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L'e-cig et l'OMS, pourquoi tant de hâte...

Il faut continuer de documenter ses effets, mais le vaporisateur personnel est une révolution sanitaire, largement plébiscité par ses utilisateurs et de plus en plus approuvé par de nombreux soignants français et européens qui y voient une alternative au tabac bien moins dangereuse.
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À lire et écouter les commentaires sur l'avis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il est difficile de résister au sentiment que l'e-cig, ou vaporisateur personnel (VP), est devenu la pire des « menaces pour l'adolescent et le fœtus ». Que s'est-il passé qui justifie une telle alerte? Une découverte imprévue ? Les résultats d'une étude nouvelle ? À la lecture de l'avis, rien de tout cela, que du classique : l'OMS semble craindre ce qu'ailleurs on appellerait « du mésusage ». Les VP fonctionnent avec des e-liquides contenant pour nombre d'entre eux de la nicotine, habilement parfumée, et le risque serait donc qu'ils servent de porte d'entrée pour consommer de la nicotine et non plus pour diminuer l'usage de tabac.

Reprenons pour mémoire les éléments techniques du débat : les e-liquides peuvent être composés d'un ou plusieurs des éléments suivants :

  • le propylène glycol : substance présente dans de nombreuses préparations (culinaires, cosmétiques, inhalateurs ...)
  • la glycérine végétale dont les études n'ont montré aucun danger pour l'homme
  • les arômes (naturels ou synthétiques)
  • de l'eau, de l'alcool ou des additifs (exhausteurs de goût, correcteur d'acidité, etc.)
  • éventuellement de la nicotine à un dosage maximal, si vendu sur le territoire français, de 20 mg/ml, selon les recommandations de l'Agence nationale de sécurité du médicament ANSM

Les rares études cliniques réalisées sur les cigarettes électroniques n'évoquent aucun effet indésirable grave. Les effets secondaires les plus fréquents sont une irritation et une sécheresse de la bouche ou de la gorge. Le propylène glycol et la glycérine ne semblent pas toxiques lorsqu'ils sont inhalés, mais leurs effets à long terme demeurent inconnus. Rappelons-nous également que dans la cigarette, le tabac brûle et que c'est cette combustion, nocive, qui produit la fumée et qui dégage quelque 4000 produits toxiques et/ou cancérigènes. Dans le vaporisateur personnel, il n'y a ni tabac, ni combustion (ni feu, ni fumée).

Ce n'est donc pas « la consommation d'e-cig » qui serait dangereuse, mais la possibilité de s'initier par son intermédiaire à la consommation de la nicotine. Certes la nicotine est une substance psychoactive, mais dans son utilisation classique (patchs, cigarettes, inhalateurs, VP) elle ne présente que peu de dangerosité pour l'homme. Les doses de nicotine utilisées par les vapoteurs (ou par les utilisateurs de patch) ne sont pas nocives, excepté pour la femme enceinte. Le problème central de la nicotine, c'est sa capacité à rendre dépendant. Mais là-aussi, il a débat, sa vitesse d'absorption, moins rapide avec l'e-cig, atténuerait l'effet dépendance pour certains spécialistes.

C'est donc le risque d'être transformé en passerelle d'entrée dans le tabagisme, et non comme un moyen pour en sortir ou en atténuer les effets nocifs, qui justifie cette alerte. La consommation d'e-cig n'est donc pas « une menace », mais son usage, mal accompagné, pourrait initier au tabagisme.

Premiers accusés, les arômes présents dans les e-liquides. Ils seraient une stratégie marketing de l'industrie du tabac pour attirer les jeunes, comme l'industrie de l'alcool a su le sucrer et l'aromatiser pour en relancer l'usage vers des publics nouveaux, jeunes, femmes... Ici, ce n'est pas l'industrie du tabac qui a créé les e-liquides existants et en a diversifié les arômes, mais les demandes des vapoteurs entendues par les fabricants. Effectivement, mais rares ont été celles et ceux qui l'ont signalé (cf. par exemple), l'OMS pointe le risque d'une prise en main du marché de la vapote par les multinationales du tabac, qui détiennent le quasi-monopole de la commercialisation de la nicotine.

Cette industrie investit actuellement des millions de dollars dans la recherche pour développer des technologies qui permettent de chauffer (soit au moyen d'une résistance électrique, soit grâce à du charbon ardent) le tabac sans le brûler. Ces deux produits arrivent actuellement sur le marché : les vaporisateurs de nicotine (VOKE) développés par British American Tobacco, qui utilisent la technologie des vaporisateurs pour l'asthme, et le pyruvate de nicotine, ce procédé développé par Philip Morris qui permet la vaporisation de la nicotine par une réaction chimique (dispositif Iqos). Il y a là des points de vigilance à avoir.

La mesure d'interdiction de l'utilisation des VP dans les espaces publics fermés, réclamée " jusqu'à ce qu'il soit prouvé que la vapeur exhalée n'est pas dangereuse pour les personnes passant aux alentours » a retenu l'attention. S'agit-il de lutter contre le risque du vapotage passif ? 80 % du tabagisme passif est généré par la fumée secondaire (celle qui n'a pas été inhalée, mais qui est produite par la cigarette qui se consume dans l'environnement). Le VP n'émet aucune vapeur tant que le système n'est pas déclenché et aspiré par l'utilisateur. Il n'y a donc pas de vapeur secondaire avec le VP et la vapeur exhalée se dissipe en quelques secondes. Elle ne constitue donc pas objectivement une gêne persistante pour l'entourage. Certaines études ont montré la présence de résidus de nicotine dans l'air ambiant, mais en quantité très limitée qui ne présente aucun risque pour l'entourage (le rapport de l'Office français de prévention du tabagisme qualifie ce risque lié à l'exposition au vapotage passif de « à la limite de la signification clinique »). L'interdiction de fumer dans les lieux publics a été mise en place parce que le tabagisme passif pouvait représenter un risque pour l'entourage. Le rapport de l'OFT dit : « même dans les conditions les plus extrêmes, on ne peut atteindre des niveaux réputés toxiques dans une pièce où est utilisée l'e-cigarette ». S'agit-il alors de contrer un effet mimétique ? Pour le coup, cela serait à étudier. En attendant, mesurons le risque d'entretenir dans la population le doute sur une éventuelle nocivité du produit..

Car au-delà du débat technique, c'est la communication que cet avis a provoqué qui questionne : ces préoccupations sont légitimes, mais la forme choisie pour communiquer est surprenante. Jeter le doute sur une pratique naissante n'est pas forcément en réguler l'usage. Toute pratique de réduction des risques est par définition, une aide dont l'objectif peut - être détournée, un chemin qui peut se prendre en sens inverse. L'accès libre aux seringues « pourrait » faciliter les injections, c'est pour cela qu'elles ont été interdites notamment en France, le temps de comprendre avec le SIDA l'erreur commise, et de voir que cela a permis de diminuer la contamination. Les médicaments de substitution « pourraient » être utilisés pour s'initier aux effets des opiacés, c'est d'ailleurs ce qui arrive dans des cas minoritaires sur lesquels il convient de continuer de travailler, mais majoritairement, ils ont diminué les décès par surdosage.

La réduction des risques demande une communication plus nuancée, entre l'« idéal de santé publique » d'un individu abstinent, ou maitre de son usage de sucre, de sel, et de substances légales ou non, et l'authentique manipulation commerciale qui lui fit fumer du tabac « au nom de la liberté », il faut construire les nuances qui sont celles de nos vies. Le VP, bien utilisé, permet d'arrêter de fumer du tabac et de remettre en cause son lien à la nicotine. Réfléchissons ensemble comment contribuer à ce qu'il ne soit pas récupéré pour faire faire le chemin inverse, notamment en allant vers les groupes d'usagers qui partagent ce souci (cf. Aiduce www.aiduce.fr). L'expertise de ces usagers est nécessaire pour trouver les solutions adaptées comme dans toute réflexion sur la RDR.

Car en attendant la réalisation des risques hypothétiques que craint l'OMS, depuis l'arrivée du VP, les études anglaises, américaines et françaises ont prouvé que pour la première fois depuis bien longtemps, le tabagisme a reculé chez les jeunes. Le fait qu'ils soient attirés par le VP prouve qu'ils ont envie d'expérimenter le dispositif, mais ne prouve en rien qu'ils passent au tabac. Aujourd'hui, il n'y a pas d'interdiction de vapoter dans les lieux publics, mais dès à présent, les ventes de cigarettes baissent de 7% en moyenne depuis plus d'1 an, et le nombre de jeunes qui débutent la cigarette tabac diminue.

Bien évidemment, il faut continuer de documenter ses effets, mais le vaporisateur personnel est une révolution sanitaire, largement plébiscité par ses utilisateurs et de plus en plus approuvé par de nombreux soignants européens qui y voient une alternative au tabac bien moins dangereuse. La cigarette électronique n'est pas un médicament et ne relève d'aucune intention thérapeutique. Les cliniciens peuvent informer les fumeurs que la combustion est la méthode d'absorption de la nicotine la plus toxique et que tous les autres procédés sont plus sûrs. Pour les non-utilisateurs de la cigarette électronique, il est préférable de leur recommander les méthodes approuvées et reconnues. S'agissant des utilisateurs de la cigarette électronique (ou qui ont fermement l'intention de l'utiliser), le clinicien doit centrer son discours sur l'arrêt du tabac, sachant que la consommation de nicotine est moins toxique que l'absorption de fumée.

Pour nos adolescents, le danger n'est pas le VP, mais la communication sélective que les uns et les autres peuvent faire à son sujet!

Ps: Ces recommandations ont été publiées par l'OMS en vue de la sixième session de la Conférence des parties à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac qui aura lieu du 13 au 18 octobre à Moscou.

À lire: « Il paraît que... » Les idées reçues sur la cigarette électronique ou vaporisateur personnel. www.aiduce.fr

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