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Vers une réforme du combat contre la piraterie internationale?

La piraterie maritime est un phénomène qui persiste et qui trouble les relations commerciales internationales depuis l'antiquité. Aujourd'hui, le problème est d'autant plus d'actualité que 90% du commerce international se fait par voie maritime.
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La piraterie maritime est un phénomène qui persiste et qui trouble les relations commerciales internationales depuis l'antiquité. Aujourd'hui, le problème est d'autant plus d'actualité que 90% du commerce international se fait par voie maritime. Il est stratégique pour les pays de protéger leurs navires et leurs cargaisons[1]. Mais que font les gouvernements et organisations internationales pour lutter contre la piraterie internationale maritime? À quelles difficultés font-ils face?

Les actes récents de piraterie, selon une carte interactive de l'année 2014, se produisent pour la plupart dans le golfe de Guinée, sur les côtes du Nigéria, du Bénin, du Togo et du Ghana, puis dans les îles du Sud-Est asiatique, particulièrement dans le détroit de Malacca, proche de la Malaisie et de Singapour[2]. Une autre étude, qui examine une plus grande période de temps, soit entre 1995 et 2013, ajoute à la liste l'ouest de l'océan Indien[3].

Définissons d'abord l'acte de piraterie. Il s'agit, selon l'article 101 de la convention de Montego Bay, «d'un acte illicite de violence commis à des fins privées, en haute mer, par un navire ou un aéronef contre un autre navire ou aéronef»[4]. Cependant, il y a une nuance importante à faire entre la piraterie et le vol à main armée sur un navire. La piraterie, telle que définie, se déroule uniquement en haute mer (dans des eaux internationales), tandis que le vol à main armée se déroule quand le navire en question n'est pas en haute mer. Autrement dit, la piraterie est de compétence internationale, alors que le vol à main armée ne concerne que l'État impliqué. Néanmoins, l'acte commis est le même, sauf que les organisations internationales ne s'entendent pas toutes sur l'inclusion du vol à main armée dans la définition internationale de la piraterie. Le problème, c'est que les droits d'intervention dont disposent les États varient selon la nature de l'acte.

L'article 105 de la convention de Montego Bay prévoit que les États, tant qu'ils ne s'ingèrent pas dans les eaux territoriales d'un autre pays, peuvent saisir en tout temps un navire de pirate ou un navire capturé par des pirates et l'appréhender, ainsi que toutes les personnes à bord, qui seront ensuite jugées par les tribunaux du même État qui a effectué la saisie[5]. Donc, selon le droit international, dans les eaux internationales, tout État peut saisir un navire de pirates. Il est cependant interdit pour un État de s'introduire dans les eaux d'un autre pays afin de stopper des pirates. Dans des cas de vol à main armée, qui surgissent donc uniquement à l'intérieur des frontières maritimes d'un pays, l'État a le droit légitime de se défendre, d'appréhender les pirates ainsi que de les juger, mais doit essentiellement se débrouiller par lui-même pour intervenir, sauf dans des cas spécifiques où il en est incapable. Ici, on peut notamment penser au cas de la Somalie. Dans le cas de ce pays pauvre au bord de l'Océan indien où la piraterie est omniprésente, la résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations unies du 2 juin 2008 prévoit un droit de poursuite inversé. Cela signifie qu'étant donné l'impuissance de cet État, la communauté internationale se donne le droit d'intervenir dans ses eaux territoriales[6].

Pour contrer les actes de piraterie, les compagnies et les gouvernements agissent. Du côté des compagnies concernées, on débourse d'importantes sommes sur des équipements de sécurité, des services de protection et le carburant nécessaire pour augmenter la vitesse des bateaux. Tous ces éléments représentent une dépense cumulée de 5 milliards de dollars américains en 2011-2012, par exemple, juste dans la partie ouest de l'Océan indien.[7] Pour ce qui est de l'ingérence des gouvernements, plusieurs pays déploient et maintiennent des flottes dans les zones à risque où ils peuvent intervenir, en plus de participer à des missions militaires. Par exemple, l'Union européenne a lancé l'opération Atlanta dans l'ouest de l'océan Indien pour protéger les navires internationaux vulnérables. D'autres navires russes, chinois et américains s'ajoutent pour assurer la paix dans les eaux indiennes. Ces opérations répétées semblent remporter un franc succès; les agressions enregistrées ayant drastiquement chuté durant ces deux dernières années, ce qui est loin d'être le cas pour l'autre grande zone de piratage, celle du Golfe de Guinée, où la situation s'aggrave.[8]

Or, comme mentionné précédemment, un gros problème lié à la piraterie auquel les États font face aujourd'hui est la définition même de l'acte de piraterie. Lorsque la piraterie s'effectue à l'intérieur des frontières maritimes d'un pays, les autres États n'ont plus le droit d'intervenir, parce qu'il ne s'agit plus de piraterie, mais bien de vol à main armée. Pour l'Organisation maritime internationale, organe de l'ONU qui propose et qui amende ces définitions, la primauté de l'intégrité territoriale est maintenue par-dessus tout. [9]Ainsi, les efforts de prévention et d'intervention sont affectés négativement par la juridiction internationale. En effet, le déploiement met en question la souveraineté des États et leur capacité à gérer les conflits, et les États qui voudraient intervenir sont restreints dans leur champ d'action par la souveraineté des autres États. Ils ne peuvent pas s'aventurer à l'intérieur des eaux territoriales d'un autre État, même s'ils poursuivent activement un navire de pirates. Actuellement, de tels gestes sont strictement interdits et l'État poursuivant doit cesser la chasse lorsque le navire de pirates traverse la frontière maritime.

Au final, la communauté internationale ne dispose pas des pleins pouvoirs pour stopper les multiples problèmes liés à la piraterie. Une solution possible serait de permettre une intervention dans des cas exceptionnels, notamment lorsque la piraterie a lieu près de détroits commerciaux importants pour l'ensemble de la communauté internationale. Cette option semble de plus en plus privilégiée comme le montre l'action européenne dans les eaux indiennes au large du Détroit d'Ormuz ou de Djibouti. Il faudra aussi améliorer la gestion des actes de piraterie qui ont lieu à l'intérieur des eaux territoriales d'un État qui n'est pas capable, à lui tout seul, de gérer la situation, en permettant, par exemple, la transgression des frontières maritimes pour motifs exceptionnels. C'est tout le paradoxe de notre monde interdépendant : combattre des menaces infranationales comme la piraterie tout en respectant le cadre souverain des États... limitant par le fait même l'action contre la menace à la sécurité nationale.

Ce texte est cosigné par Petru Teodorovici et Zai Ren Chen, étudiants au Collège Jean-de-Brébeuf.

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Sources

[1] Organisation internationale maritime, «Introduction to IMO», dans IMO.org, consulté en ligne le 24 février 2015

[2] International Chamber of Commerce - Commercial Crime Services, «IMB Piracy and Armed Robbery Map 2014», dans ICC-CSS.org, consulté en ligne le 24 février 2015

[3] United Nations Institute for Training and Research, «UNOSAT Global Report on Maritime Piracy: a geospatial analysis 1995-2013», dans UNITAR, consulté en ligne le 25 février 2015

[4] Philippe Chapleau, La piraterie maritime: droit, pratiques et enjeux, Paris, Éditions Vuibert, 2014, p. 27.

[5] Ibid, p.83

[6] Ibid, p.83

[7] United Nations Institute for Training and Research, p. 15

[8] [s.a.], « The ungoverned seas », dans The Economist, consulté en ligne le 22 mars 2015,

[9] Organisation internationale maritime, «What it is», dans IMO.org, consulté en ligne le 13 mars 2015,

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Mai 2017

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