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Hommage à un ami disparu, Claude Miller

m'a bouleversée parce que c'est un sujet universel. L'amour perdu, la fatigue d'une vie, le désir envolé. J'aime ce grand film qui nous prouve que Claude est et restera un immense réalisateur, attentif aux autres.
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Voyez comme ils dansent est inspiré de La petite fille de Menno de Roy Parvin.

Une vidéaste française, Lise (Marina Hands), traverse en train le Canada d'est en ouest, sous la neige. Ce voyage l'amène à rencontrer la dernière compagne de son ex-mari, showman connu internationalement, aujourd'hui disparu.Chacune des deux femmes va essayer de comprendre comment «l'homme de sa vie» a aimé et vécu avec l'autre. Voyez comme ils dansent...

Le sujet est prometteur, car il offre au regard l'immensité de la traversée du Canada, et l'immobilisme du voyage qui ramène les souvenirs perdus. Dans la vie, le flash-back n'existe pas, il n'y a qu'au cinéma qu'on peut revoir défiler des moments fragmentés de notre vie.

Voyez comme ils dansent représente plus qu'une belle histoire parce que Claude Miller voulait que ce soit un film français, mais qu'il soit tourné en décors naturels, sur le territoire canadien, avec des acteurs d'ici. C'est son avant-dernier film. Il nous a quittés en avril 2012.

Le film

Au centre, il y a cet homme, Vic (James Thierrée). Acteur, danseur, acrobate musicien, Vic est un artiste complet adulé par le public, mais un homme brisé en manque d'inspiration, souvent capricieux et cynique, qui n'arrive pas à parler de son passé et s'angoisse constamment pour son avenir. Deux femmes ont aimé passionnément cet homme. Une d'entre elles, Lise (Marina Hands), qui fut mariée à Vic, entreprend un voyage en train à travers le Canada pour préparer un documentaire. Un camion renversé sur la voie à cause de la tempête de neige va changer le destin de Lise. Immobilisée à Gatchell, un village perdu dans l'immensité canadienne, Lise réalise avec angoisse que son mari y a vécu après leur séparation, loin de tout, avec sa nouvelle femme, Alex (Maya Sansa).

Épuisée par le voyage, le froid et la grippe, Lise appelle Alex, qui l'hébergera durant la longue immobilisation du train. Juste le temps qu'il faudra aux deux femmes, très différentes l'une de l'autre, pour qu'elles soient capables d'évoquer le souvenir de l'homme qu'elles ont aimé chacune à leur manière, et qu'il a lui-même aimé aussi apparemment de façon très différente.

Cette rencontre fortuite n'est cependant pas innocente: qui a compté le plus pour Vic? La première, sa femme Lise qui a construit et partagé son succès? Ou Alex, la femme médecin qui l'a aidé à sortir de son désespoir? Aucune des deux sans doute puisque Vic, ou Clément comme l'appelle Alex, a disparu...

La confrontation de deux femmes qui ont aimé et vécu avec le même homme ne s'additionne pas. Ce n'est peut-être même pas un hasard si Lise a choisi ce projet de voyage?

La mise en scène

La traversée à bord du train est magnifiquement filmée par le directeur photo de Claude Miller et son compagnon de route, Gérard de Battista, qui ont choisi des lumières contrastées, des plans du train qui s'entremêlent, extérieurs et intérieurs. Pour une fois Claude a eu l'audace de filmer autrement, abandonnant les gros plans à ses acteurs, privilégiant l'espace. Le montage de Véronique Lange est en symbiose avec le ton de cette histoire, la couleur et la musique soulevant l'émotion à son paroxysme lors d'une scène spectaculaire quand Vic se balance sur un fil et parvient jusqu'au parterre pour invectiver brutalement, devant le public, son père (Aubert Pallascio) figé dans sa stupeur.

Il n'est pas étonnant que Miller ait dit à sa monteuse: «Lâchez-vous, il faut que ce soit comme de la musique; ce sont des douleurs partagées qui traversent le temps et l'espace, le cinéma permet ces collages émotionnels, ces évocations, les flashs de conscience.» Il disait aussi: «C'est le montage dont je suis le plus fier parce que j'ai pu approcher un peu des choses qui sont pour moi purement cinématographiques.»

Voyez comme ils dansent m'a bouleversée parce que c'est un sujet universel. L'amour perdu, la fatigue d'une vie, le désir envolé. Ce film restera dans la mémoire collective. Tous ceux qui y ont participé l'ont fait avec respect et amour. J'aime ce grand film qui nous prouve que Claude est et restera un immense réalisateur, attentif aux autres. Sa disparition ne nous empêchera pas de l'aimer à jamais.

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