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Quelles seraient les conséquences de l'élection de Lisée à la tête du PQ

Les membres du PQ voudront-ils vraiment, en majorité, envoyer le message sans équivoque aux Québécois que le grand parti qu'ils portent à bout de bras ne sent plus la nécessité de travailler dès maintenant, et en tout temps, à la réalisation de l'indépendance?
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Au-delà du spectacle des sondages douteux qui viennent polluer l'exercice démocratique de la campagne à la direction du Parti québécois, il faut bien faire le constat qu'un nombre appréciable de membres du PQ envisagent sérieusement un appui à Jean-François Lisée.

Dans un passé récent, un candidat promettant la mise au rancart de l'indépendance pour six ans au minimum, dont un mandat complet de gouvernement provincial, aurait été relégué illico à la traîne de la course, au rang de curiosité pittoresque ou malaisante. En fait, c'est grosso modo ce qui est arrivé à Bernard Drainville en 2015. Que nous en soyons rendus à la situation actuelle ne peut que montrer à quel point certains indépendantistes sincères ont aujourd'hui perdu foi en la victoire, celle de l'indépendance, et ne s'autorisent qu'à convoiter le maigre prix de consolation, c'est-à-dire l'intendance de notre sous-département régional à la place des libéraux.

Même en ce point culminant de la campagne et dans l'atmosphère de partisanerie exacerbée qui en découle, il est légitime de réfléchir à voix haute sur ce que seraient les conséquences de l'élection de Lisée. Ces conséquences, en effet, sont potentiellement fatidiques à maints égards, pour le Parti québécois comme pour le mouvement indépendantiste.

D'un point de vue indépendantiste, l'élection de Lisée signifierait un énorme appel d'air vers une réorganisation en dehors du PQ.

Cette course a été un formidable révélateur du clivage profond qui existe entre l'intelligentsia dominante au PQ et un nombre considérable de militants indépendantistes, et qui s'exprime dans la volonté, ou non, d'aller en élection munis d'un engagement indépendantiste concret et immédiat. Cette dissension, qui provoquait déjà le fractionnement du mouvement indépendantiste alors que le Part québécois maintenait le flou référendaire, ne pourrait qu'arriver à son point culminant avec l'élection d'un chef mettant officiellement l'indépendance en veilleuse. Dès lors se présenterait tout un éventail de répercussions possibles à court, moyen et long termes: fragilisation ou effondrement définitif du PQ, fusion avec la CAQ, conquête du pouvoir provincial pour s'y embourber pendant de longues années, etc. etc.

D'un point de vue indépendantiste, cependant, cela signifierait un énorme appel d'air vers une réorganisation en dehors du PQ. Déjà, à l'heure actuelle, certains indices d'une telle volonté sont sur l'écran radar, qu'ils se nomment Option nationale, Faut qu'on se parle, ou autre chose, ou qu'ils se trouvent chez la relève indépendantiste du Bloc québécois et même à QS dans certains cas. Avec l'addition d'un bloc militant qui se détacherait - presque malgré lui - du PQ, les choses pourraient assez rapidement prendre forme.

Par ailleurs, on ne peut pas ne pas penser à la jeunesse qui, on le constate de plus en plus, ne s'intéresse pas tellement à l'indépendance, idée qu'elle n'a jamais connue que comme projet de perdants sans cesse balayé sous le tapis par le ''vieux' parti'' qui est supposé en être le premier porteur. Ces jeunes-là atteignent déjà, dans bien des cas, la trentaine, c'est-à-dire l'âge auquel on s'installe dans des habitudes politiques qui changeront peu ou difficilement par la suite, comme le démontrent diverses études sérieuses. Il est déjà moins une si nous voulons mobiliser cette génération; imaginons ce que ce serait dans sept, huit, dix ans ou plus.

Un parti qui ne porte pas d'engagement indépendantiste concret ne parle pas d'indépendance et ne fait pas de nouveaux indépendantistes.

Car, en dépit des prétentions de Jean-François Lisée et outre sa promesse, frivole par définition, d'action ''dans un deuxième mandat'', nous avons maintes fois vu à l'usage qu'un parti qui ne porte pas d'engagement indépendantiste concret, ne parle pas d'indépendance et ne fait pas de nouveaux indépendantistes. Il n'en a ni le temps, ni l'intérêt, ni la crédibilité; et lorsque, toujours brièvement, il aborde le sujet, personne ne l'entend sauf les convertis.

Quelles que soient les qualités personnelles qu'on puisse trouver à M. Lisée - bien sûr, une course à la chefferie est aussi un choix de personnalité qui repose sur l'évaluation d'un ensemble d'atouts et de faiblesses à cet égard -, n'en demeure pas moins que sa proposition ne consiste qu'à officialiser une approche qui a cours, dans les faits, depuis 1998, et dont les résultats ont été désastreux jusqu'ici: mettre l'indépendance de côté pour se concentrer sur la quête du plat de lentilles provincial - en se faisant croire qu'on prépare on ne sait quel ''contexte favorable''.

Les membres du PQ voudront-ils vraiment, en majorité, envoyer un message sans équivoque aux Québécois à l'effet que le grand parti qu'ils portent à bout de bras ne sent plus la nécessité de travailler dès maintenant, et en tout temps, à la réalisation de l'indépendance? Que, tout compte fait, la province est un carré de sable satisfaisant pour l'avenir prévisible? Que le projet des Parizeau et cie n'était que le rêve, aujourd'hui périmé, d'une autre génération?

Compte tenu de la position attentiste d'Alexandre Cloutier, et de celle de Paul St-Pierre Plamondon qui rejoint Lisée pour l'essentiel, seule une victoire de Martine Ouellet pourrait écarter un tel scénario.

À suivre.

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