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Des coupures en santé qui font mal à en mourir

Gravement brûlé à cause d'une cigarette? Un homme de 69 ans lutte pour sa vie après avoir été brûlé sur environ 80 % du corps mercredi dans un centre d'hébergement de Verdun. Cet homme, c'est mon frère Marc. Il est décédé la journée même.
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Gravement brûlé à cause d'une cigarette? Un homme de 69 ans lutte pour sa vie après avoir été brûlé sur environ 80 % du corps mercredi dans un centre d'hébergement de Verdun. C'est ce qui était écrit écrit dans le Journal de Montréal du 5 octobre dernier. Cet homme, c'est mon frère Marc et s'il n'avait pas eu de famille, cet article serait demeuré tout à fait banal et sans intérêt. Mais voilà, Marc est décédé la journée même. Il n'a pas été capable de survivre à la gravité de ses blessures: 60 % de son corps était brûlé, dont plusieurs parties au 3e degré. Une enquête du coroner est en cours, mais je n'attends pas le rapport pour vous écrire, M. Gaétan Barrette.

La direction du CHSLD a rencontré ma famille et nous a expliqué les circonstances de l'événement. Je connais ce centre d'hébergement, Marc y résidait depuis 12 ans. Ce matin-là, mon frère était dans un fumoir supposément sécurisé. Qu'il l'ait échappée ou qu'il se soit endormi avec sa cigarette à la main, des questions subsistent. Pourquoi le système d'alarme ne s'est-il pas déclenché? Pourquoi Marc ne portait-il pas de tablier? Pourquoi l'absence de caméra dans le fumoir? Et finalement, comment se fait-il qu'il n'ait pas reçu de secours rapidement afin de lui éviter des douleurs atroces et une fin de vie si horrible?

Dans vos CHSLD, M. Barrette, il manque désespérément de personnel. Imaginez-vous, M. le ministre, travailler de nuit comme préposé aux bénéficiaires sur un étage où demeurent vingt-quatre résidents atteints de troubles mentaux, de déficiences intellectuelles et d'handicaps physiques. Comment une personne, toute intentionnée à bien faire son travail, occupée à l'autre bout du couloir à répondre aux soins d'un résident ou à toutes autres tâches, pourrait être capable de voir ce qui se passe au fumoir? Pour que mon frère brûle avec tant d'intensité, et si longtemps, c'est qu'il n'y avait personne assez proche pour le secourir. Qu'arriverait-il, M. Barrette, si vous aviez une faiblesse, subissiez un AVC, ou si vous vous étiez enfermé malencontreusement dans un placard? Combien de temps vous laisserait-on ainsi? Oui, il y a bien un préposé volant qui se promène sur trois étages, donc pour veiller sur 72 résidents! Ce préposé volant arriverait-il à temps pour vous secourir? Dans les faits, le préposé n'est jamais arrivé à temps pour aider à secourir mon frère Marc. Aimeriez-vous travailler dans ces conditions, M. Barrette?

Je constate que plus on pense améliorer la qualité de vie, plus on voit une diminution du personnel.

Ayant été moi-même hospitalisée à plusieurs reprises et ayant visité ma mère résidente d'un CHSLD pendant 18 mois, j'y ai vu des travailleurs courir, surmenés, à bout de souffle. Je leur proposais de s'asseoir sur mon lit pour qu'ils respirent un peu. On leur offre même une formation pour qu'ils travaillent plus rapidement et pour être ainsi plus efficaces. Je ne veux pas que vous m'expliquiez le pourquoi de vos coupures, M. Barrette, mais je me demande comment on en arrive à mourir brûlé dans un centre d'hébergement de soins de longue durée. Pour mon frère, il est trop tard maintenant, mais pour tous les usagers de vos hôpitaux, de vos CHSLD, est-il encore possible de leur dire qu'ils sont en sécurité et à l'abri des drames et des tragédies? Il ne faudrait pas d'autres cas de décès avant que l'on agisse.

Marc me parlait souvent de la mort, il désirait partir doucement dans son lit comme un petit poulet, mais voilà, le petit poulet a brûlé jusqu'à en mourir. L'unique préposée présente sur l'étage a essayé de le secourir, mais il était trop tard. Elle a elle-même dû être hospitalisée pour des brûlures et un choc post-traumatique.

Ma famille la remercie ainsi d'ailleurs que tout le personnel de la résidence Yvon Brunet du CSSS sud-ouest de Verdun. L'équipe est devenue aussi la famille de notre frère et le deuil est aussi grand pour eux. Marc était respecté et heureux d'y vivre.

Le ministère de la Santé essaie d'offrir aux bénéficiaires des CHSLD des services de qualité, comme des bons soins offerts par de gentilles personnes autour d'un bon repas santé ou lors de joyeuses activités et ceci, bien entendu, dans un environnement sécurisé. On appelle cette nouvelle approche le «milieu de vie». Mais je constate que plus on pense améliorer la qualité de vie, plus on voit une diminution du personnel.

Dans vos établissements où vivent nos personnes aînées, handicapées, les plus vulnérables de notre société, il manque les travailleurs nécessaires pour accorder aux usagers les meilleures conditions favorables à leur bien-être et leur sécurité. Dans un milieu de vie M. Barrette, on prend soin de ceux qui y habitent, on en est responsable. La résidence devient leur chez eux et ils paient cher pour y vivre. Les coupures en santé font mal, M. Barrette, elles font mal à en mourir.

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