Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le pipeline du déshonneur

Il n'y a donc pas d'acceptabilité sociale du projet Énergie Est au Québec. Philippe Couillard et le PLQ vont-ils finir par comprendre? Thomas Mulcair et le NPD vont-ils finir par retrouver un certain sens du bien commun et de la dignité politique? Alors, ne comptons que sur nos propres moyens. Organisons la riposte ! Tous ensemble contre le pipeline du déshonneur !
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Deux projets de pipeline nous ont été plus ou moins imposés par le gouvernement fédéral avec la complicité des gouvernements québécois successifs. Il s'agit du pipeline d'Enbridge et du pipeline de TransCanada. Dans cet article, je me concentre sur le plus gros des deux projets, celui de TransCanada, Énergie Est.

Selon Tim Duboyce, porte-parole de TransCanada , on aurait besoin du pétrole des sables bitumineux d'Alberta pour nous approvisionner au Québec. L'oléoduc viendrait nous approvisionner pour moitié et l'autre moitié serait exportée à l'étranger. Notons en passant que le groupe Équiterre conteste ces chiffres. Le groupe estime plutôt que 82 % du pétrole albertain sera exporté et que seulement 18% viendra alimenter le Québec. Mais faisons l'hypothèse que le porte-parole de TransCanada a raison. La question se pose de savoir à quoi nous servira le pétrole de l'Ouest. En ce moment, sommes-nous en manque de pétrole? Pas du tout. Nos approvisionnements nous arrivent par bateau à partir de l'Europe ou du Moyen-Orient et ils comblent pleinement nos besoins. Alors à quoi sert alors la mise en place de l'oléoduc Énergie Est? La réponse semble être qu'elle nous servira au moins pour moitié à l'exportation du pétrole albertain et, dans le meilleur des cas, pour l'autre moitié, à remplacer le pétrole qui nous arrive par bateau par du pétrole sale provenant d'Alberta.

Or, il n'y a pas d'avantages pour le Québec à l'exportation du pétrole albertain vers l'étranger et il n'y a peu ou pas d'avantages du tout à remplacer le pétrole qui arrive par bateau en provenance de l'Est par du pétrole provenant des pipelines de l'Ouest. En fait il n'y a que des désavantages, car celui de l'Ouest est souvent très polluant et il va traverser nos terres agricoles, de même que nos plus importants cours d'eau. Pire, il va circuler en masse, à raison de 1,1 million de barils par jour avec les risques que l'on sait.

Peut-on au moins espérer que le fait de remplacer le pétrole de l'Est par le pétrole de l'Ouest entraînerait des coûts moindres pour les consommateurs québécois? Selon Pierre-Olivier Pineau, chercheur aux HEC, ce ne sera pas le cas. Ça va nous coûter tout aussi cher qu'avant.

Mais alors quels sont les avantages du projet d'Énergie Est? Entraînera-t-il des emplois durables ? Non, car nous aurons droit à seulement 130 emplois durables, de l'aveu même de TransCanada.

Cela va-t-il quand même nous rapporter des sous ? Ce n'est pas clair, car selon l'entreprise Gaz Métro, les utilisateurs de Gaz naturel au Québec devront débourser 100 millions de dollars de plus à cause du projet Énergie Est. En effet, TransCanada veut transformer le gazoduc qui passe entre North Bay et Ottawa en oléoduc. Or, entre North Bay et Ottawa, le gazoduc fonctionne à pleine capacité. L'entreprise TransCanada accepte de construire un gazoduc de remplacement, mais qui fera circuler deux fois moins de gaz naturel. Puisque les consommateurs de gaz naturel devront défrayer les coûts de construction de ce nouveau gazoduc, devront payer plus cher une ressource (le gaz naturel) devenue plus rare, et que certains consommateurs devront passer au pétrole, qui est plus coûteux, on estime à 100 millions de dollars les coûts additionnels engendrés au Québec pour les consommateurs de gaz naturel. Cette somme est ni plus ni moins qu'une subvention de 100 millions de dollars prise en charge par les consommateurs de gaz naturel québécois pour assurer l'exportation du pétrole albertain.

Doit-on quand même accepter d'exporter le pétrole de l'Ouest? Ce n'est pas clair, parce que l'on va de cette manière encourager une production accrue des sables bitumineux qui deviendra trois fois plus grosse que celle que l'on subit présentement.

Cela vaut-il la peine de permettre la circulation quotidienne de 1,1 million de barils par jour? Cela vaut-il la peine de risquer d'endommager les écosystèmes et de mettre en danger notre accès à l'eau potable? Cela vaut-il la peine d'encourager Stephen Harper et un Canada voyou qui s'est retiré des accords de Kyoto ?

Cela vaut-il la peine de prendre le risque d'aller de l'avant avec ce projet, alors que 1000 incidents de pipeline sont survenus au Canada entre 2000 et 2012?

Voulons-nous risquer la vie des citoyens et leur faire peut-être subir des explosions comme celle survenue en janvier 2014 au Manitoba?

TransCanada, la compagnie qui explose partout au Canada. Bientôt, dans un village près de chez vous ! Quels intérêts sert-on ici? Certainement pas les nôtres!

Le NPD branle dans le manche

Quand le chef du NPD dit que le projet d'Énergie est «sensé», je suis plus qu'inquiet. Quel est l'argument pour dire que c'est sensé? Selon Thomas Mulcair, ce serait mieux que le train, mais aussi mieux que les superpétroliers. Un instant! Pourquoi soutient-il que ce serait mieux que les superpétroliers? Nous avons plusieurs raisons de penser que c'est le contraire qui est vrai.

  1. Les superpétroliers transportent surtout du pétrole léger, à ce que je sache, alors que les pipelines d'Énergie Est transporteront surtout du pétrole lourd.
  2. La quantité de pétrole qui circule d'est en ouest par les superpétroliers répond seulement aux besoins de consommation. La quantité de pétrole albertain transportée par les pipelines sera destinée pour une très large part à l'exportation. Elle sera en fait de trois fois supérieure aux besoins du Québec, soit 1.1 million de barils par jour, ce qui est bien plus dangereux et favorise la pollution.
  3. Le statu quo des superpétroliers ne nous a entraînés dans aucun déversement pour le moment, tandis que, comme on l'a fait remarquer plus haut, on note 1000 incidents de pipelines entre 2000 et 2012 au Canada.
  4. Le danger pour la santé et la sécurité des citoyens est décuplé par la circulation d'une très grande quantité de pétrole. Ce n'est pas le cas avec des superpétroliers qui répondent seulement aux besoins.
  5. En plus, le Canada a une responsabilité morale très grande à l'égard du développement énergétique mondial. Il peut imposer une taxe sur le carbone de plus en plus sévère sur les émissions de gaz à effet de serre pour ralentir le développement des gaz bitumineux en Alberta. Mais il peut aussi choisir de tripler sa production. Avec le pipeline d'Énergie Est, on désenclave le pétrole albertain et cela favorise la seconde option. Ce serait un geste historiquement irresponsable de la part du Canada. Ce serait un crime contre l'humanité !

Alors je ne vois pas comment on peut trouver que le pipeline d'Énergie Est est un projet qui est supérieur aux superpétroliers. Les faits sont déjà très parlants, pour ne pas dire accablants. Je ne vois pas non plus comment on peut rejeter le projet Northern Gateway et trouver sensé le projet d'Énergie Est. Le Québec court après tout les mêmes risques que la Colombie-Britannique. Alors je n'accepte pas qu'on dise que le pipeline d'Énergie Est supérieur aux pétroliers actuels.

Quand le gouvernement du Québec branle dans le manche

Le gouvernement du Québec vient de faire marche arrière en imposant sept conditions que l'entreprise TransCanada devra satisfaire pour que le gouvernement du Québec donne son aval. Cette volte-face est surprenante. En effet, (i) le gouvernement du Québec a toujours appuyé le projet d'Énergie Est. Le voilà qu'il impose maintenant sept conditions. (ii) Il a toujours prétendu que l'évaluation environnementale relevait du gouvernement fédéral. Le voilà qu'il impose une évaluation par le BAPE. (iii) Il a toujours éludé la question des émissions de gaz à effet de serre. Le voilà qu'il prétend que sa décision va en tenir compte.

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de bouger sur ces diverses questions? D'où provient ce changement de cap ? Voici une hypothèse de travail.

  1. Il n'a pas changé d'idée et n'a pas de véritable réticence à l'égard du projet, mais il veut calmer le jeu et casser la mobilisation des forces progressistes du Québec. Il veut gérer l'aspect politique du dossier. Pas de changement de cap donc. Seulement un changement de cape, pour créer un effet de toge.
  2. Le gouvernement et TransCanada veulent peut-être se servir du BAPE seulement pour informer la population et recevoir les doléances des citoyens, sans que l'organisme puisse avoir une quelconque incidence sur la décision à prendre. Les citoyens du Québec et les peuples autochtones devront être consultés pour assurer l'acceptabilité sociale du projet, mais le projet pourra peut-être aller de l'avant même si le projet n'est pas acceptable aux yeux de la population.
  3. Le Gouvernement va peut-être seulement tenir compte des gaz à effet de serre causés par le transport sur le territoire québécois du pétrole albertain, sans tenir compte des émissions produites par l'extraction du pétrole en Alberta. Or, si Québec donne son aval au projet, la production albertaine va tripler. Mais même si l'on considère seulement les effets de serre correspondant à l'extraction de la quantité de pétrole qui sera transportée au Québec, le Gouvernement sait déjà que les chiffres sont effarants.

«Le pipeline Énergie Est -- qui transportera chaque jour 1,1 million de barils de brut -- permettra de mettre en marché une production d'énergie fossile qui générera plus de 30 millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, selon une étude publiée plus tôt cette année par l'Institut Pembina. Cela est supérieur à la totalité des émissions générées par les véhicules routiers au Québec. »

Le gouvernement du Québec sait déjà cela. Alors pourquoi ne tire-t-il pas déjà les conclusions qui s'imposent? C'est que la procédure enclenchée, les sept conditions imposées et le souci environnemental improvisé ne visent qu'une chose. Gérer une population de plus en plus récalcitrante.

La politique politicienne

Vous aurez deviné que je suis complètement hors de moi ! Je n'en peux plus de cette arrogance fantastique des partis politiques (PCC, PLC, NPD, PLQ, CAQ et PQ) qui sont censés nous protéger, mais qui laissent aller ces entreprises, sans maudire et sans mot dire. Je suis tanné de voir cette entreprise de salissage pétrolier et de salissage médiatique qu'est TransCanada venir polluer nos ondes, nos terres et nos eaux avec l'aide d'Edelman. Faisons tourner le vent dans notre sens ! Il faut 99% d'appuis populaires pour faire reculer les opportunistes irresponsables ! Oui, TransCanada , vous avez sur les bras un gros problème d'acceptabilité sociale !

Dans un communiqué émis par des chercheurs de l'Université de Montréal, on pouvait, en effet, récemment lire ceci :

«Deux sondages sortis cette semaine démontrent en effet clairement qu'une vaste majorité de Québécois s'opposent aux projets Énergie Est de TransCanada. Un premier sondage effectué simultanément des deux côtés de la frontière par des chercheurs de l'Université de Montréal et du Michigan démontre qu'à peine 33 % des Québécois soutiennent le projet Énergie Est, soit le plus faible appui au pays où l'appui est à 50 % pour l'ensemble du Canada. Un autre sondage révèle quant à lui que 71 % des Québécois sont en désaccord avec le projet de port pétrolier de Cacouna et que 87 % estiment que le gouvernement du Québec devrait avoir le droit d'approuver ou de refuser le projet Énergie Est.» (...) «Les opinions varient considérablement d'une région à l'autre. Les citoyens albertains (68 %) et québécois (33 %) sont aux antipodes quant à l'appui au projet.»

Il n'y a donc pas d'acceptabilité sociale du projet Énergie Est au Québec. Philippe Couillard et le PLQ vont-ils finir par comprendre? Thomas Mulcair et le NPD vont-ils finir par retrouver un certain sens du bien commun et de la dignité politique?

Alors, ne comptons que sur nos propres moyens. Organisons la riposte ! Tous ensemble contre le pipeline du déshonneur !

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Prolongement du North East — Access Pipeline

Comprendre les projets de pipelines

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.