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Proposition Marceau: de l'attentisme au patentisme

Le rôle des indépendantistes n'est pas d'amener les Québécois à souhaiter le réaménagement de la tutelle canadienne, mais bien de leur proposer l'accession du Québec au statut de pays, et de ce fait, le rejet du statut de province, aussi dorée cette cage pourrait-elle être un de ces jours.
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Le conditionnement défaitiste qui afflige l'élite souverainiste traditionnelle ne mène pas seulement à l'attentisme; il mène aussi, parfois, au patentisme. La proposition faite lundi par Nicolas Marceau cadre assurément dans cette deuxième discipline.

Comme l'attentisme, le patentisme relève de la conviction que toute démarche indépendantiste claire et immédiate est vouée à l'échec et constituerait un insurmontable handicap électoral. Alors que le premier consiste à éviter tout engagement indépendantiste pour se concentrer sur l'intendance provinciale, le second, plus volontaire, s'exprime dans la recherche de façons d'amener par la ruse à l'indépendance des électeurs qui, croit-on dur comme fer, n'y viendraient pas autrement.

Si l'attentisme, représenté aujourd'hui par les Lisée, Cloutier et Hivon, dessert l'objectif indépendantiste en montrant que les ténors du PQ eux-mêmes n'en font pas une priorité, le patentisme, lui, affecte l'image de notre mouvement et plombe notre relation avec l'électorat, en nous faisant passer pour une bande de patenteux qui, n'ayant pas confiance en leur option - et encore moins en l'intelligence de leurs compatriotes --, cherchent à la faire passer par la porte d'en arrière. Cela ne peut pas être sans conséquence, également, pour l'idée de l'indépendance elle-même. Que peut-on penser, en effet, d'une cause qui se mérite des porte-paroles aussi grossièrement manipulateurs?

Dans le cas précis de la proposition Marceau, on reconnaît un vieux fantasme patentiste: recréer le contexte post-Meech en plaçant les Québécois devant une nouvelle rebuffade d'Ottawa. On pense ainsi «réveiller» ces électeurs que l'ont croit trop apathiques pour saisir une vraie chance d'émancipation nationale lorsqu'elle se propose en dehors de tout conflit constitutionnel. Quelle façon désolante de mettre l'indépendance en scène, la faisant apparaître comme une sorte de pis aller, promu, de surcroît, par des gens qui regardent le peuple de haut.

En plus de présenter les défauts habituels du patentisme - confusion des enjeux, doute sur les intentions, bris de confiance --, la proposition Marceau est calamiteuse de diverses façons. N'en retenons que deux: d'abord, l'invraisemblable idée de donner aux canadianistes la chance de nous battre deux fois en une seule opération. En effet, s'il fallait que, dans un référendum Marceau, l'indépendance soit rejetée, nous perdrions dès lors une deuxième fois, puisque les Québécois se verraient automatiquement forcés d'entériner du même coup une forme ou une autre d'acceptation du statut de province. Et ce, par un gouvernement prétendument «indépendantiste». Il n'y a pas moyen de le dire autrement: on nage ici en plein absurde.

Deuxième problème: si le patentisme a trop souvent le défaut de montrer un doute sur l'intelligence de l'électorat, dans le scénario Marceau, celle des gens d'Ottawa est également sous-estimée. Ce n'est pas parce qu'ils adorent la reine d'Angleterre que les représentants canadiens sont des imbéciles finis qui tomberaient à coup sûr dans n'importe quel piège à ours que nous leur tendrions en sifflotant. Quoi qu'en pensent certains stratèges, on ne peut pas complètement exclure la possibilité que le gouvernement canadien fasse une offre de règlement constitutionnel au Québec dans le cadre d'un tel référendum.

Certes, cette offre serait irrecevable d'un point de vue indépendantiste, mais elle pourrait bien séduire une part déterminante de ceux qui ne vont pas au-delà du nationalisme provincial.

Pire encore, nous aurions nous-mêmes, comme des grands, offert à nos adversaires l'occasion de mieux s'outiller pour nous battre, en leur permettant de s'immiscer formellement dans notre processus décisionnel, créant de ce fait un épouvantable précédent. À tomber en bas de sa chaise.

J'ai parlé abondamment de ce qu'est un engagement indépendantiste clair: une proposition d'indépendance et l'engagement ferme de la mettre en œuvre. Or, il devrait aussi aller de soi, comme le disait Jacques Parizeau en 2014, que nous soyons clairs sur la nature même de notre objectif. Le rôle des indépendantistes n'est pas d'amener les Québécois à souhaiter le réaménagement de la tutelle canadienne, mais bien de leur proposer l'accession du Québec au statut de pays, et de ce fait, le rejet du statut de province, aussi dorée cette cage pourrait-elle être un de ces jours.

C'était ça, le champ de ruines dont Parizeau parlait: la confusion des esprits et la fuite en avant dans toutes sortes de patentes plus ou moins déchiffrables. Sortons de ce mauvais pas. Le Québec mérite une proposition d'indépendance claire, positive et assumée.

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