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Responsabilité de protéger: une ingérence justifiée?

Il ne faut pas voir la Responsabilité de protéger comme étant un dérivé du principe d'ingérence, mais plutôt comme étant un devoir, librement consenti par la ratification de traités internationaux et la participation dans des organisations internationales comme l'ONU, que les États se doivent de respecter.
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C'est en 2002 que le concept de la « Responsabilité de protéger », aussi appelé « RTP » ou même « R2P », est mentionné pour la première fois dans un rapport rédigé par la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États (CIISE). Cependant, ce n'est qu'en 2005, lors du 60e sommet mondial des Nations Unies que l'Assemblée générale adopte finalement le principe de Responsabilité de protéger en tant que « Devoir de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité ». Ainsi, la Responsabilité de protéger consiste ultimement au devoir d'un État de prévenir ces crimes et de prévenir l'incitation à commettre ceux-ci. Par ailleurs, la communauté internationale s'engage à aider et à encourager fortement les États à s'acquitter de cette Responsabilité.

La Responsabilité de protéger une forme d'ingérence ?

Tout d'abord, il faut savoir que le principe de la Responsabilité de protéger s'est inscrit dans la lignée du droit d'ingérence humanitaire. Le droit d'ingérence humanitaire se veut être une forme d'ingérence dans les affaires internes par des instances internationales. Il s'agit du « droit que revendiquent les organisations non gouvernementales (ONG) et certains États d'intervenir sur le territoire d'un État, dont la population se trouve en situation de crise humanitaire ou dont les droits humains fondamentaux paraissent violés, avec ou sans son consentement ». Toutefois, le principe de la Responsabilité de protéger se veut beaucoup plus précis que le principe de droit d'ingérence humanitaire parce que son champ d'application se limite aux génocides, aux crimes de guerre, au nettoyage ethnique et aux crimes contre l'humanité. De plus, la Responsabilité de protéger veut surtout prévenir les conflits et vise aussi la reconstruction des sociétés alors que le droit d'ingérence humanitaire prévoit plus spécifiquement le recours à la force afin de protéger les convois humanitaires.

Dans un rapport de 2009 sur « La responsabilité de protéger », le Secrétaire général de l'ONU souligne que cette responsabilité se concrétise selon trois piliers: la responsabilité première de l'État en matière de protection, l'assistance internationale ainsi que le renforcement des capacités et finalement, une réaction résolue en temps voulu. Ainsi, lorsqu'il y a apparence « d'un manquement manifeste d'un État à son devoir de protéger sa population contre les crimes mentionnés ci-haut, la communauté internationale est prête à mener en temps voulu une action collective résolue par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies ».

Il ne faut pas confondre la Responsabilité de protéger avec la notion d'ingérence humanitaire puisque ce sont deux notions bien différentes. En effet, la Responsabilité de protéger s'applique seulement lorsqu'il y a un manquement manifeste d'un État à son devoir de protéger sa population contre les crimes de guerre, les génocides, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité, alors que le principe d'ingérence est l'intervention non consentie d'un État dans les affaires d'un autre État au détriment du concept de souveraineté.

Par ailleurs, il faut comprendre que la Responsabilité de protéger ne s'applique qu'en dernier recours et est seulement appliquée lorsque l'État qui a manqué à son devoir de protéger sa population a été averti par la communauté internationale. Ainsi, les Nations-Unies respectent un des principes fondamentaux de leur Charte puisque la Responsabilité de protéger ne constitue pas une intervention non consentie comme il en est le cas lorsqu'il s'agit d'ingérence. En ce sens, la Responsabilité de protéger respecte tout à fait le principe de non-ingérence et ne remet pas en question la souveraineté des États.

Par conséquent, il ne faut pas voir la Responsabilité de protéger comme étant un dérivé du principe d'ingérence, mais plutôt comme étant un devoir, librement consenti par la ratification de traités internationaux et la participation dans des organisations internationales comme l'ONU, que les États se doivent de respecter. Il faut savoir que le seuil de la mise en pratique de la Responsabilité de protéger, dans le cadre des Nations Unies, a été fixé pour des cas extrêmes de génocides, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique ou encore les crimes contre l'humanité. Considérant que les cinq membres détenant les sièges les plus importants sont majoritairement des puissances occidentales, plusieurs pays, dont l'Inde, se demandent s'il ne s'agit pas en fait de néocolonialisme. Il est maintenant possible de comprendre pourquoi la Responsabilité de protéger constitue en soi, un aussi gros questionnement sur la scène internationale. Cependant, pour faire en sorte que tous les pays adhèrent réellement à la R2P lorsqu'il vient le temps de la mettre en œuvre, il faudrait que les pays partagent entre eux, la même considération pour le bien-être de leurs populations ainsi que les mêmes points de vue en ce qui a trait aux crimes de guerre ainsi qu'aux crimes contre l'humanité, mais cela reste strictement utopique.

Par Marie Antoinette Diop et Élizabeth Longpré

Étudiantes en sciences humaines au Collège Jean-de-Brébeuf

Texte original avec ses références sur monde68.ca

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