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Le carnage de la Somme, 1er juillet 1916

Il y a 100 ans aujourd'hui, dans la Somme, département situé au nord de la France, plus de 100 000 soldats issus des îles britanniques et de l'empire se préparent à s'élancer contre les positions allemandes.
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Il y a 100 ans aujourd'hui, dans la Somme, département situé au nord de la France, plus de 100 000 soldats issus des îles britanniques et de l'empire se préparent à s'élancer contre les positions allemandes. À la veille de l'offensive, l'état-major a répété aux hommes qu'il ne s'agirait que d'une simple promenade. En effet, cela fait cinq jours que l'artillerie pilonne les tranchées allemandes. Qui pourrait survivre à un tel déluge de feu et de fer? Si les hommes sont confiants, l'anxiété demeure dans les esprits. Promenade peut-être? Mais qui sait si la mort n'est pas au bout du chemin? Les plus pessimistes verront leurs craintes se matérialiser, car le bombardement n'a pas donné les résultats escomptés. Beaucoup d'obus se sont révélés défectueux. Une fois lancé, ils se plantent bêtement dans la terre sans exploser alors que d'autres, de type shrapnel, ne font aucun dégât aux barbelées ennemies et aux positions de mitrailleuses.

En face, les Allemands ont creusé des abris de douze mètres de profondeur dans le sol crayeux de la Somme et aménagé deux autres lignes défensives à l'arrière sur un terrain en hauteur. Mais peu importe, la puissance de feu déployé fait illusion, et cela, même dans l'état-major. Le général Haig, le commandant en chef de l'armée britannique, a réussi à communiquer son optimisme à son second, le général Rawlinson, l'homme qui doit lancer l'assaut sur le terrain. Plus sceptique, ce dernier aurait préféré attaquer dans les Flandres. Mais les Français étant aux prises avec les Allemands à Verdun depuis février 1916, il fallait lancer une offensive pour les soulager et surtout, reprendre enfin la guerre de mouvement.

Entre Gommecourt au nord et Chilly au sud, le front d'attaque est large de 25 kilomètres. Même les Français, qui engagent cinq divisions sous le commandement du général Fayolle, sont de la partie. Ils ont pour objectif de percer le front dans le secteur de Péronne. À ce stade, l'attaque ne peut pas échouer. Les défenses allemandes sont laminées, les troupes vont prendre le terrain et derrière, trois divisions de cavalerie, armées de lances et de sabre, exploiteront la trouée. Bien des certitudes qui seront cruellement déçues en fin de journée. À 7 h 30, le 1er juillet, le barrage d'artillerie cesse brusquement.

Dans les tranchées, le coup de sifflet retentit. Le moral est bon. Les hommes d'une compagnie du régiment Eight East Surrey ont même botté un ballon de football dans le no man land. C'est le coup d'envoi. 66 000 hommes se hissent sur les échelles afin de sortir des tranchées. Mais chargés de plus de 30 kg de matériel, ils peinent à s'en extirper. En face, nullement affectés par les bombardements, les Allemands reprennent leurs positions. D'un tir saccadé, leurs mitrailleuses crachent la mort. Déjà, avant même d'avoir passé le parapet, des hommes tombent par dizaines alors que ceux qui réussissent à s'en sortir progressent trop lentement en direction des positions allemandes. Il est vrai qu'ils ont suivi les ordres. On s'en souviendra, il ne devait plus y avoir personne en face. De leur côté, les Allemands restent ébahis par le spectacle. Pourquoi les Anglais marchent-ils comme à la parade? Pourquoi s'offrent-ils aux tirs des mitrailleuses et de l'artillerie. Mais même s'ils le voulaient, leur chargement les empêche de courir. De plus, les milliers de trous d'obus constituent autant d'obstacles supplémentaires.

À Beaumont-Hamel, plus au nord en Picardie, les hommes du Royal Newfoundland Regiment livrent de durs combats. Le génie a préalablement aménagé deux mines sous les défenses allemandes afin de les faire exploser. Si l'explosion est un succès, là aussi l'attaque tourne à la boucherie. Après une demi-heure de combat, sur les 865 hommes qui constituaient le régiment, 801 sont déjà hors de combat, soit 92 % de l'effectif engagé. Partout sur le front, les morts et les blessés jonchent le sol. Les services de santé ne peuvent rien pour eux. Happés par les balles, déchiquetés par les éclats d'obus, ils se vident de leur sang dans d'atroces souffrances. Mais les ordres sont clairs. Les hommes ne doivent pas s'arrêter. Il ne faut pas faire de cas des blessés.

En certains endroits, les premières tranchées allemandes sont investies. Sans information sur le déroulement de la bataille, puisque les lignes téléphoniques ont été coupées par les obus, Rawlinson alimente davantage la bataille avec de nouveaux régiments. Enfin, une partie de la seconde ligne allemande est prise. Mais les Allemands contre-attaquent. Dans des corps à corps sanglants, on se tue à la baïonnette, à coups de pelles, à la grenade et au pistolet. Le bruit des canons et des explosions est assourdissant, voire dantesque. Presque partout, le terrain si chèrement conquis est de nouveau abandonné. En début d'après-midi, plus de 100 000 soldats britanniques participent aux combats. Toutefois, en dépit des pertes, une opportunité se décide du côté français. Les Poilus ont pris le plateau de Flaucourt et fait 12 000 prisonniers.

La percée est possible. Fayolle demande à Rawlinson de lui envoyer des renforts afin d'exploiter la brèche et marcher sur Perrone pour contourner les défenses allemandes par l'arrière. Refus catégorique. Les Anglais devront continuer à attaquer là où ils sont quoiqu'il advienne. L'une des plus belles chances de cette guerre venait d'être perdue. Mais à la fin de la journée, l'attaque n'a plus de mordant. Les hommes, ou plutôt les survivants sont épuisés et les pertes sont lourdes. À l'état-major, Rawlinson décide de cesser l'assaut. En ce 1er juillet 1916, 57 000 hommes sont déjà hors de combat, soit 19 000 morts, 35 000 blessés et 3000 disparus. Chez les Allemands, les pertes sont assez légères. Hormis le succès français, ils n'ont perdu que 6000 hommes face aux Britanniques.

En Angleterre, le gouvernement a tenté de cacher l'ampleur des pertes. Mais peine perdue. Car au moment de la conscription de 1914, on a constitué les unités avec des hommes de mêmes villages et de mêmes quartiers. On voulait maintenir leur moral. On les appelait même «les copains de Kitchener», du nom du ministre de la Guerre. Mais beaucoup de «copains» y sont restés et c'est ainsi que des communautés entières ont reçu simultanément le fameux télégramme qui commence par ses mots: «J'ai le regret de vous annoncer que le soldat X est mort au combat.» Malgré tout, la bataille va se poursuivre jusqu'au 19 novembre 1916. Les Canadiens vont entrer dans la danse le 1er août.

Si quelques succès sont enregistrés, notamment grâce aux chars, l'offensive de la Somme est un échec sanglant. En dépit des 600 000 soldats britanniques et français tombés au cours de ces quatre mois, les pertes n'ont pas empêché Haig et Rawlinson de dormir. Pour se justifier, le premier dira que son offensive a permis de soulager les Français à Verdun et fixer les divisions allemandes qui, sans cela, auraient été transférées sur les fronts russes et italiens. D'après lui, atteindre un seul de ces objectifs aurait suffi à justifier son acharnement. Sauf que les alliés ont progressé de 10 kilomètres seulement, ce qui revient très coûteux au mètre carré. L'historien A.J.P Taylor a écrit: «sur la Somme est mort l'idéalisme.»

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