelles, des escabeaux, les uns sur les autres.... C'est la mode qui veut ça, mais on s'y fait.

Et sur certains défilés, ce peut être compliqué d'avoir une bonne place, par exemple si le lieu est exigu et qu'il rend les bonnes photos difficiles à réaliser.

La bonne photo justement...

Concernant les mannequins, il y a un code à respecter pour prendre LA bonne photo, celle que vous retrouverez dans tous les magazines. La bonne photo de mannequin lors d'un défilé, c'est le mannequin pris de pied en cap et dans le pas: le pied de la jambe de devant doit être posé, semelle au sol et talon légèrement relevé, jambe de derrière droite. Le vêtement doit être mis en valeur dans la marche du mannequin. Une belle attitude, un regard caméra droit devant elle, encore mieux si vous le capturez quand il croise votre objectif.

Comme le regard est important, on se place le plus près possible des caméras, car les mannequins sont censées les regarder en défilant. On essaie également d'avoir les détails; sac à main, bijoux, chaussures...

Comme vous le voyez, ce n'est pas qu'une partie de plaisir, et d'ailleurs, on appréhende toujours un peu la saison.

Il y a certes pire que de photographier des jolies filles qui défilent dans de beaux vêtements. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui nous envient énormément pour cela. C'est un métier qui fait rêver. Mais quand on est dedans, il y a de vraies contraintes. Il n'y a pas que du glamour, et certains ne tiennent pas longtemps dans le milieu, car ils ne s'imaginent pas ce que c'est vraiment. C'est difficile pour les mannequins, pour les photographes, pour les journalistes... Les 10 minutes de bonheur viennent après beaucoup de fatigue. C'est ce qui fait que la mode reste compliquée, géniale mais n'offrant pas que des choses faciles à vivre sur le long terme.

Cela dit les festivals de cinéma, que je couvre également, sont tout aussi intenses. Aborder un festival de Cannes, c'est aussi une préparation psychologique. On sait que ça va être difficile et long.

Mais l'on reste toujours subjugué par certains moments clés, certains couturiers. L'adieu de Jean-Paul Gaultier au Prêt-à-Porter, en 2014, c'était un vrai show avec plein de mannequins très célèbres, et c'était un moment à la fois important et émouvant. Ce n'était pas seulement de la mode. C'était, en soi, un événement.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.