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L'ingérence du fédéral dans l'éducation postsecondaire

Le financement ne va plus au fonds de fonctionnement général des universités, mais à la recherche. Les problèmes de financement des universités, qui font que certains réclament une hausse des frais de scolarité, s'expliquent en bonne partie par ce déplacement du financement fédéral.
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L'éducation postsecondaire est l'un des principaux facteurs d'évolution économique et culturelle des sociétés modernes. À de nombreuses reprises, le Bloc québécois a pris fait et cause pour la défense du système universitaire québécois. L'éducation est un champ de compétence provincial, mais, au Canada, son financement dépend en bonne partie de transferts du gouvernement fédéral aux provinces. En cette période d'élection et de rentrée universitaire, il faut se demander quel parti propose la meilleure politique pour ces transferts.

Le gouvernement sortant de Steven Harper se vante de verser aux provinces des transferts qui « totalisent un montant record ». Certains chiffres semblent à première vue donner raison aux conservateurs. Les transferts fédéraux pour les services sociaux, dans lesquels sont compris les transferts pour l'éducation postsecondaire, sont passés de 2 664 M$ en 2011-2012, à 2 759 M$ 2012-2013, à 2 834 M$ en 2013-2014. Ces montants sont effectivement plus élevés que par le passé, et ils sont en croissance. Est-ce la preuve que les prétentions des conservateurs sont fondées ?

Il convient de ne pas se contenter d'un survol rapide de quelques chiffres pour bien comprendre la réalité. Une excellente étude de l'IRIS réalisée en 2013 (d'où provient la plupart des chiffres et faits cités dans ce billet) montre que les choses ne sont pas si simples. Replaçons d'abord la question dans son contexte historique. De 1993 à 1998, le gouvernement libéral a coupé 332 M$ dans les transferts destinés aux universités, soit une diminution de 21 %. Ce n'est qu'en l'an 2000 que sera retrouvé le niveau de financement de 1990. Par la suite, les libéraux et les conservateurs ont graduellement réinvesti, mais il s'agit à peine d'un rattrapage par rapport aux coupures des années 90. Ainsi, de 2009 à 2014 la croissance moyenne des transferts fédéraux pour les programmes sociaux a été un anémique 0,2 %. Il est donc faux de prétendre que les transferts fédéraux atteignent des niveaux records : il ne s'agit que d'une faible croissance.

Toutefois, le principal est ailleurs. Toujours selon l'étude de l'IRIS, le problème n'est pas le niveau du financement, mais la façon dont il est octroyé. Le financement ne va plus au fonds de fonctionnement général des universités, mais à la recherche. Les problèmes de financement des universités, qui font que certains réclament une hausse des frais de scolarité, s'expliquent en bonne partie par ce déplacement du financement fédéral. En outre, l'accroissement des fonds fédéraux dédiés à la recherche a été nettement plus grand au Canada en général (croissance de 169 % de 1999 à 2012) qu'au Québec (croissance de 134 % de 1999 à 2012). Il s'agit d'une injustice criante.

Plus grave encore, la politique de financement initiée par le libéral Axworthy et poursuivie par les conservateurs impose des critères qui orientent politiquement la recherche. La recherche fondamentale est mise de côté, les recherches présentant des bénéfices économiques à court terme ont la priorité. La recherche est dorénavant orientée non pas vers l'intérêt général de la société, mais vers l'intérêt privé des entreprises. Par ailleurs, les universités sont de plus en plus en concurrence pour les fonds de recherche, et elles doivent systématiquement faire des partenariats avec des entreprises privées. Libéraux et conservateurs ont donc pratiqué une ingérence dans un champ de compétence fondamental du Québec, en plus de commettre une injustice à son égard par des transferts moindres qu'ailleurs au Canada, et d'imposer une orientation néolibérale au monde universitaire, orientation que la population québécoise n'a jamais demandée.

On peut se demander ce que ferait un hypothétique gouvernement Mulcair pour améliorer la situation. Le NPD est traditionnellement encore plus centralisateur que les deux autres partis fédéralistes. Peut-on compter sur lui pour empêcher l'État fédéral d'outrepasser ses champs de compétences ? Dans le dossier Churchill Falls, dans celui des contrats des chantiers navals des Maritimes, le NPD a appuyé avec enthousiasme des mesures injustes pour le Québec. Va-t-il faire quelque chose pour que les transferts fédéraux au Québec en éducation postsecondaire rattrapent ceux du reste du Canada ? Quant à l'orientation néolibérale de la recherche universitaire, un admirateur de Margaret Thatcher comme Mulcair va-t-il faire une petite pause dans sa campagne de séduction des milieux financiers et pétroliers de Toronto et Calgary pour se soucier un peu du bien commun ? N'est-il pas clair que seul un parti souverainiste présent en force à Ottawa peut élever la voix pour exiger que cesse l'ingérence idéologique et inéquitable du fédéral dans les universités québécoises ?

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