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20 ans après, la souveraineté est-elle toujours possible?

Oui, l'idée d'indépendance se meurt au Québec, et en raison de la vitesse à laquelle l'individualisation progresse dans notre société, nous finirons par en signer l'acte de décès.
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D'élection en élection, le mouvement souverainiste perd des plumes et les derniers résultats de la campagne fédérale confirment cette tendance. Même s'il a mené une excellente campagne, même s'il a fait élire davantage de députés, Gilles Duceppe, battu dans son propre comté, n'a pas été en mesure de retourner la situation à son avantage. À l'instar de M. Duceppe, Caroline Bouchard, candidate bloquiste dans le comté de Sherbrooke, a été battue même si elle était de loin supérieure à l'ensemble de ses adversaires sur le plan du contenu. Donnée première dans les sondages, elle s'est finalement classée troisième.

Oui, le mouvement souverainiste s'effrite, il s'érode lentement et sûrement. La question est de savoir pourquoi.

On l'aura constaté, le projet souverainiste décline en même temps que disparaît le citoyen engagé dans un parti politique. Celui qui œuvrait pour l'épanouissement de la communauté laisse graduellement sa place à l'individu du nouveau millénaire. Pour assurer son bonheur, atteindre ses buts et réaliser ses rêves, il se concentre de plus en plus sur lui-même. D'une certaine manière, notre société est sur le point de réaliser la prédiction d'Alexis de Tocqueville: «Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres: ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine. Il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie.»

Lors de la dernière campagne électorale, alors que je travaillais comme greffier dans un bureau d'élection, j'ai été en mesure de vérifier cette prédiction. Dans la salle, un électeur en rencontre un autre et lui demande comment il va. Ce dernier lui répond: «Moi! Tant que j'ai mon décapotable (sic), mon quatre roues, ma maison, la vie est belle! Je n'en demande pas plus.»

Nous pourrions aisément mépriser cet individu pour son côté superficiel et franchement matérialiste, mais ce serait mépriser une large partie de la population dont le bonheur et la reconnaissance se trouvent dans les yeux de l'autre. De plus, surtout depuis la fin de la Guerre froide, le peuple est conscient que l'économie s'est émancipée du politique et de fait, il a maintenant l'impression que l'État est devenu impuissant à prendre en main sa destinée. Quand on voit dans quelle mesure les agences de notation influencent les gouvernements dans leurs orientations budgétaires, peut-on vraiment blâmer les individus de faire preuve de cynisme et de se refermer sur eux-mêmes? Peut-on vraiment les blâmer de chercher bonheur et contentement dans l'acquisition de biens matériels?

Évidemment, cette même impression d'impuissance a un impact certain sur la confiance du peuple envers l'exercice démocratique, et comme partout en Occident, les Québécois désertent aléatoirement les urnes et voient avec beaucoup de cynisme l'engagement politique. Avant la mondialisation, avant la fin de la Guerre froide, le peuple avait l'impression d'influer sur sa destinée. C'était l'époque où tout semblait possible, même la création d'un nouveau pays sur la surface du globe n'était pas à exclure. Dans ce cadre, le référendum de 1995 s'inscrivait dans la foulée de l'écroulement de l'empire soviétique, qui a vu l'émergence de nombreux pays. À cette époque, des peuples prenaient en main leur destinée et, dans ce contexte, le Québec était justifié de suivre leur exemple. Pour des peuples qui ont vécu sous le joug soviétique, ils n'avaient rien à perdre puisqu'ils n'avaient rien à la base. Mais la souveraineté fait peur aux Québécois. Matérialistes et de plus en plus happés par les impératifs de la société de consommation, le saut dans l'inconnu revêt pour nous un caractère des plus angoissant.

Alors que j'accompagnais Mme Bouchard lors de la dernière campagne électorale, une dame l'a approchée et lui a dit: «Je voterais bien pour vous, j'aime ce que vous dites, mais votre option me fait peur.»

Quoi de plus limpide? Dans leur grande majorité, si les Québécois n'ont pas un amour débordant pour le Canada, faire partie de cette entité a un côté plutôt rassurant, un peu comme l'adolescent qui demeure chez ses parents. Par le truchement de la péréquation, le Canada assure les programmes sociaux des provinces les plus pauvres et, dans cet esprit, pour les Québécois, l'État ne sert qu'à protéger leurs intérêts personnels. Ils ne voient plus en quoi la création d'un pays pourrait leur être profitable.

De mon côté, si je crois toujours à la souveraineté, si mon cœur me dit que c'est toujours possible parce que la politique est un mouvement perpétuel composé de différents cycles, ma tête est moins certaine de ce fait. Le souverainiste que je suis est conscient que le mouvement devra surmonter des obstacles majeurs: l'immigration de personnes qui viennent au Canada plutôt qu'au Québec; la défection d'une large partie de la jeunesse face à cette option; enfin, le vieillissement de la population dont la survie est directement attachée à la pension et au supplément de revenu garanti versés par le gouvernement fédéral.

Mais en dépit de cela, la peur demeure notre plus grande ennemie. Et dans ces conditions, si le mouvement souverainiste n'arrive pas à la terrasser, je doute que M. Péladeau puisse obtenir une victoire dans un éventuel référendum. D'ailleurs, n'est-ce pas la peur d'un référendum qui a porté M. Philippe Couillard au pouvoir? N'utilise-t-il pas cet épouvantail à moineaux pour y rester?

Bien entendu, nous pourrons toujours nous insurger contre ce procédé très contestable, mais on ne gouverne pas avec des soupirs. L'important en politique, c'est le résultat. La contestation des méthodes, ça passe ensuite.

Oui, l'idée d'indépendance se meurt au Québec, et en raison de la vitesse à laquelle l'individualisation progresse dans notre société, nous finirons par en signer l'acte de décès.

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