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L’économie comme frein de la superpuissance russe

Encore trop faible pour se tenir debout seule, la Russie a absolument besoin de pays alliés importants.
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Le président de la Russie, Vlamidir Poutine.
Alexei Nikolsky via Getty Images
Le président de la Russie, Vlamidir Poutine.

La Fédération de Russie telle qu'on la connait est née d'une implosion. À la suite de la chute de l'Union des Républiques socialistes soviétiques en 1991, la dissolution de cet État fédéral communiste a donné naissance à plusieurs Républiques indépendantes. La Guerre froide s'étant finie en un échec cuisant pour la Russie, la main de fer de Vladimir Poutine a été vue comme salvatrice lorsqu'elle s'est emparée du gouvernement pour installer un régime plus autoritaire. Après avoir perdu son statut de superpuissance, le pays a connu une remontée progressive vers un statut de grande puissance. L'essor de plusieurs pays en développement et de grandes et moyennes puissances sur la scène internationale pourraient laisser croire à un nouveau partage de puissance qui n'a jamais été vu auparavant. Certains experts tels le spécialiste de sciences politiques, Samuel Huntington, prévoient même l'ascension de la Fédération de Russie à son ancien statut de dirigeant. Toutefois, il existe trop de failles à la puissance russe pour qu'elle puisse atteindre ce but dans un avenir proche, à commencer par les difficultés de son économie: la situation récente de la Russie après l'annexion de la Crimée témoigne de l'immaturité du pays.

La Russie est loin d'avoir les ressources économiques nécessaires pour être une puissance qui pourrait faire ombrage aux États-Unis, et encore moins se prévaloir de statut de superpuissance.

On ne peut parler de la puissance de la Fédération de Russie sans faire un comparatif avec les pays ou les alliances de pays détenant une puissance économique au moment présent. Le comparatif le plus naturel est celui avec les États-Unis, l'unique superpuissance depuis la Guerre froide. La Russie est loin d'avoir les ressources économiques nécessaires pour être une puissance qui pourrait faire ombrage aux États-Unis, et encore moins se prévaloir de statut de superpuissance. Si l'on compare simplement l'économie des deux États avec quelques chiffres, on peut constater que le PIB per capita et le taux de croissance économique des États-Unis est le double de celui de la Russie. De plus, en 2016, le PIB en dollars US courants de la Russie était d'environ 1 300 milliards de dollars, alors que celui des États-Unis était d'environ 18 600 milliards de dollars. La richesse américaine est donc quatorze fois plus grande que la richesse russe. On ne pourrait donc voir les deux puissances économiques se croiser à court terme à cause, d'une part de la crise économique russe et d'autre part du faible taux de croissance économique qui atteint à peine 1%.

L'économie russe a connu une dégringolade de son marché des hydrocarbures en 2014, à la suite des restrictions de la part de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP). En 2014, la Russie a envahi le territoire de la Crimée, qui est un territoire autonome relié à l'Ukraine. L'annexion a été commandée par Poutine sous prétexte que le changement de gouvernement ukrainien, plus tôt durant l'année, était dû à un coup d'État. Des cessez-le-feu ont été mis en place par la communauté internationale, mais ils n'ont pas été respectés pas la Russie. De sévères sanctions économiques ont alors été mises en place par l'Europe, le Canada et les États-Unis. La collaboration avec des compagnies russes a été interdite, tout comme les voyages politiques sur le territoire russe. Puisque les pays européens sont les premiers clients des Russes pour la vente d'énergie et de ressources naturelles, le blocus économique a eu les conséquences dévastatrices qu'on lui connait.

Les hydrocarbures constituant 50% des recettes budgétaires de l'État russe et les deux tiers de leurs exportations, peu d'autres secteurs se sont développés au fil du temps. La chute du secteur principal de l'économie russe signifie donc que la récession était inévitable. La chute des prix du baril a donc aussi signifié la chute fatale du rouble, et la surévaluation de la monnaie nationale, affectant tous les domaines d'exportation puisque les produits russes ont été vendus à un prix artificiellement gonflé.

Structure des exportations russes

Haussmann, Hidalgo et al.

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Economic Complexity Observatory, MIT Media Lab and the Center for International Development at Harvard University. (2012)

Les États-Unis, quant à eux, ont une économie diversifiée qui n'est pas dépendante d'un seul acteur sur la scène internationale. Dans l'éventualité d'une chute dans un domaine, l'économie au complet n'en pâtirait pas de la même manière que dans le cas russe. Les États-Unis sont également une référence internationale incontournable grâce à l'éventail de leurs champs d'expertise, ainsi que l'importance des investissements dans différents secteurs. Par exemple, la Silicon Valley est le berceau de la technologie occidentale. Ce sont les autres membres de la communauté internationale qui ont besoin de leur aide, et non l'inverse. Il faut d'ailleurs rappeler que Wall Street, à New York, est le plus grand marché boursier au monde. Wall Street démontre premièrement la dominance économique des Américains, et secondairement, la permanence de cette domination.

En conclusion, la crise de la Crimée a prouvé que la Russie est une puissance dépendante. Encore trop faible pour se tenir debout seule, elle a absolument besoin de pays alliés importants. Sans l'appui de l'Europe, de qui elle tente paradoxalement de se dissocier, la Russie ne peut subsister économiquement de façon autonome. Dans d'autres États où l'économie est plus stable et où différents secteurs économiques sont développés, la présence de ressources naturelles est bénéfique. Dans le cas de la Russie, on peut aller jusqu'à affirmer que cette présence est négative. Sa mono-économie est un handicap important à son développement, puisque les investissements sont faits uniquement dans ce secteur, au détriment d'autres sphères d'activité. Le secteur des hydrocarbures sera un jour désuet, et l'économie de la Russie s'effondrera en entier si des réformes économiques ne sont pas mises en place. Enfin, il est possible pour les autres grandes puissances, tels l'Europe et les États-Unis, de manipuler la politique russe grâce à ce talon d'Achille. C'est par cette voie que les Américains, rivaux historiques des Russes, peuvent encore tenir le chat par le collet.

Par Jasmine Razavi

Étudiante en sciences humaines au collège Jean-de-Brébeuf

Pour lire l'article avec sa bibliographie et d'autres articles de vulgarisation sur les affaires internationales: monde68.ca, parce que l'international n'est pas une affaire étrangère.

Avril 2018

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