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Nucléaire iranien: pas d'échec de la diplomatie tant que la diplomatie n'a pas échoué

Un an après l'accord historique de Genève, l'Iran et les 5+1 (cinq membres du conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) ont manqué de temps pour signer l'accord complet visant à résoudre la crise du nucléaire iranien.
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Un an après l'accord historique de Genève, l'Iran et les 5+1 (cinq membres du conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) ont manqué de temps pour signer l'accord complet visant à résoudre la crise du nucléaire iranien. En revanche, les deux partis estiment qu'assez de progrès ont été effectués pour se mettre d'accord sur un cadre politique pour le 1er mars 2015, et signer un accord complet pour le 30 juin 2015. Les négociations reprendront quant à elles dès le mois décembre.

L'accord politique définira le cadre dans lequel l'Iran et les 5+1 mettront en place la levée totale des sanctions contre l'Iran en échange d'une réduction de la taille de son programme nucléaire ainsi que d'une mise en place des moyens de transparences et de vérifications de celui-ci. Le ministre des Affaires étrangères iranien Javad Zarif a expliqué que quelques semaines seraient suffisantes pour s'accorder sur le cadre politique et il a exprimé la possibilité de régler les détails avant même la fin des sept mois de prolongation.

La diplomatie reste donc la voie choisie pour mettre fin à cette crise, et c'est une bonne nouvelle. En effet, l'alternative serait un retour au bras de fer qui mêlent sanctions d'un côté contre la progression du programme nucléaire de l'Iran de l'autre, le tout avec très peu de visibilité de la part des inspecteurs de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), voir même leur expulsion. La fin du processus diplomatique remettrait en place ce dangereux processus d'escalade des tensions qui menaçait il y a encore peu à un risque de confrontation militaire: une issue perdant-perdant.

En revanche, la continuité du processus diplomatique - bien que décevante pour ceux qui espéraient tant un accord qui serait considéré comme la plus grande victoire de politique étrangère de la présidence de Barack Obama - permet de maintenir les progrès achevés depuis un an. L'AIEA vient de révéler dans son dernier rapport que l'Iran tient ses engagements signés l'an dernier et les États-Unis ont suspendu la mise en place de nouvelles sanctions. Pour le moment, les gouvernements des 5+1 et l'Iran sont dans une situation gagnant-gagnant.

Bien sûr, il est encore difficile pour les Iraniens qui sont les premières victimes des sanctions de percevoir en quoi une prolongation des négociations est une issue gagnant-gagnant puisque leur quotidien reste toujours aussi difficile. Mais c'est pourtant bénéfique pour plusieurs raisons:

Premièrement, les deux partis continuent d'échanger. L'échange permet de mieux comprendre les inquiétudes du parti adverse et aide à trouver des solutions de plus en plus réalisables. Les compromis se font à partir de cette communication et de cette compréhension. Les idées neuves ont été apportées sur la table des négociations et chaque camp repart avec des propositions de plus en plus acceptables qu'ils devront à terme vendre à leur peuple, mais également à leurs adversaires politiques. Sur ce plan, l'Iran considère comme une victoire la reconnaissance de son droit à l'enrichissement d'uranium sur son sol. Les 5+1 quant à eux considèrent le plafonnement du programme nucléaire iranien comme une assurance - qu'il faudra compléter avec la signature de l'accord final - que Téhéran n'aura pas la capacité de construire une arme nucléaire.

Deuxièmement, les deux partis négocient désormais sur des bases de respect mutuel et sur un pied d'égalité. Plus important encore, l'atmosphère qui émane des pourparlers de Vienne montre que chaque camp ne cherche plus un jeu à somme nulle. En effet, chaque camp s'est mis d'accord sur le principe qu'il ne peut y avoir de vainqueur aux dépens de l'autre parti, et que l'accord final sera une solution ou chacun pourra défendre ses intérêts. Tout ceci démontre bien la forte volonté politique présente de chaque côté et elle sera nécessaire pour faire face aux groupes de pression autour du Congrès à Washington, le gouvernement israélien, le royaume d'Arabie saoudite et les opposants d'Hassan Rouhani qui s'opposent à cet accord. Il est désormais temps pour les 5+1 et le gouvernement de Rouhani de vendre ces avancées et cette perspective d'accord final à leurs capitales respectives.

Les destins d'Obama, Rouhani et de ceux qui défendent la voie de la diplomatie contre la voie de l'escalade des tensions se retrouvent liés. Les principaux sénateurs américains qui s'opposent à la diplomatie pressent déjà pour de nouvelles sanctions. Ces sanctions rompraient l'accord intérimaire et mettraient un terme aux avancées accomplies par la diplomatie. Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu - seul pays possédant des armes nucléaires dans le Moyen-Orient et par conséquent instigateur de la prolifération d'armes nucléaires dans cette région - continue d'exiger le total démantèlement des activités nucléaires de l'Iran et davantage de sanctions, s'éloignant ainsi du réalisme apporté par les négociations.

Enfin, la prolongation des négociations signifie que la voie de la diplomatie et de l'engagement avec l'Occident prônée par Rouhani - programme qui l'a en partie fait remporter l'élection présidentielle de juin 2013 dès le premier tour avec 51.7% - n'est pas un échec. Bien qu'il existe un consensus fort en Iran autour de la question du droit à l'enrichissement du nucléaire, le temps presse, car son électorat attend une levée des sanctions et une normalisation des relations avec l'Occident. Un échec de la négociation - pourtant soutenu par le sceptique Guide Suprême Ali Khamenei - sera une lourde défaite politique pour le camp des modérés iraniens. Cela serait de mauvais augure pour les prochaines élections législatives de 2016 qu'il est primordial pour Rouhani de remporter afin de faire passer les réformes sociales et économiques de son programme (davantage d'ouverture au monde, accès à l'internet haut débit partout dans le pays et sans filtre, réformes sur les droits des femmes, droits de l'homme et de la presse, réformes des universités, etc.).

Les pourparlers de Vienne n'ont certes pas apporté l'accord tant attendu, mais la décision collective de l'Iran et des 5+1 de prolonger les discussions est la seule voie pacifique disponible afin de régler ce conflit. Il n'existe pas d'alternative et il faut profiter de cet élan et de cette atmosphère positive pour régler une crise qui déverrouillera des solutions politiques aux autres crises de sécurité régionale.

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