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Réfugiés au Soudan: le rôle du Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU

La crise humanitaire dans l'est de l'Afrique est particulièrement complexe et pose de gros enjeux pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
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C'est le 4 janvier 1951 que, dans un effort de réinstaller les millions de réfugiés de la Seconde Guerre mondiale, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés fut fondé. Cet organe des Nations Unies avait comme mandat de protéger ainsi qu'assister les réfugiés dans leur réinstallation. Par ailleurs, l'H.C.R. devait s'assurer que le droit d'asile qui est inscrit dans la Convention de Genève de 1951 soit respecté. Finalement, le H.C.R. avait dans son mandat de s'assurer que les missions de rapatriement soient réussies[1]. Toutefois, même si le H.C.R. était seulement censé exister pour trois ans, il est devenu fondamental dans le fonctionnement de l'ONU et s'occupe présentement de plus de 22 millions de personnes dans 140 pays[2]. En 1967, le Protocole de New York fut adopté par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés[3]. Ce protocole élimine les restrictions temporelles et géographiques, qui exigeaient qu'un réfugié provienne d'un conflit européen datant d'avant 1951, et offre donc à toutes les personnes persécutées la possibilité de demander le statut de réfugié[4]. Depuis, l'H.C.R. a pris de l'expansion dans ses missions et opère présentement partout sur le globe, notamment dans l'est de l'Afrique.

Camp de réfugiés soudanais/darfouris au Tchad

Mark Knobil, 2005. (CC-BY-2.0)

Le Soudan et ses voisins, une région qui regroupe un nombre immense de groupes ethniques et religieux, ont connu une histoire particulièrement sanglante. Par exemple, le Soudan, suite à son indépendance en 1956, a connu son premier coup d'État en 1958 et a pratiquement toujours été en conflit ou en guerre civile depuis. Les gouvernements militaires, qui étaient islamistes, se retrouvaient souvent en conflit avec le sud du pays, qui est surtout peuplé de chrétiens et d'animistes. Toutefois, le conflit, qui semblait interminable, a fini par se résoudre et le Soudan du Sud a gagné son indépendance en 2011. Malgré cela, le Soudan du Sud éclate également en guerre civile seulement deux ans après son indépendance[5].

Le Soudan, quant à lui, vit encore une crise humanitaire, mais cette fois-ci avec le Darfour[6]. Ce conflit a engendré un taux élevé de déplacés internes au sein du Soudan. En somme, le Soudan reçoit des réfugiés provenant de plusieurs pays africains tels que le Soudan du Sud et l'Érythrée, où règne une dictature militaire violente, mais ils ont aussi un taux élevé de déplacés internes.

Tout ceci a causé une crise humanitaire au Soudan qui a nécessité une intervention onusienne et surtout de l'H.C.R. Selon les Nations unies, plus de 6,9 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire au Soudan, il y a plus de 460 000 réfugiés et plus de 3,1 millions de personnes déplacées à l'interne. Le H.C.R. s'occupe donc de ces personnes en offrant de nombreux services de base. Tout d'abord, ses membres développent des programmes d'éducation, de santé et de loisirs pour les réfugiés au Soudan[7] afin d'améliorer leur qualité de vie et rendre le quotidien au sein d'un camp de réfugiés le plus normal possible. Ils tentent aussi de lutter contre les kidnappeurs et les trafiquants d'êtres humains, qui sont très actifs autour des camps de réfugiés, visant surtout les enfants[8]. Ils posent alors un énorme problème que le gouvernement soudanais ne gère pas[9]. Sinon, l'H.C.R. offre également de l'aide de logement et des biens non alimentaires pour les camps de réfugiés soudanais[10]. Ils offrent aussi de l'aide aux apatrides qui proviennent du Soudan du Sud, en leur donnant de l'aide légale afin de documenter le plus de gens possibles[11]. Essentiellement, c'est l'H.C.R. qui permet aux camps de réfugiés soudanais de survivre, en leur donnant des ressources, des services, de l'argent et en les protégeant contre de potentiels ennemis, tels que les janjawids et les milices soudanaises ou tchadiennes[12]. Bref, sans la présence du H.C.R., la situation au Soudan serait davantage désastreuse.

Ceci met le H.C.R. dans une situation très précaire, car il aide un nombre élevé de gens au Soudan, dont un taux très haut de déplacés internes. Toutefois, aider les déplacés internes va techniquement contre leur mandat original, qui stipule que l'H.C.R. est là pour aider spécifiquement des réfugiés, soit des gens qui ont fui leur propre pays. Donc, ils ne respectent non seulement plus leur mandat original, mais ils doivent également aider un nombre encore plus élevé de gens, qui nécessiteront plus de ressources et d'argent. Le problème avec ceci est qu'ils n'ont tout simplement pas l'argent requis pour accomplir tous ces objectifs. Par exemple, selon l'H.C.R., près de 23 % du budget pour le Soudan va maintenant vers les déplacés internes, malgré le fait que le budget total a baissé d'environ 54 % depuis 2011. Voilà donc qu'au lieu d'avoir 130,6 millions de dollars pour aider les réfugiés au Soudan, ils n'ont maintenant que 97,1 millions. Ils se retrouvent donc à avoir besoin de faire plus avec beaucoup moins. Les effets de ce manque de financement se font certainement ressentir au Soudan. Par exemple, le H.C.R. se trouve à devoir gérer une crise humanitaire qui implique des millions de personnes avec seulement 375 membres de personnel onusien sur le terrain. Ceci complique leurs efforts sur le plan logistique et le plan organisationnel. Bref, il serait sans doute idéal que l'H.C.R. puisse aider le plus de gens possible, cependant, ils n'ont pas l'argent pour accomplir cela. Ils auront donc à choisir : vaut-il mieux aider moins de gens, mais de manière efficace, ou plutôt aider un grand nombre de gens, sans avoir un réel effet ?

Il n'y a pas de réponse évidente à cette question, toutefois, ce que le H.C.R. fait en ce moment apparait être la meilleure option possible. Même si les déplacés internes prennent une partie importante du budget de l'H.C.R., il est mieux qu'ils restent au Soudan. La seule autre option serait de fuir au Soudan du Sud, cependant, la situation dans ce pays est encore plus catastrophique qu'au Soudan. Présentement, près de 2,4 millions de personnes souffrent de malnutrition au Soudan du Sud et la guerre ravage la population. Par ailleurs, les camps de réfugiés sont pleins et connaissent des lacunes sérieuses au niveau de l'infrastructure, de la santé, de l'hygiène et de l'éducation. L'H.C.R. est donc mieux de garder le plus de gens possible au Soudan, où la situation est relativement moins chaotique et plus organisée.

En somme, les opérations de l'H.C.R. ne sont pas toujours très simples et il est très difficile de prendre des décisions lorsque les vies de nombreux êtres humains sont en question. La crise humanitaire dans l'est de l'Afrique est donc particulièrement complexe et pose de gros enjeux pour l'H.C.R.

Julian Raymond Galvan et Adrien Perlinger

Étudiants au collège Jean-de-Brébeuf

Pour l'article complet, avec ses références: Monde68.ca

Références:

[1] Defarges, «H.C.R. (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés)»

[2] Defarges, «H.C.R. (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés)»

[3] Elise Pestre, La vie psychique des réfugiés, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2010, p. 6.

[4] Ibid, p. 6.

[5] Le Président SalvaKiir, qui provenait du groupe ethnique majoritaire du pays, les Dinka, a renvoyé le ministre Riek Machar, qui provenait du deuxième plus grand groupe ethnique, les Nuées (Jenik Radon & Sarah Logan, « South Sudan : Governance, Arrangements, War and Peace », Journal of International Affairs, 68(1), p. 150.)Machar s'allie donc avec l'armée blanche, qui, comparée à plusieurs groupes, participe activement à la guerre civile du sud (John Young, « The White Army : An Introduction and Overview », Small Arms Survey : Graduate Institute of International Studies, p. 11.) Ceci a donc engendré une guerre civile sanglante qui cause la migration d'un nombre énorme de personnes vers le Soudan afin qu'ils puissent être réfugiés.

[6] Cette région a tenté de s'autogouverner et a eu une résistance militaire, cependant, le gouvernement soudanais a répondu en massacrant les populations civiles et en bombardant les villages du Darfour (André Glucksmann& Mord el-Hattab, Urgence Darfour, Paris, Éditions Des idées & des hommes, 2007, p. 17.)

[7] «2015 UNHCR country operations profile - Sudan»

[8] Ibid.

[9] CIA World Factbook, « Sudan ».

[10] « 2015 UNHCR country operations profile - Sudan ».

[11] Ibid.

[12] Gluckmann& el-Hattab, p. 18.

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