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Intimidation: quand le Québec de demain se fait violence...

Rien de tel pour tenter d'anticiper l'évolution de notre société que d'analyser les tendances des comportements et mentalités de nos jeunes. Dans cette perspective, l'Institut de la statistique du Québec nous offre des pistes à travers son enquête intitulée.
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Rien de tel pour tenter d'anticiper l'évolution de notre société que d'analyser les tendances des comportements et mentalités de nos jeunes. Dans cette perspective, l'Institut de la statistique du Québec nous offre des pistes d'enquête par le biais de sa nouvelle étude réalisée pour le compte du ministère de la Santé et des Services sociaux, et menée auprès de 470 écoles secondaires publiques et privées du Québec, entre novembre 2010 et mai 2011. Le rapport s'intitule L'Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 - Le visage des jeunes d'aujourd'hui: leur santé mentale et leur adaptation sociale.

S'agit-il d'un signe des temps? L'étude des comportements violents occupe une place importante dans ce document. De façon générale, 37 % des élèves du secondaire reconnaissent avoir été victimes de violence, tandis que 38 % d'entre eux admettent en avoir déjà exercé, soit en frappant, en se battant ou en menaçant.

L'un des sujets d'intérêt de cette enquête réside dans l'approche sexuée de la violence entre jeunes, notamment par le biais de l'intimidation. Contrairement aux prétentions d'un discours trop connu, les filles ne sont pas les premières victimes de ce fléau. Sur 63 200 élèves interrogés, 42 % des garçons ont déclaré avoir été intimidés à l'école ou sur le chemin de l'école à la maison, en comparaison de 29 % des filles. Connaissant la tendance naturelle de certains garçons à banaliser la violence subie afin de ne pas passer pour des mauviettes, et celle, inverse, chez certaines filles, à dramatiser des incidents anodins afin d'attirer l'attention, il ne serait pas impossible que l'écart entre les sexes quant aux sévices subis soit encore plus grand.

Alors que l'on pense spontanément, «sensibilisation» aidant, que la cyberintimidation est devenue un phénomène endémique, à peine 7 % des filles et 4 % des garçons ont affirmé en être victimes. Soulignons tout de même que la gent féminine reste la première cible de ce type d'agression.

Violence conjugale

L'enquête de l'Institut nous apprend que «le quart des élèves (25 %) ayant vécu une relation amoureuse au cours des 12 derniers mois ont infligé au moins une forme de violence (psychologique, physique ou sexuelle) à leur partenaire, alors que 30 % des jeunes ont subi au moins l'une de ces trois formes de violence de la part de leur partenaire.» Cette information a été relayée abondamment dans les médias, contrairement à celle que je vais vous communiquer.

La différence entre les sexes quant à la violence conjugale est en effet si surprenante que je tiens à citer le texte même de l'étude:«La violence infligée dans les relations amoureuses au secondaire varie selon le sexe: 83 % des garçons déclarent ne pas en avoir infligé, par rapport à seulement 68% des filles. En s'attardant à la forme de violence, la proportion de filles ayant fait subir à l'autre de la violence psychologique (21 % c. 13 %) ou physique (19% c. 6%) est bien plus élevée que celle des garçons. En revanche, les garçons semblent infliger un peu plus de violence sexuelle que les filles (3,4% c. 2,0%). Par ailleurs, les filles sont, en proportion, plus nombreuses que les garçons (10% c. 4,1%) à déclarer avoir infligé deux ou trois formes de violence.» Étonnant, n'est-ce pas ?

Pour des raisons toujours aussi mystérieuses, les médias sont demeurés pour le moins discrets sur ces données. Même l'Institut de la statistique, dans son communiqué de presse, s'est gardé d'y faire allusion, préférant nous informer que «près du quart des garçons (24 %) ont un niveau élevé d'estime de soi, comparativement à 15 % des filles. De plus, davantage de filles que de garçons se situent à un niveau élevé de détresse psychologique (28 % c. 14 %).» Pitié pour nos filles...

On souligne tout de même que «l'étude indique également que près du quart (24 %) des garçons du secondaire présentent un risque élevé de décrochage scolaire, comparativement à 16 % des filles.» Mais cette donnée n'a rien d'un mystère, le décrochage au masculin demeurant une problématique apparemment insoluble depuis plus de deux décennies, peu importe le gouvernement au pouvoir. Lors de la consultation bidon sur l'égalité homme femme du gouvernement québécois précédent, où seuls les groupes féministes étaient conviés, Christiane Pelchat, du Conseil du statut de la femme, s'était vivement opposée au financement de programmes en vue de prévenir le décrochage des garçons, alléguant qu'il s'agirait d'une dépense inutile...

À noter qu'à cette démission gouvernementale envers les garçons, s'ajoute un autre facteur d'importance: «La conclusion principale de ces analyses est que les filles disent bénéficier d'un niveau plus élevé de soutien dans l'environnement social, et ce, pour tous les indicateurs mesurés. Les indicateurs relatifs au soutien social offert par les amis et aux comportements prosociaux sont ceux qui témoignent des plus grands écarts entre les garçons et les filles. Il faut aussi noter un écart significatif entre les garçons et les filles à l'indice de supervision parentale.» On s'étonnera ensuite du nombre endémique des suicides chez nos garçons...

Sexe, drogue et rock 'n' roll, en émergence...

Si vous espérez que le comportement des filles se corrige avec leur études post secondaires, une enquête récente de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) aura de quoi vous faire perdre vos dernières illusions. Selon l'auteure, Sara-Maude Joubert, étudiante au doctorat qui a réalisé son étude auprès de 227 étudiantes de l'UQTR et du Collège de Maisonneuve de Montréal, âgées en moyenne de 22 ans, «il semble y avoir une triade de comportements: alcool, sexualité, conduite automobile.»

Si la violence reste absente des conclusions générales rendues publiques dans les médias, il y aura de quoi rester étonné, chez ceux et celles qui en sont restés à la conception folklorique de la jeune fille studieuse et sage, devant les constats suivants: 26 % de répondantes pourraient avoir un rapport sexuel avec une personne rencontrée quelques heures auparavant; 26 % adopteraient un comportement sexualisé dans un bar ou une fête alors qu'elles sont intoxiquées; 17,2 % consommeraient de l'ectasy; 15,4 % manifesteraient un comportement sexualisé dans un bar ou une fête; 13,2 % rouleraient à 140 km/h sur l'autoroute et 9,3 % conduiraient un véhicule moteur avec les facultés affaiblies.

Soulignons toutefois l'emploi du conditionnel pour tous ces comportements. Les preneuses de risque le seraient en revanche dans plus d'un domaine, ce qui n'arrange rien. La chercheuse cite des études étrangères qui prétendent que le fait de partager le même environnement scolaire que les hommes favoriserait la prise de risque au féminin. Je me disais aussi que notre influence pernicieuse aurait une incidence odieuse sur autant de dépravation féminine...

Vers une redéfinition des comportements sexués...

Marie-Andrée Bertrand, criminologue de renom, avait déjà déclaré, dans un ouvrage aussi méconnu qu'important, Les femmes et la criminalité, qu'il lui était impossible de déterminer si la criminalité féminine s'était vraiment développée au fil des ans - le sujet étant tabou - ou si elle se voyait davantage constatée, évolution des mœurs aidant. Peut-être en va-t-il de même pour la violence conjugale et la présumée apparition de comportements délinquants chez nos jeunes adolescentes et jeunes femmes.

Nul doute que la recherche de la vérité sur pareils sujets ne pourra déboucher sur des résultats tangibles que dans la mesure où lesdites études se feront à l'abri de toute interférence idéologique, sans préjugés sexistes ou théories aux assises scientifiques inexistantes. C'est à ce prix que nous pourrons enfin envisager l'humanité sexuée dans toute son authentique complexité, autrement que par le prisme toxique d'une collection manichéenne de clichés et de stéréotypes éculés et réducteurs.

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Avril 2018

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