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Cette guerre au Yémen dont personne ne parle

Toutes les médiations des Nations Unies et pas moins de sept accords de cessez-le-feu ont échoué à mettre fin au conflit.
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Dans ce contexte, ce conflit ne peut donc pas être réduit à de simples considérations religieuses.
Khaled Abdullah / Reuters
Dans ce contexte, ce conflit ne peut donc pas être réduit à de simples considérations religieuses.

La guerre au Yémen dont personne ne veut parler a commis depuis le début de l'intervention de la coalition en mars 2015, plus de 8000 morts. Toutes les médiations des Nations Unies et pas moins de sept accords de cessez-le-feu ont échoué à mettre fin au conflit. Et il y a plus, le choléra, réapparu en avril 2017 dans ce pays pauvre de la péninsule arabique d'environ 27 millions d'habitants, a fait déjà plus de 1800 morts.

Un Yéménite sur 54 aurait développé le choléra.

Pour Iolanda Jaquemet, porte-parole de la Croix-Rouge au Moyen-Orient : «Dans l'ombre du conflit, une épidémie sans précédent de choléra ravage également le petit pays de la péninsule d'Arabie. Nous sommes rendus à près d'un demi-million de cas et à près de 2000 décès. C'est une épidémie majeure, du jamais-vu. En comparaison, il y a eu 172 000 cas suspectés dans le monde en 2015, selon l'Organisation mondiale de la santé. Ici, dans un seul pays, on dépasse 500 000 cas en moins de 4 mois. Un Yéménite sur 54 aurait développé le choléra».

La Syrie et le Yémen ont pourtant des points communs

La Syrie et le Yémen ont pourtant des points communs, souligne Catherine Gouëset dans l'Express: un conflit intérieur né dans le sillage des Printemps arabes, mais vite internationalisé. Des crimes commis contre la population civile et un désastre humanitaire. Dans un cas, la France et les autres pays occidentaux dénoncent avec force ces violences. Dans l'autre, Paris, Londres et Washington, non contents de garder le silence sur les bombardements meurtriers de la coalition menée par l'Arabie saoudite, continuent de lui vendre des armes. Explications de ce deux poids, deux mesures.»

Au Yémen, avec ses 25 millions d'âmes, deux courants religieux cohabitent, ils rassemblent 98% de la population: le zaydisme, issu du chiisme, très implanté dans le nord du pays (env. 45% de la population) et le chaféisme, issu du sunnisme et davantage implanté dans le Sud et l'Est (environ 55% de la population). Depuis sa réunification en 1990, les chiites ont été marginalisés puis réprimés après la rébellion de 2004 conduite par Hussein Badreddin al-Houthi qui visait à obtenir une plus grande autonomie pour les chiites au sein de la province de Saada. C'est d'ailleurs de ce leader, tué par l'armée yéménite, que la rébellion Houthi a tiré son nom.

En outre, démêler l'écheveau des rivalités territoriales tient de la gageure.

Les massacres de masse des Saoudiens au Yémen sont tus par les médias et par les pourvoyeurs d'armes: «La complexité du Yémen a conduit les pays occidentaux à s'en désintéresser. Ils se sont contentés de laisser filer et de sous-traiter la crise aux Saoudiens», déplore Laurent Bonnefoy dans l'Express. Et dans ce contexte, il ne faut surtout pas suspendre les ventes d'armes aux monarchies du Golfe: étant entendu que l'Arabie Saoudite est le deuxième plus gros importateur d'armement au monde, ses importations ont triplé sur cinq ans, rappelle le Grip. En 2015, 75% des armes vendues par Paris l'ont été à Ryiad.

De fait, «lorsqu'un Houthi s'aventure à Aden, il sera rejeté avant tout en raison de son «identité territoriale». Avec la "révolution" de 2011, un projet fédéraliste devait être parachevé par le gouvernement de transition du président Abd R. Hadi. Le contrôle par les Houthis de Sanaa et des gouvernorats du nord a réanimé les pulsions autonomistes chez les sudistes, de même qu'il a fédéré autour d'eux les élites locales, y compris parmi les Ikhwâns», fait remarquer Bouchra Belguellil, chercheuse associée à l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).

Il est vrai que sa légitimité prêtait à caution, ce dernier a été élu au suffrage universel en 2012 en étant le seul candidat.

Par ailleurs, le Président Hadi, qui est revenu d'exil de Riad est reconnu par la Communauté internationale pour autant il n'a pas réussi à fédérer ses compatriotes atour du projet national. Il est vrai que sa légitimité prêtait à caution, ce dernier a été élu au suffrage universel en 2012 en étant le seul candidat.

Ce conflit ne peut pas être réduit à de simples considérations religieuses

Dans ce contexte, ce conflit ne peut donc pas être réduit à de simples considérations religieuses. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères s'est montré à ce titre incisif: «Il faut appeler les choses par leur nom; ces manipulations autour de l'antagonisme entre sunnites et chiites sont très dangereuses. Il n'y a pas d'autre issue pour le Yémen que la reprise du processus de négociation, avec la médiation du représentant spécial du secrétaire général de l'ONU. Nous insistons sur ce point et j'espère que tous les autres pays, impliqués d'une façon ou d'une autre dans la situation au Yémen, vont agir dans ce sens».

Dès lors, l'Iran semble avoir trouvé en Moscou un allié tandis que le royaume saoudien dénonce l'implication iranienne au Yémen.

Cette guerre trouve son explication dans l'intrusion intolérable de l'Iran dans le pré-carré stratégique de l'Arabie Saoudite

On l'aura compris, cette guerre trouve son explication dans l'intrusion intolérable de l'Iran dans le pré carré stratégique de l'Arabie Saoudite: à savoir son espace maritime incontournable, réservoir inépuisable en termes de main-d'œuvre, et 2000 km de frontières communes, et ce, alors même que cette guerre a été demandée par le Président Radi en raison du coup de force des Houtis.

Mais il y a plus, on soulignera volontiers que depuis le début du XXIe siècle, les États-Unis ont joué au pompier pyromane au Moyen-Orient avec leur intervention militaire contre Saddam Hussein et leur soutien aux visées saoudiennes qui, sous couvert de printemps arabe, espéraient liquider le pouvoir alaouite en Syrie.

Riyad ne frappe-t-il pas l'unique force capable de combattre al-Qaïda et Daech sur le terrain, ce qui fait d'elle le complice de sa propre destruction?

De fait, à l'aune du conflit en Syrie on relèvera volontiers que Daech entend développer son influence économique et politique dans certains endroits stratégiques du monde: notamment le détroit de Gibraltar, le Canal de Suez et le Golfe d'Aden, ce dernier étant un endroit stratégique pour relier les activités des groupes armés du Yémen et de la Somalie. De plus, on s'étonnera «qu'un autre allié du régime syrien, à savoir l'Iran, qui devrait être plus sollicité dans ce front anti-djihadistes selon Moscou, mais qu'à cela ne tienne, les occidentaux ont donné leur bénédiction aux actions de bombardements massifs des chiites séparatistes Houtistes du Yémen qui constituent le rempart local le plus efficace contre les djihadistes d'Al Qaïda et de Daech... Il y a enfin une question d'immédiateté de la menace. Les houthistes au Yémen menacent l'intégrité d'un État peuplé de 40% de sunnites, et qui est dirigé par des forces sunnites. Le risque que les houthistes prennent le contrôle du pays est donc bien plus urgent pour l'Arabie saoudite», peste le géopoliticien Alexandre del Valle. Et le comble? Riyad ne frappe-t-il pas l'unique force capable de combattre al-Qaida et Daech sur le terrain?

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