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Fonte irréversible de l'Antarctique: ne soyons pas politiquement naïfs!

Les mauvaises nouvelles s'accumulent en Arctique comme en Antarctique. La dernière en date: il serait désormais certain que la fonte des glaces en Antarctique Occidentale soit irréversible.
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Les mauvaises nouvelles s'accumulent en Arctique comme en Antarctique. La dernière en date: il serait désormais certain que la fonte des glaces en Antarctique Occidentale soit irréversible.

Telle est la conclusion d'une étude menée par des chercheurs de la Nasa et de l'université de Californie-Irvine parue dans la revue Geophysical Research Letters. Concomitamment, des chercheurs de l'université de Washington sont parvenus à la même conclusion. Pour ces-derniers, la fonte des glaciers de l'Antarctique Ouest pourrait prendre de 200 à 1000 ans, selon des conclusions qui seront publiées ce vendredi 16 mai 2014. Si les conséquences climatiques de ce sombre avenir ne font aucun doute et sont largement reprises, à quelles conséquences politiques et sécuritaires faut-il s'attendre?

L'impact économique sera bien mondial

Qui dit fonte massive des glaciers polaires dit élévation globale du niveau de la mer. Selon l'étude de l'université de Washington à paraître, la fonte du glacier de Thwaites fera à lui seul monter le niveau des mers de 60 centimètres en l'espace de quelques siècles. Ce glacier va contribuer "de moins d'un millimètre à l'augmentation du niveau des mers par an pendant 100 ou 200 ans, et après, "boum!", précise Ian Joughin, le principal auteur de l'étude. La glace restante disparaîtrait alors en seulement quelques dizaines d'années.

En totalité, l'on parle ici d'une montée globale des eaux entre 3 et 4,5 mètres. Cette montée des eaux serait fatale pour plusieurs nations insulaires localisées face à l'Antarctique Occidentale. Les îles Maldives, Tonga, Cook - n'ayant pas la chance qu'un continent se dresse entre l'Antarctique et leurs archipels à nu - seraient possiblement rayées de la carte. Par ailleurs, des bassins de population vivant sous le niveau de mer comme le Bangladesh fourniraient plus de 250 millions d'émigrés climatiques à gérer à la communauté internationale, pour un coût humain et économique sans précédent.

L'impact direct sur la croissance des nations industrialisées sera également important. Les pays comme les Pays-Bas, Hong Kong ou encore le Japon qui ont eu un recours massif aux polders -ces terres artificielles gagnées à la mer où sont installées de nombreuses infrastructures portuaires et aéroportuaires- seraient les premières victimes économiques d'une telle montée des eaux. Pis, la perspective d'une paralysie du port de Rotterdam (premier port d'Europe), ou de l'aéroport international de Hong Kong (première plateforme de fret aérien au monde), sonne comme une perspective cataclysmique pour l'économie mondiale. Dans cette perspective, puisque la fonte de l'Antarctique occidentale est supposée "irréversible", que faire pour limiter les dégâts en Antarctique et ailleurs?

Certains pensent pouvoir y gagner!

S'il est possible de se préparer à cette montée des eaux pour étaler l'effort d'adaptation, préventivement, sur plusieurs décennies et générations, encore faut-il prendre toute la mesure des enjeux. La géopolitique des risques hydriques ne se limite pas à la question d'une sécheresse accrue en Afrique, au Moyen-Orient ou en Californie comme on le dépeint bien trop souvent!

Comme le démontre le spécialiste des conflits hydriques Franck Galland, dans son dernier ouvrage Le Grand Jeu. Chroniques géopolitiques de l'eau, il est impératif de mettre concrètement en oeuvre les principes d'une "hydro-diplomatie". En effet, si l'action conjuguée du manque d'eau douce et de la montée globale du niveau de la mer sont des sources majeures de conflit, la gestion de l'eau à l'échelle mondiale pourrait également être un générateur de paix et de stabilité.

Toutefois, certains auraient potentiellement à y gagner, et d'abord en Antarctique. Faisons un pas de côté pour mieux nous projeter: si nous Européens nous attardons sur l'Antarctique qui fond, certains y voient plutôt un continent qui se dévoile.

Au Moyen-Orient, la fonte des glaciers antarctiques -comme celle des glaces arctiques- est souvent vue comme la chance de remorquer des blocs d'eau douce venant en complément des usines de dessalement d'eau de mer. En effet, certains émirats émettent des signaux d'intérêt tant commerciaux que politiques pour les pôles. Allant crescendo depuis la fin des années 2000, l'on y finance l'envoi de jeunes chercheurs dans les pôles et le développement de projets commerciaux touchant à des applications de remorquage d'icebergs et de bioprospection. Surtout, trois émirats étudient actuellement la question de contribuer à la gouvernance de l'Antarctique en devenant partie non-consultative au traité de l'Antarctique (le dernier pays ayant fait cette démarche est le Pakistan, en 2012), afin notamment de contribuer à la définition juridique de ces icebergs dérivants qui aujourd'hui n'ont pas de statut propre.

En Asie, les appétits vis-à-vis de l'Antarctique sont bien plus affirmés. Outre la Russie qui mène un jeu géopolitique parfaitement rôdé dans les forums internationaux (ATCM, CCAMLR) pour s'en assurer le développement futur, quatre pays asiatiques s'affirment comme étant en Antarctique pour durer et profiter des ressources auxquelles la fonte des glaces donnerait un accès plus aisé. Chine, Corée du Sud, Inde, Malaisie, quatre pays aux politiques clairement pro-développement qui provoquent une hyper-inflation du nombre de bases scientifiques sur le terrain et un déséquilibre progressif du rapport de force dans les forums internationaux.

À l'heure où les États-Unis, l'Italie ou l'Australie remettent en cause le financement de leurs programmes antarctiques, les tigres asiatiques alignent les investissements terrestres et maritimes: nouvelles bases - la cinquième chinoise en quinze ans doit ouvrir en 2015 -, nouveaux brise-glaces multi-usages, nouveaux campus scientifiques -dont celui en construction à Shanghai pour 500 millions de dollars, nouveaux programmes diplômants en sciences polaires dès la licence.

Des choix stratégiques à faire

Cela dit, entre chance et risques, la France est à la croisée des chemins. La France est une puissance dite "possessionnée" - elle a émis une revendication territoriale en Antarctique (Terre Adélie). Bien que la France s'oppose aujourd'hui à le faire, elle pourrait bénéficier à terme de la fonte des glaces antarctiques pour aller elle-même creuser le continent, ou tout du moins prendre le train asiatique du rééquilibrage du rapport de force antarctique pour y sauvegarder ses prétentions territoriales et réaxer sa géopolitique vers l'est.

Autre exemple, la technologie de remorquage d'icebergs par "jupe isotherme" (le projet "Ice-Dream") qui est au cœur de l'intérêt des émirats et Saoudiens, c'est Iceberg Transport International (piloté par l'ingénieur français Georges Mougin) et Dassault Systèmes. Bien d'autres exemples de polartechs issues des cleantechs et biotechs auraient pu être mentionnés ici...

Peu de décideurs politiques sont aussi conscients tant des risques que des opportunités. Si la France n'a pas encore de stratégie polaire officielle, pour l'Arctique comme pour l'Antarctique, le sénateur Christian Cointat, président UMP du groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les terres australes au Sénat, et Michel Rocard, l'ambassadeur de France chargé des négociations pour les pôles, sont de grands connaisseurs de ces questions.

L'orientation de nos choix stratégiques doit certainement venir d'eux, en concertation avec la communauté polaire française mais également avec tous les acteurs industriels qui auraient à gagner à pénétrer en Antarctique. Car si la fonte des glaciers de l'Antarctique Ouest pourrait prendre de 200 à 1000 ans avec les impacts attendus, c'est bien maintenant que la géopolitique de l'Antarctique bascule hors de notre contrôle, vers l'Est.

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