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Une coopération entre les États-Unis et l'Iran peut stopper l'État Islamique en Irak

Aujourd'hui, l'Iran est le pays le plus stable de la région et son isolement est intenable pour le développement économique et sécuritaire du Moyen-Orient.
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L'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne (5+1) se sont mis d'accord pour prolonger de quatre mois (jusqu'au 24 novembre) les négociations sur le dossier du nucléaire. L'Iran recevra 2.8 milliards de dollars de ses fonds bloqués en échange de la conversion de son uranium enrichi à 20% en oxyde servant à fabriquer du combustible destiné au réacteur de recherche civil de Téhéran.

Sur les questions de sécurité régionale, les récents développements en Irak ne s'inviteront pas sur la table des négociations entre l'Iran et les puissances mondiales (comme prévu dès le départ). En revanche, les récentes avancées de l'État islamique (d'Irak et d'al-Sham) sont un nouveau signe qui montre qu'il est urgent que les puissances mondiales et l'Iran trouvent un accord le plus rapidement possible. Les priorités sont claires pour chaque camp:

  1. Sortir de la crise du nucléaire iranien. Les enjeux sont la levée des sanctions contre l'Iran en échange de garanties que le programme nucléaire de Téhéran soit à des fins uniquement civiles.
  2. Travailler sur les questions de sécurité régionale et de contre-terrorisme dans le Moyen-Orient. La possibilité de discussion en parallèle du nucléaire entre Washington et Téhéran n'est cependant pas à exclure.

Sur le plan géostratégique, la levée des sanctions sortira l'Iran d'un isolement qui va à l'encontre des forces géopolitiques de la région. Ces 35 dernières années, Washington et Téhéran ont avancé leurs intérêts dans la région sur leurs différences. Aujourd'hui, l'Iran est le pays le plus stable de la région et son isolement est intenable pour le développement économique et sécuritaire du Moyen-Orient. Les dernières évolutions en Irak, en Afghanistan et au Pakistan ainsi que la potentielle fin d'une décennie d'impasse sur le dossier du nucléaire offrent désormais la possibilité à Washington et à Téhéran de travailler sur leurs intérêts et ennemis communs.

Les forces sunnites radicales en Irak et en Syrie (takfiri) représentent une menace commune à l'intérêt de sécurité nationale de Téhéran et Washington. Ces groupes menacent également de déstabiliser l'Arabie Saoudite, la Turquie, la Jordanie, le Koweït et le Liban. Ils profitent de l'instabilité politique et de l'effritement des frontières des États-nations : plus les frontières s'effritent, plus ils gagnent du terrain (et des Européens viennent maintenant grandir leur rang).

Préserver l'intégrité de l'Irak est une autre priorité. La désintégration de l'Irak est une menace à la fois pour l'Iran et les États-Unis. Elle entraînerait également un débordement chez les pays voisins et l'intensité de l'instabilité régionale serait alors totalement hors de contrôle. Les Kurdes d'Irak et le gouvernement central ont intérêt à se focaliser sur l'ennemi commun: l'État islamique. Par la suite, construire une gouvernance laissant plus d'espace aux minorités irakiennes est un domaine sur lequel Téhéran, Washington et Riyad devraient s'accorder afin que l'Irak ne devienne pas un état failli. L'Iran possède une influence importante et des renseignements en Irak dont Washington pourrait avoir besoin pour atteindre les objectifs de stabilisation du pays. Paradoxalement, aucune coopération pour préserver la stabilité de la Syrie n'est envisageable pour le moment.

Préserver le passage du pétrole dans le marché mondial rapproche également les Etats de la région. L'État islamique a fini par prendre le contrôle de champs pétrolifères se situant au niveau de la frontière irako-syrienne. L'incapacité de Bagdad à exporter pleinement son pétrole créée une instabilité sur le marché mondial du pétrole. Une stabilisation politique et la défaite de l'État islamique (qui gagne en puissance grâce à la manne financière du pétrole) représentent donc un intérêt commun entre les puissances mondiales et l'Iran.

Les talibans en Afghanistan sont un autre exemple d'ennemi commun. La coopération entre Washington et Téhéran est possible puisqu'elle a déjà eu lieu après les attentats du 11 septembre 2001. Les deux ennemis jurés avaient alors fait preuve de pragmatisme et l'Iran avait partagé des renseignements capitaux pour informer les Américains où frapper. Cette coopération fut brutalement interrompue le 29 janvier 2002 lorsque Georges Bush inclut l'Iran dans les pays de ce qu'il appela l'"axe du Mal". Téhéran fut choqué et ce fut un coup dur pour le camp réformateur du président Mohammad Khatami.

Cependant, il n'existe pour le moment aucun mécanisme régional de sécurité pour combattre ces groupes islamistes radicaux sur le long terme. Par conséquent, Washington et l'Iran doivent se libérer de la crise du nucléaire afin de favoriser les fondements d'un tel mécanisme qui devra inclure l'Arabie Saoudite, la Turquie et la Russie.

Alors qu'il sera plus compliqué pour les jihadistes de traverser les frontières de l'Iran pour établir le califat qu'ils souhaitent mettre en place, l'Arabie Saoudite a de sérieuses raisons de s'inquiéter. Le roi Abdallah vieillissant, la stabilité politique de l'Arabie Saoudite après son départ reste une grande inconnue. Il est donc urgent de mettre en place une coopération régionale d'autant plus que Téhéran et Riyad (principales puissances rivales du Moyen-Orient) ont affiché une volonté de dialoguer.

Une configuration unique favorisant la coopération :

L'urgence s'accompagne d'une configuration politique rare créant un espace politique pour le succès de la diplomatie, voire de la coopération sur le plan régional. En effet, le président Obama à la Maison-Blanche, John Kerry à Foggy Bottom et Chuck Hegel au Pentagon affichent une volonté politique permettant d'affronter un Congrès en grande partie hostile à la diplomatie.

Du côté iranien, le modéré Hassan Rouhani bénéficie d'un mandat populaire puissant en faveur de l'engagement avec l'Occident et du soutien du sceptique Guide suprême Ali Khamenei pour sortir de la crise. De plus, le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif, le directeur de l'Agence de l'énergie atomique Akbar Salehi (tous deux éduqués aux États-Unis) et le Secrétaire du Conseil Suprême de Sécurité nationale (l'équivalent de la NSC américaine) Ali Shamkhani sont tous des éléments clés favorisant le dialogue et le compromis. Le parlement est quant à lui majoritairement conservateur et l'échec des négociations sur le nucléaire leur offrirait un boulevard pour disqualifier les modérés lors des prochaines élections parlementaires.

Le succès de la négociation sur le nucléaire iranien représente un tournant majeur. Il ne faut pas passer à côté de cette chance historique de sceller un accord. L'échec présenterait une alternative désastreuse pour la région: le retour de l'escalade des tensions avec des sanctions et le recours à la force d'un côté contre des avancées du programme nucléaire sans le contrôle souhaité par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de l'autre.

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