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Accord nucléaire iranien: dialogue et compromis l'emportent sur pressions et menaces

Selon le discours politique général, l'escalade des tensions a mené aux avancées sans précédent dans le dossier du nucléaire iranien. En réalité, la puissante volonté politique de trouver un compromis a permis à la fois aux Iraniens de comprendre les inquiétudes mondiales, et aux puissances mondiales d'être conscientes des attentes des Iraniens.
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Que ce soit en Iran ou dans les capitales occidentales, le discours politique affirme que l'escalade des tensions a mené aux avancées sans précédent dans le dossier du nucléaire iranien. En réalité, c'est bien la puissante volonté politique de trouver un compromis pour sortir de l'impasse qui a permis à la fois aux Iraniens de comprendre les inquiétudes des puissances mondiales, et inversement, aux puissances mondiales d'être bien conscientes des attentes des Iraniens. Parmi les éléments clés qui ont permis ces avancées figure la communication directe.

Le dernier round de négociation à Vienne entre l'Iran et les 5+1 (cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et l'Allemagne) a montré qu'il reste des écarts importants à résoudre. Les diplomates iraniens et occidentaux ont exprimé en des termes vagues les difficultés de cette rencontre (sans rentrer dans les détails pour ne pas que les parlementaires américains, iraniens ou encore les Israéliens compromettent les négociations). Pour autant, les diplomates restent optimistes et espèrent rédiger les termes d'un accord complet pour le 20 juillet 2014 (date butoir prévue par les parties prenantes).

La bonne nouvelle est que la volonté politique de résoudre la question du nucléaire iranien est forte de chaque côté. Depuis quelques mois (et surtout depuis la victoire d'Hassan Rouhani) Téhéran et Washington ont investi un capital politique sans précédent depuis la révolution islamique de 1979 pour travailler ensemble et résoudre cette crise intenable pour les intérêts de chacun.

En effet, le président Rouhani a obtenu un mandat populaire important (51,7% des votes au premier tour avec un taux de participation de près de 73%) pour résoudre la crise économique que subissent près de 80 millions d'Iraniens. La priorité pour son gouvernement est de résoudre la crise du nucléaire, et pour cela il a mis en place une stratégie qui pour le moment s'avère efficace.

L'un des gestes forts fut la nomination du ministre des Affaires étrangères Javad Zarif. Éduqué et ayant passé la moitié de sa vie aux États-Unis, il est un élément majeur de la réussite des négociations (à noter que le gouvernement de Rouhani possède plus de ministres ayant un doctorat aux États-Unis que l'administration Obama!)

La communication est donc différente et plus efficace, car les deux partis gagnent un temps incroyable. Ils communiquent désormais directement en anglais, mais plus important encore ils se comprennent et réduisent les écarts de point de vue. La chef des négociations américaine, la sous-secrétaire d'État Wendy Sherman, explique même qu'elle oublie parfois qu'elle s'adresse à un Iranien (voir #TwitterDiplomacy sur NBC News).

L'élément clé est donc la communication directe, chose qui fut inexistante ces 35 dernières années (excepté après les attaques du 11-Septembre où les États-Unis et l'Iran ont coopéré sur l'Afghanistan jusqu'à ce que George W. Bush cesse brutalement cette communication directe en positionnant l'Iran dans l'axe du Mal quelques semaines plus tard). Sur le plan politique, le crédit revient aux présidents Obama et Rouhani pour avoir pris le risque politique d'engager une conversation téléphonique historique lors de la visite de Rouhani aux Nations unies.

Les deux présidents ont ainsi augmenté considérablement les enjeux. Depuis cette conversation téléphonique, ils se sont impliqués directement, car ils se sont approprié le destin de la crise. Le succès ou l'échec des négociations sera désormais le leur, à titre personnel. N'ayant plus le choix, le résultat leur appartiendra et l'histoire s'en souviendra.

La conversation entre les deux présidents a brisé un tabou. Communiquer directement avec les officiels iraniens fait désormais partie du quotidien, chose inimaginable l'année dernière encore. Les diplomates s'échangent des courriels et autres messages en cas de problème.

Du côté français, une poignée de main avec Mahmoud Ahmadinejad était impensable. L'élection de Rouhani a dépolitisé la situation et a rendu possible la rencontre bilatérale avec François Hollande. Les choses ont depuis évolué puisque les entreprises françaises (pas seulement) et les parlementaires se déplacent régulièrement afin de se positionner sur le marché iranien que chacun souhaite voir s'ouvrir en cas de levée des sanctions qui empêchent encore la grande majorité des transactions financières.

Le discours politique de chaque camp sert principalement à satisfaire les besoins de politiques intérieures des différents partis et justifier les actions engagées ces dernières années. Les Européens et les Américains laissent entendre que ce sont la fermeté et les sanctions paralysantes mêlées aux menaces d'utilisation de la force militaire (avec la fameuse expression «toutes les options sont sur la table, force militaire incluse») qui ont amené les Iraniens à la table des négociations. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui disent que les sanctions ont entraîné l'élection de Rouhani. Ceci est un mythe qui ne prend pas en considération la réalité des dynamiques en Iran. En effet, ne pas céder sur le nucléaire est une politique populaire chez les Iraniens qui se sentent souvent victimes de deux poids deux mesures.

Trita Parsi, président du National Iranian American Council et auteur des deux ouvrages sur les négociations sur le nucléaire explique que «le fait que les factions pragmatiques au sein du gouvernement iranien aient offert à plusieurs reprises à l'Occident des propositions plus attrayantes sur le nucléaire -avant les sanctions paralysantes imposées par Obama- ébranle fondamentalement la notion que les sanctions étaient nécessaires pour trouver un accord [l'accord intermédiaire du 23 novembre 2013 à Genève]»

Les Iraniens (principalement les partisans de la ligne dure qui bénéficieraient politiquement de l'échec du gouvernement modéré de Rouhani) utilisent également la façade du discours politique pour affirmer que 19 000 centrifugeuses et des stocks d'uranium enrichi toujours plus importants ont fait plier les Américains et que «l'économie de résistance» est le résultat du compromis actuel.

La réalité est que le jeu de la corde raide était intenable, car si celle-ci cassait, la seule option restante était la confrontation militaire que personne ne voulait à cause de ses conséquences catastrophiques. Ces derniers mois montrent que la modération, l'apaisement et l'engagement direct ont été plus productifs que dix années de menaces et de bras de fer.

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