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Pas une rébellion, mais un mouvement démocratique

Si le mouvement patriote avait réussi, nous aurions évité un retard d'un siècle au moins. Il prônait la démocratie, le vote des femmes, les droits des Autochtones, l'école obligatoire et gratuite, la séparation de l'État et de l'Église.
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À l'occasion de la fête des Patriotes, j'en profite pour corriger le tir. Les Britanniques et l'Église se sont empressés de qualifier de rébellion le mouvement démocratique des Patriotes. Ce mot justifiait les Britanniques d'avoir réprimé dans le sang ce qu'ils appelaient une rébellion, donc une sorte de révolte contre l'autorité légitime. Il justifiait aussi l'Église qui condamnait cette révolte contre le roi d'Angleterre de droit divin.

Les Britanniques ont fait le coup dans toutes leurs colonies. La guerre d'indépendance des Américains est devenue une rébellion. Le soulèvement des Cipays en Inde est devenu une rébellion qu'il fallait noyer dans le sang. Les Britanniques ont fait preuve alors d'une barbarie que les nazis n'ont jamais commise: exécuter les Cipays en les attachant à la bouche d'un canon. Ils ont qualifié de rébellion toutes les révoltes de leurs colonisés qu'ils opprimaient dans leur propre pays. En volant les territoires et leurs richesses, en réduisant les populations en esclavage, les Britanniques n'étaient pas des rebelles, ils étaient des criminels.

Or, les Patriotes du Québec formaient un mouvement démocratique qui réclamait un gouvernement responsable. À l'époque, les Québécois élisaient des députés et ces députés pouvaient passer des lois, mais c'était le gouverneur en conseil qui les approuvait ou les rejetait. Et même quand il les approuvait, le Conseil privé de Londres avait le pouvoir de les rejeter. Autrement dit, il s'agissait d'une caricature de démocratie.

Les Patriotes ont fait des protestations ici au Québec; ils sont même allés jusqu'en Angleterre pour présenter leurs résolutions qui furent rejetées. Ils n'ont jamais fait la promotion de la violence et du recours aux armes. Quelques Irlandais habitués à la violence dans leur pays ont menacé de recourir à la violence, mais jamais les Patriotes du Québec.

Ce sont les Britanniques qui ont déclenché la violence. Le colonel Gore à la tête de 300 soldats a attaqué Saint-Jean-Richelieu. Les Patriotes ont rassemblé leurs fusils de chasse et ont remporté leur seule victoire. On connaît la répression sanglante qui s'en suivit. L'armée britannique appuyée par les Volonteers a incendié les villages, profané les églises, tué tout ce qui bougeait. Une fois, la répression terminée, ils ont pendu 12 Patriotes et en ont exilé des centaines.

Pourquoi les Britanniques ont-ils déclenché la violence? Pour trois bonnes raisons. D'abord, ils ne voulaient pas revivre la guerre d'indépendance des États-Unis. Ensuite, ils voulaient empêcher que la violence en Irlande se propage au Canada. Enfin, ils étaient farouchement opposés à remettre la démocratie dans les mains des vaincus. Ils ont donc agi les premiers pour éviter le pire. Il ne faut qu'après cette répression, en 1840, que Londres accordât le gouvernement responsable alors que les Anglais étaient devenus la majorité dans l'Union.

Quant à l'Église, elle avait aussi ses raisons de s'opposer au mouvement démocratique des Patriotes. D'abord, les Patriotes s'inspiraient de la Révolution française et de la Révolution américaine qui abolissaient la monarchie de droit divin. Ensuite, les Patriotes prônaient la laïcité. Surtout l'école gratuite et obligatoire à laquelle l'Église s'opposait catégoriquement. Les Patriotes avaient fondé les écoles de Fabrique qui avaient un énorme succès auprès des Québécois. Elles damaient le pion aux écoles anglaises qui voulaient assimiler les Francophones et aux écoles de l'Église qui étaient orientées sur l'enseignement religieux.

Si le mouvement patriote avait réussi, nous aurions évité un retard d'un siècle au moins.

Si le mouvement patriote avait réussi, nous aurions évité un retard d'un siècle au moins. Il prônait la démocratie, le vote des femmes, les droits des Autochtones, l'école obligatoire et gratuite, la séparation de l'État et de l'Église, etc.

On comprend que l'Église se soit opposée aux Patriotes au point de leur refuser un enterrement en sol chrétien en plus de leur interdire les sacrements. L'Église, à partir de 1840, va prendre totalement l'éducation en main et jusqu'à la création du ministère de l'Éducation à la Révolution tranquille. Cette ingérence de l'Église dans notre histoire politique fait partie des 11 crimes qu'elle a commis au Québec, le crime de l'ingérence politique. Elle est donc responsable de notre retard collectif en éducation, en démocratie, en laïcité.

La collusion entre les Anglais et l'Église a réussi à implanter le mot « Rébellion » dans le crâne des Québécois au point que les historiens et les musées emploient ce mot sans le remettre en question. Des indépendantistes mêmes l'emploient.

Profitons de cette fête des Patriotes pour rayer une fois pour toutes le mot rébellion attribué au mouvement démocratique des Patriotes.

Référence: L'histoire criminelle des Anglo-Saxons aux éditions Louise Courteau

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