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Une proposition du NPD qui réduirait les inégalités, mais de façon modeste

Le NPD a promis de s'attaquer aux inégalités de revenus. Nous allons voir que sa proposition pour s'y rendre avance dans la bonne direction, mais on peut difficilement la qualifier, comme l'a fait le chef Thomas Mulcair, de « pas-de-géant ».
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La campagne électorale fédérale prévue pour l'automne est encore loin d'être au sommet des préoccupations de la population, mais les partis politiques s'y préparent déjà depuis quelque temps. Tout récemment, le NPD a promis de s'attaquer aux inégalités de revenus. Nous allons voir que sa proposition pour s'y rendre avance dans la bonne direction, mais on peut difficilement la qualifier, comme l'a fait le chef Thomas Mulcair, de « pas-de-géant ».

La proposition annoncée il y a deux semaines par le chef du NPD Thomas Mulcair consisterait à abolir une déduction fiscale destinée aux plus riches afin d'améliorer les prestations aux plus démunis. Ainsi, la déduction d'options d'achat pour l'acquisition ou la disposition d'actions, profitant notamment aux PDG d'entreprises, serait abolie. Cette mesure coûterait environ 700 millions $ par année au trésor public.

Les sommes récupérées seraient transférées entièrement vers des familles à faible revenu « grâce au renforcement de la prestation fiscale pour le revenu de travail et à une bonification du Supplément de la prestation nationale pour enfants », annonçait M. Mulcair. Selon un article du journal Métro, le chef de l'Opposition officielle du Canada estimait que cette proposition « représente un pas-de-géant pour réduire l'inégalité des revenus au Canada en permettant à des familles et leurs enfants de sortir de la pauvreté et d'entrer dans la classe moyenne », ce qui « est une bonne chose pour le tissu social ainsi que pour l'économie du Canada », a-t-il dit. « L'extraordinaire richesse générée de nos jours dans ce pays échoit à de moins en moins de personnes », un écart de richesse qui va à l'encontre des valeurs canadiennes, selon lui. « Et ceux qui sont en haut de la pyramide bénéficient de crédits d'impôt auxquels la majorité d'entre nous n'ont pas accès. »

Le diagnostic semble correct (le crédit d'impôt bénéficie surtout aux mieux nantis et les inégalités sont plus importantes aujourd'hui qu'il y a 20-30 ans). Toutefois, est-ce que cette proposition « représente un pas-de-géant pour réduire l'inégalité des revenus au Canada » ? Tentons l'expérience.

Faisons l'hypothèse que l'ensemble de la mesure fiscale à abolir ne profite qu'aux individus dans le premier centile. Évidemment, ils n'en bénéficient pas tous, mais l'ensemble des gains n'échoit pas non plus seulement au 1 % le plus riche. Faisons également l'hypothèse que tous les ménages à faible revenu en profiteraient, c'est-à-dire ceux composant le 20 % le moins nantis (le dernier quintile). Évidemment, ils ne profitent pas tous de la prestation fiscale pour le revenu de travail et du Supplément de la prestation nationale pour enfants, mais cette hypothèse forte permettra de donner le plus grand impact possible à la mesure proposée par le NPD.

En fonction de ces hypothèses de départ, le gouvernement abolirait une mesure fiscale de 700 millions $ profitant uniquement au 1 % le plus riche (ceux qui ont un revenu de plus de 228 600 $, en 2012). Ainsi, cette somme représente 2 700 $ en moyenne pour chacun de ces 261 400 individus. Ceux-ci ont un revenu total (incluant les gains en capital) de 499 500 $ en moyenne. Cette action retrancherait donc 0,5 % de l'ensemble de leurs revenus et leur taux d'impôt passerait de 29,5 % à 30,2 %.

Ce changement est marginal. Toutefois, l'augmentation annuelle moyenne des revenus du 1 % le plus riche a été de 7 900 $ au cours les quinze dernières années (ajustée à l'inflation, en dollars de 2012). Ainsi, cette mesure aurait permis de réduire du tiers l'augmentation annuelle de leurs revenus, ce qui n'est pas mal, mais ne fait que légèrement ralentir la tendance de fond. Les inégalités entre le sommet et le reste continueraient d'augmenter.

L'autre facette de la proposition du NPD consisterait à transférer ces 700 millions $ aux 2 664 000 ménages du quintile le moins riche. Cette politique réduirait le revenu du premier centile de 2 700 $ (0,5 % de leurs revenus) pour augmenter de 263 $ le revenu des seconds, ou plutôt de 5 $ par semaine. Leur revenu total étant en moyenne de 15 600 $ (en 2011), cette bonification ne représenterait que 1,7 %.

Concrètement, cette proposition ferait passer le ratio entre le premier centile et le dernier quintile de 32 à 31,3, une baisse de 2 % des inégalités. Même avec la politique proposée par le NPD, le 1 % le plus riche aurait tout de même un revenu plus de 30 fois supérieur à celui du 20 % le moins nantis. Étant peu sensible aux variations extrêmes, ce changement n'aurait aucun impact sur le coefficient de Gini, la principale mesure des inégalités.

Conclusion

Cette proposition peut faire partie de la solution, mais il faudra beaucoup plus de mesures concertées et convergentes pour avoir un réel impact durable sur le niveau élevé d'inégalités au Canada. Sinon, le pas-de-géant risque d'être davantage politique qu'économique.

Sources

Dernier quintile : Statistique Canada, tableau CANSIM 202-0703.

Premier centile : Statistique Canada, tableau CANSIM 204-0001.

Nombre de ménages du dernier quintile : Statistique Canada, recensement de 2011.

Une version de ce billet a été publié sur le blogue de l'Institut du Nouveau Monde

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