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Indépendance du Kosovo: casse-tête international

Depuis 1999 et la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Kosovo est sous protectorat provisoire de la communauté internationale, même s'il demeure officiellement une province serbe.
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En rouge, le Kosovo, petit territoire au statut légal contesté.

Depuis 1999 et la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Kosovo est sous protectorat provisoire de la communauté internationale, même s'il demeure officiellement une province serbe. Toutefois, le 17 février 2008, le Kosovo déclare unilatéralement son indépendance, déclaration validée par la Cour internationale de Justice qui, le 22 juillet 2010, déclare qu'elle «est d'avis que l'adoption de la déclaration d'indépendance du Kosovo le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international [...] mais [qu'elle] n'est pas tenue [...] de prendre parti sur le point de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance [...]» Entre-temps, cette région qui est sous protectorat de l'ONU s'est très peu développée et est devenue un refuge pour les organisations criminelles de la région où le trafic de drogues, d'armes et de femmes prospère et prend de plus en plus d'ampleur selon un rapport d'Amnistie Internationale datant de 2004, rendant ainsi la région encore plus instable. Il est donc impératif de trouver une solution définitive à cette impasse opposant 111 pays membres de l'ONU qui reconnaissent l'indépendance du Kosovo et 82 qui ne la reconnaissent pas.

Une opposition justifiée

À ce jour, 82 pays membres de l'ONU dont notamment la Serbie, la Chine, l'Inde, la Russie, l'Espagne, la Grèce et la Roumanie ne reconnaissent pas l'indépendance du Kosovo. Cette position concerne soit des États confrontés eux-mêmes à des revendications de minorités séparatistes - comme l'Espagne avec les Basques et les Catalans et la Russie avec les Tchétchènes qui ne souhaitent pas voir ces mouvements séparatistes gagner en force grâce à leur appui à une cause similaire - soit des États solidaires à la cause serbe orthodoxe en raison d'affinités culturelles comme la Grèce et la Roumanie.

En vert, les États qui reconnaissent l'indépendance du Kosovo.

Bien que cette position ne soit pas la plus populaire, plusieurs arguments la justifient. Premièrement, d'un point de vue historique, contrairement à la Slovénie, la Bosnie, la Croatie, la Macédoine et le Monténégro dont les indépendances furent reconnues entre 1991 et 2006, le Kosovo ne fut jamais historiquement un État indépendant. En effet, cette région fut tour à tour une province de l'Empire romain, de l'Empire bulgare, de l'Empire byzantin, de l'Empire serbe et de l'Empire ottoman jusqu'en 1913 où elle redevint une province sous gestion de la République serbe. De plus, les Serbes considèrent ce territoire comme le berceau de leur peuple, ce qui, malgré une présence ancestrale albanaise, considérant le fait que la capitale de l'Empire serbe à son apogée était située à Pec, au Kosovo, justifie leur position.

D'un point de vue historique et en vertu du principe du droit international sur l'intangibilité des frontières, il serait donc une erreur de reconnaitre les frontières d'un État indépendant du Kosovo là où il n'y en a jamais eu, ce qui nécessiterait en plus la modification des frontières serbes. Reconnaitre un Kosovo indépendant malgré son inexistence historique ouvrirait en plus le débat à l'indépendance de nombreuses autres régions n'ayant jamais été indépendantes et jusque là, jamais reconnues à l'international comme, par exemple, la Kabylie en Algérie.

Deuxièmement, en vertu de la résolution 1244 du conseil de sécurité des Nations unies, le Kosovo demeure une province de la Serbie et tant que le conseil de sécurité ne modifie ou n'annule pas cette résolution, le Kosovo ne peut et ne doit pas être reconnu comme un État indépendant puisque cela exposerait au grand jour une indifférence totale des nombreux pays par rapport au droit international et remettrait en cause les fondements mêmes des accords entre États. En effet, les décisions du conseil de sécurité devraient théoriquement toujours être appliquées et respectées, car si elles se trouvaient modifiées ou ignorées au gré des envies de tous et chacun, alors le conseil de sécurité n'aurait plus de raison d'être et l'ONU se retrouverait discréditée. En 2008, le gouvernement sri lankais, opposé à l'indépendance du Kosovo, aurait notamment justifié sa position en invoquant l'irrespect de la loi internationale qui, étant bafouée, viendrait modifier «la conduite des relations internationales et de l'ordre mondial établi des États souverains.»

Un appui majoritaire

D'un autre côté, une majorité de 111 pays membres de l'ONU reconnaissent l'indépendance du Kosovo, dont les États-Unis, la France, l'Albanie, la Grande-Bretagne et bien d'autres, et ce nombre ne cesse de grossir avec de nouvelles additions presque chaque année. Comment expliquer la position de ces pays malgré les importants arguments s'y opposant mentionnés ci-haut? Évidemment, l'un des premiers arguments invoqués par ces États est qu'en 2010, comme la Cour Internationale de Justice a reconnu la déclaration d'indépendance du Kosovo comme légale, celle-ci l'est et ainsi, digne de considération et de reconnaissance.

Deuxièmement, comme ce fut le cas avec la création d'Israël suite à la Shoah et à celle du Libéria suite à la période d'esclavagisme aux États-Unis, plusieurs États semblent éprouver de la compassion à l'égard des Albanais Kosovars qui perdirent près de 10 000 des leurs en moins de 2 ans lors d'une campagne de nettoyage ethnique et d'une guerre civile meurtrière et semblent prêts à redessiner les frontières des Balkans pour leur cause. C'est évidemment le cas de l'Albanie, solidaire à la cause des Albanais Kosovars qui partagent la même culture. Le ministre des affaires étrangères irlandais, Dermot Ahern, aurait ainsi déclaré en 2008 que «la Serbie a perdu le Kosovo à travers ses propres actions dans les années 90 [...] L'héritage amer du massacre de milliers de civils au Kosovo et la purification ethnique de bien plus ont effectivement ruiné toute chance de restauration de la souveraineté serbe au Kosovo.»

Troisièmement, beaucoup de pays du Moyen-Orient ou du nord de l'Afrique comme la Turquie, la Jordanie, le Sénégal et le Djibouti semblent appuyer l'indépendance kosovare par solidarité religieuse. En effet, même si le Kosovo est officiellement laïque, près de 95% de sa population est de confession musulmane et il ne faut pas oublier que la guerre du Kosovo opposant Albanais et Serbes opposait également musulmans et chrétiens, ce qui peut pousser certains États du monde arabe à vouloir appuyer la cause de leurs confrères musulmans.

Quatrièmement, plusieurs pays semblent appuyer l'indépendance du Kosovo simplement par souci de ne pas froisser leurs alliés économiques ou militaires. Ceci serait notamment le cas avec tous les pays du G7 et avec 23 des 28 États membres de l'Union européenne, tous d'importants alliés économiques, soutenant l'indépendance du Kosovo.

Vivianne Landry, étudiante au baccalauréat international en histoire, Collège Jean-de-Brébeuf

Le texte avec ses références ainsi que d'autres billets sur monde68.brebeuf.qc.ca

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