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L'entrepreneuriat au Nunavik: une alternative crédible?

Avec l'essor de nouvelles technologies et une population en pleine croissance, le modèle des PME permettrait de diversifier l'économie du Nunavik, fortement dépendante des fonds provinciaux et exposée à la volatilité des prix des matières premières.
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L'Arctique, autrefois inaccessible, s'offre aujourd'hui à un monde interconnecté et assoiffé de ressources. Alors que la fonte des glaces atteint des niveaux records, gouvernements et multinationales se demandent comment tirer profit de cette région qui regorge de pétrole, gaz naturel, et minerais. Au Québec, la mise en place du Plan Nord en est l'exemple, avec plus de 50 milliards d'investissements étalés sur 25 ans. Malgré une attention internationale croissante, les communautés nordiques aspirent à développer leurs marchés de manière autonome. De plus en plus de Nunavimmiut - habitants du Nunavik - se tournent vers des approches entrepreneuriales. Au cours de ma recherche durant l'été 2016, j'ai cherché à comprendre les perspectives face à l'entrepreneuriat au Nunavik.

L'entrepreneuriat est, pour beaucoup, un concept importé du «Sud». Ce concept est perçu comme étant le fruit d'une économie salariale, avec pour objectif la maximisation des ressources. Pour certains, la promotion de l'entreprise privée se fait aux frais de l'ensemble de la collectivité. Le côté individualiste qui accompagne l'accumulation de capital risque-t-il de prendre le dessus sur les valeurs de partage et de solidarité, omniprésentes au Nunavik? Pour une artiste à Inukjuak, les valeurs de partage «sont en train de disparaitre peu à peu.» Pour d'autres, c'est simplement «l'évolution», une convergence inévitable vers une société dictée par la loi des marchés. 70% des entrepreneurs que j'ai rencontré ont avoué ressentir des sentiments de «jalousie» ou de «marginalisation» de la part de leur communauté. Loin d'être célébrés, les entrepreneurs au Nunavik font face à de nombreux défis.

Contrairement au restant du territoire Québécois où les petites et moyennes entreprises (PME) sont solidement ancrées, le Nunavik est une des régions au Canada qui affiche le plus bas taux de PME. L'économie est dominée par le secteur public (32% du PIB) et les compagnies minières (40% du PIB), selon une étude publiée par l'Université Laval. Avec le support financier de l'Administration Régionale Kativik, une dizaine de PME voit le jour chaque année, mais nombreuses sont celles qui échouent après quelques mois.

Nous sommes loin du buzz qui entoure l'entrepreneuriat dans nos centres urbains.

Coûts élevés d'opération, faible soutien administratif et légal, ainsi qu'une main-d'œuvre peu qualifiée sont les principales barrières évoquées par les entrepreneurs. Pour un promoteur à Inukjuak, l'environnement n'est pas «propice aux start-ups.» Il continue en disant que le gouvernement «essaye d'avoir les standards québécois ici. Ce n'est pas adapté aux réalités de la région». Un autre habitant d'Inukjuak va même jusqu'à comparer le Nunavik à la Russie: «C'est comme démarrer un business en Russie! Tout est étranger. On est dans un environnement inconnu, dans une langue étrangère.» Nous sommes loin du buzz qui entoure l'entrepreneuriat dans nos centres urbains. Les accélérateurs, incubateurs, fonds d'investissement en capital-risque, et autres éléments d'un écosystème dynamique sont inexistants.

L'entrepreneuriat nordique n'en est encore qu'à ses premiers pas. Avec l'essor de nouvelles technologies et une population en pleine croissance, le modèle des PME permettrait de diversifier l'économie du Nunavik, fortement dépendante des fonds provinciaux et exposée à la volatilité des prix des matières premières. Alors que les investissements ne vont qu'accroitre dans l'Arctique, une vision intégrée, qui inclut des PME localement enracinées, est essentielle. L'entrepreneuriat se présente comme une alternative crédible si et seulement si l'on expérimente avec de nouveaux modèles d'entreprises collectives - plus culturellement adaptées - tout en promouvant l'innovation et le savoir-faire traditionnel.

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