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Accord entre l'Iran et les puissances mondiales: le dossier du nucléaire «pour les nuls»

Chaque camp présente cet accord comme une victoire. Le courage politique d'Obama et Rouhani est à saluer, car ils font face à des pressions énormes de la part de leurs parlementaires partisans de la ligne dure.
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2h55, dimanche 24 novembre 2013, Michael Mann, porte-parole de la Haute Représentante de la diplomatie européenne Catherine Ashton tweete : "nous avons conclu un accord entre l'UE 3+3 et l'Iran".

3h03, le ministre des Affaires étrangères iranien Javad Zarif tweete à son tour la nouvelle qui est retweetée plus de 2000 fois en l'espace de 20 minutes ! Et plus de 3500 fois après 3h. Cet accord est historique. Il représente un pas majeur après 10 ans d'impasse dans les négociations.

L'accord se présente en trois phases : 1) mesures initiales, 2) les objectifs et 3) la phase finale. La clé de cet accord est la base du respect mutuel et la coopération.

Le dossier du nucléaire: les clés pour comprendre

L'Iran a signé le TNP (Traité de Non-Prolifération nucléaire) et s'est donc engagé à ne pas avoir d'arme nucléaire, ni même obtenir le matériel pour avoir les moyens de l'obtenir (par des états ou autres entités (Art. II du TNP). Ceci n'empêche en rien la production de son industrie nucléaire civile.

La position de l'Iran est qu'il est "haram" (un péché capital) d'avoir l'arme nucléaire et que c'est un danger pour l'humanité. L'Iran dément donc les accusations d'objectif militaire de son programme et met en avant l'article IV du TNP. Cet article donne le "droit inaliénable" à chaque signataire de produire de l'énergie atomique civile.

Cependant, les puissances du 5+1 (membres permanents de Conseil de Sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) ont des doutes quant à la nature du programme. Est-ce à des fins civiles ou militaires? Ils estiment (et disent avoir des preuves) que l'Iran n'est pas en conformité avec l'article II du TNP (obtention de moyen d'accéder à la technologie nucléaire militaire -- en l'occurrence par le biais d'un réseau mafieux issu du Pakistan). Ils ne veulent pas donc pas avoir à faire confiance à l'Iran, mais obtenir une transparence totale du programme nucléaire.

En résumé, l'Iran se positionne sur l'article IV du TNP ("droit inaliénable" d'enrichir de l'uranium). Les 5+1 (surtout UE et USA) se positionnent sur l'article II et demandent que l'Iran signe à nouveau le Protocole additionnel du TNP pour renforcer les moyens de vérifications et de transparences sur les installations nucléaires iraniennes. Ce Protocole additionnel permettrait d'être certain quant à la nature du programme de Téhéran (il doit être approuvé par le Parlement iranien (Majles).

De son côté, l'Iran n'accepte pas d'être marginalisé et de se soumettre aux exigences des grandes puissances qui demandent que Téhéran soit davantage sous tutelle des inspecteurs de l'ONU que quiconque. Ce qui explique que la reconnaissance au droit à l'enrichissement de l'uranium sur son sol est une ligne rouge pour Téhéran.

Par ailleurs, 34 années d'inimitiés entre l'Iran et l'Occident n'aident pas. Les Iraniens accusent Israël d'avoir assassiné les quatre ingénieurs nucléaires entre 2010 et 2012. L'Iran a été victimes de sabotages et d'espionnage de leurs centrales nucléaires (virus Stuxnex--attaques cybers-- qui a permis aux États-Unis d'avoir des renseignements sur le programme nucléaire, et même de le saboter).

La liste qui justifie les méfiances des deux côtés est longue. Il faut désormais trouver un compromis, un accord pour mettre fin à une impasse qui perturbe l'équilibre géopolitique de la région. En effet, depuis 2005, l'Iran -- sous la présidence d'Ahmadinejad - et l'Occident - avec Bush à la Maison Blanche -- sont entrés dans une escalade des tensions qui se résume par : plus de sanctions paralysantes d'un côté, plus de capacité d'enrichissement de l'uranium de l'autre. Ce jeu de la corde raide devenait extrêmement dangereux, car aucun parti ne cédait sur ces positions.

L'arrivée du président Hassan Rouhani a renversé la donne. Élu massivement pour son programme de modération et d'engagement avec l'Occident (ce qui caractérise sa personnalité et son bilan en tant que chef négociateur du nucléaire de 2003 à 2005 sous le président réformateur Mohammad Khatami, période où les négociations étaient constructives), l'espace politique s'est à nouveau ouvert, d'autant plus que Barack Obama a également élu en 2008 avec la promesse d'engager l'Iran. Ceci avait été rendu très difficile après la répression du mouvement vert en 2009.

En somme, la patience, l'endurance et la voix du peuple iranien qui a opté pour la modération et l'engagement sont devenues le meilleur allié géopolitique de l'Occident pour parvenir à ce réchauffement diplomatique qui pourra par la suite lancer le long processus de stabilisation du Moyen-Orient (l'Iran ayant une position géostratégique centrale dans la région).

L'accord signé à Genève

Le droit à l'enrichissement de l'uranium de l'Iran est reconnu (il avait été suspendu par plusieurs résolutions du Conseil de Nations-Unis). Cependant, Téhéran peut enrichir à hauteur de 5%, pas plus. La République islamique a depuis des années acquis le savoir pour enrichir son uranium à 20% et elle a emmagasiné des stocks de plus en plus importants (sachant qu'il faut enrichir à hauteur de 90% pour obtenir la capacité de s'en servir à des fins miliaires).

L'Iran s'est engagé à convertir l'intégralité de ses stocks d'uranium enrichi à 20% dans les six mois à venir. Enfin, l'Iran a fait le compromis de cesser la progression de ses installations et de permettre une transparence maximale sur son programme.

En retour, il n'y aura pas de nouvelles sanctions. L'Iran, en plus de son droit à l'enrichissement, bénéficiera d'une levée des sanctions sur le secteur pétrochimique, les transactions d'or et autres métaux précieux. En plus de cela, Téhéran pourra récupérer 4 à 7 milliards de dollars d'avoirs gelés dans les banques américaines (sur environ 50 milliards au total).

Chaque camp présente cet accord comme une victoire. Le courage politique d'Obama et Rouhani est a saluer, car ils font face à des pressions énormes de la part de leurs parlementaires partisans de la ligne dure respective.

Cet accord, qui est réversible et qui peut s'annuler en cas de manquement d'un des deux camps, est une victoire des modérés de chaque camp. Rien n'est terminé, les pressions risquent de s'accentuer avec le temps, et il en va de l'intérêt de chacun que les deux partis respectent l'accord.

C'est un grand jour pour les Iraniens qui vivent depuis des années sous le régime de sanctions le plus violent de l'histoire et qui, pour beaucoup d'entre eux, ont passé une nuit blanche pour suivre les négociations. Un nouvel horizon se dessine. Pas seulement pour eux, mais pour l'ensemble de la région, car une détente et une normalisation progressive du poids lourd naturel régional qu'est l'Iran représente un espoir pour la résolution d'autres crises chez ses voisins (l'Irak, l'Afghanistan, Bahreïn, la Syrie ou encore le Yémen). "En France, comme l'exprime le Sénatrice Nathalie Goulet, chacun doit mesurer les nouveaux paramètres pour la région."

Enfin, il faut noter que d'autres gouvernements qui estiment bénéficier du statu quo actuel, à savoir le gouvernement Netanyahou en Israël et le pouvoir saoudien, vont continuer d'exercer une pression maximale sur les forces modérées afin de décrédibiliser tout accord avec l'Iran.

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