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La bombe atomique était-elle justifiée?

Les dirigeants japonais sont responsables de la destruction de leurs villes et du bombardement atomique qui a suivi.
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Cette semaine, nous soulignons le 70e anniversaire du lancement de deux bombes atomiques sur deux villes japonaises: Hiroshima le 6 août 1945 et Nagasaki, trois jours plus tard. En écoutant et en lisant les commentaires des uns et des autres dans les différents médias, je constate que l'accent est surtout mis sur les effets terribles de la bombe sur la population civile. Mais l'histoire, dont la principale fonction est d'analyser l'ensemble des évènements qui ont conduit les Américains à utiliser l'arme ultime, est malheureusement passée à la trappe. C'est justement dans cette optique que j'ai écrit cet article.

Considérations militaires

La guerre du Pacifique, souvent masquée par le théâtre d'opérations européen, a été des plus coûteuses. Pour les Américains, et cela depuis Guadalcanal, chaque bataille en est une d'extermination. Si les Allemands et les Italiens capitulent par milliers, comme ce fut le cas à Stalingrad ou encore en Afrique du Nord, cela n'entre pas dans la «mentalité» japonaise.

Le soldat japonais vit selon le code du Bushido qui se résume en trois points: savoir tuer l'ennemi; savoir mourir face à l'ennemi et savoir se tuer si les circonstances l'exigent. Confrontés à cet adversaire impitoyable, même s'ils progressent d'île en île dans le Pacifique, les Américains encaissent des pertes de plus en plus lourdes. À Saipan, dans l'archipel des Mariannes, la presque totalité de la garnison japonaise a préféré la mort à la capitulation, soit 24 000 morts, dont 5000 suicides.

Dans la foulée, plus de 22 000 civils japonais ont été tués ou se sont suicidés. Quant aux Américains, ils déplorent 13 000 blessés et 3500 morts. Ils le savent, la route vers le Japon sera de plus en plus coûteuse en vies humaines. Chaque pouce de terrain pris aux Japonais se paye au prix fort. Ainsi, Okinawa n'est qu'un avant-goût de la détermination des Japonais. Si les combats sont terribles sur terre et en mer, les kamikazes se déchaînent contre la flotte américaine. Ces jeunes adolescents, plus ou moins volontaires, n'hésitent pas à jeter leur avion sur les navires américains: 200 navires de tout type sont sérieusement endommagés et 38 sont coulés. Sur Okinawa, après trois mois de combat, les pertes américaines se chiffrent à 7000 morts et 35 000 blessés. Côté japonais, les chiffres sont très imprécis: entre 77 000 et 110 000 morts. À cela, il faut ajouter la mort de 70 000 civils.

Dans ces conditions, l'état-major américain et le président Truman sont conscients que les opérations Olympic et Coronet, dont l'objet est l'invasion du Japon, seront très élevées.

Respectivement prévus pour le 1er décembre 1945 et le 1er mars 1946, ces débarquements devaient mettre en œuvre 5 millions d'hommes. Pour répondre à l'invasion, le gouvernement japonais a mobilisé 2,3 millions de soldats et 10 000 avions kamikazes. Le colonel Stimson, le ministre de la Guerre, estime les pertes alliées à 1 million.

Et en cas d'invasion du Japon, les Japonais ne font pas mystère de leur volonté d'assassiner l'ensemble des prisonniers de guerre.

Rejet de l'ultimatum de Postdam

Lorsqu'Harry Truman prend la décision d'utiliser la bombe le 30 juillet 1945, c'est en réaction au rejet de la déclaration de Postdam. Véritable ultimatum, ce texte, parachuté par avion à des centaines de milliers d'exemplaires sur le Japon le 27 juillet, demande ni plus ni moins à son gouvernement d'accepter une reddition sans condition. Sinon, toute la machine de guerre des États-Unis et de ses alliés sera tournée contre le Japon, ce qui conduira à sa destruction totale.

De son côté, la radio branchée sur les ondes de San Francisco, Suzuki et ses ministres prennent connaissance du texte et constatent qu'aucune clause ne concerne l'empereur Hirohito, véritable dieu vivant pour l'ensemble du peuple japonais. Néanmoins, ils se décident à plaider pour la paix lors du conseil restreint. Mais, devant les militaires, les pacifistes sont dépassés. Sourd et apathique, voire absent, le premier ministre Suzuki ne contrôle plus les débats. Belliciste et jusqu'au-boutiste, le général Anami, le ministre de la Guerre, l'emporte. La guerre devra se poursuivre même si le peuple, mobilisé entièrement pour la défense du sol natal, doit être lancé dans les abîmes. Ce sera le hara-kiri national.

En guise de réponse aux Américains, un communiqué laconique leur est aussitôt envoyé. Il se lit comme suit: «Mokusatsu». C'est une expression à divers sens. Cela peut vouloir dire: «ne pas prendre en considération», mais aussi «tuer par le silence».

Aux États-Unis, cette réponse est simplement interprétée comme une fin de non-recevoir. La catastrophe est en route.

L'utilisation de la bombe

Le «mokusastu» déclenche l'irrémédiable. Jamais un simple mot n'aura eu autant de conséquences funestes. Truman écrit à Stimson: «Lâchez la bombe dès que vous serez prêts.»

Du côté japonais, refusant des négociations directes avec les Alliés, on garde espoir dans une médiation soviétique. Mais ils sont loin de se douter que Staline est sur le point d'entrer en guerre contre eux. Dans son palais, l'empereur sait que toute résistance est vaine. Depuis le bombardement américain du 9 au 10 mars, bombardement qui a fait 130 000 victimes et détruit 23 kilomètres carrés de Tokyo, il est décidé à faire la paix.

Or, il ne se sent pas assez fort pour imposer ses volontés aux militaires. Pourtant, presque toutes les villes japonaises sont en cendres et le pays subit un blocus naval impitoyable. Le Japon est K.-O. debout. Le 6 août 1945 à 2h45, l'Enola Gay décolle de sa base de Tinian. Dans ses soutes, Little Boy, la première bombe atomique de l'histoire.

À 9h15, l'Enola Gay survole Hiroshima. La trappe s'ouvre et la bombe est lâchée. Aussitôt, un immense champignon s'élève dans le ciel et perce les nuages. Au sol, 75 000 morts et 51 000 blessés bouillonnent dans l'immense chaudron atomique. Si les tenants de la paix ont des arguments supplémentaires pour faire valoir leur point de vue, les discussions s'enlisent et rien n'est décidé. Les militaires restent les plus forts.

Du côté américain, il est impératif d'obtenir la reddition du Japon, et cela, d'autant plus que le 9 août, Staline va déclarer la guerre au Japon. Il faut éviter à tout prix que les Russes ne s'installent en Asie, voire au Japon. À cette même date, on décide de lancer une seconde bombe sur Nagasaki. Moins meurtrière que la première, Fat Man n'en demeure pas moins aussi dévastatrice: 35 000 morts et 50 000 blessés. Devant l'ampleur de la dévastation, l'empereur sort de son mutisme et impose la paix aux militaires. Le 15 août, la voix de Hirohito s'élève à la radio: «Il nous faut accepter l'inacceptable». Le Japon accepte les termes de la déclaration de Postdam. La guerre est terminée.

Pour répondre la question de départ, il nous faut conclure que les dirigeants japonais sont responsables de la destruction de leurs villes et du bombardement atomique qui a suivi.

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