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Vous avez dit «austérité»?

Avec un ton pondéré, mais ferme, le bon docteur Philippe Couillard pose son diagnostic. Le Québec est malade, car il dépense trop.
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Pour débusquer les mauvais plis de notre société et démasquer nos travers, il faut parfois se livrer à des considérations relevant de la psychologie sociale. Pour comprendre la conjoncture actuelle au Québec, il convient, en effet, au départ de recourir à ce procédé d'analyse. Mon hypothèse est la suivante. L'actuel gouvernement du Québec exploite certains réflexes ataviques qui sont autant de propensions bien ancrées dans l'esprit de la population, sans quoi il ne se livrerait pas comme il le fait à un saccage en règle du modèle québécois.

Avec un ton pondéré, mais ferme, le bon docteur Philippe Couillard pose son diagnostic. Le Québec est malade, car il dépense trop. En plus d'exceller dans le rôle du bon docteur, il joue en plus le rôle du bon patriarche, père de famille, qui veut le bien des siens mais qui doit, pour cette raison même, serrer la vis et imposer de la discipline et des mesures d'austérité. Que voulez-vous les enfants, nous n'avons pas assez d'argent, nous sommes endettés, il faut économiser. Les marmots gémissent et se plaignent, mais c'est comme ça.

Les Québécois qui, pour une bonne part, ont encore la nostalgie du bon médecin de campagne et qui se font encore une image idyllique du bon patriarche, père de famille, confondent la gestion politique de l'État avec celles de la santé publique et de la vie familiale. Ce sont eux qui seront sensibles aux arguments de messieurs Couillard, Barrette et Bolduc. Ils verront les dizaines de milliers de manifestants, qui sortent dans les rues de Montréal ou de Québec pour vociférer contre l'austérité, comme des marmots qui gémissent et se plaignent pour toujours en demander plus.

La réalité risque de rattraper les Québécois qui adhèrent à cette mentalité du bon médecin et du bon patriarche. Des lendemains qui déchantent les attendent. Ils n'ont vraiment rien compris à la situation dans laquelle ils se trouvent déjà ou à celle dans laquelle on tente de les placer. Philippe Couillard est en réalité un politicien conservateur, amoureux du statu quo, soumis à l'entreprise privée ainsi qu'à l'État canadien. Il est favorable à la bonne entente avec Stephen Harper et est complice du dérèglement économique et écologique mis en place par le développement et le transport des sables bitumineux. Sa voix rassurante n'est rien d'autre que la volonté de gérer calmement, comme un bon docteur et un bon patriarche des temps anciens, la capitulation tranquille face au capital et le fatalisme heureux face au pétrole sale.

Pourquoi viser la classe moyenne ?

Au lieu de chercher à augmenter ses revenus en visant les plus riches, le bon docteur Couillard et ses sbires veulent diminuer les dépenses de l'État ou augmenter les revenus sur le dos de la classe moyenne. Ils tentent leur chance de ce côté, parce qu'ils voient dans cette catégorie de citoyens une clientèle vulnérable et captive qui adhère encore à l'idée que les services obtenus de l'État sont un luxe. Ces citoyens se soumettront aux diktats des Libéraux parce qu'ils sont encore obnubilés par le mythe d'une gestion de l'État semblable à celle du bon médecin pour la santé ou du bon patriarche pour la famille.

Les libéraux n'ont pas encore compris que l'austérité est un produit toxique. Ils administrent ce remède comme des médecins de campagne l'auraient fait dans les temps anciens. Maintenant qu'ils sont parvenus au pouvoir, ils sont tellement contents de frayer avec les grands oligarques entrepreneurs, qu'ils sont prêts à n'importe quoi pour leur faire des faveurs. Il faut pourtant vraiment avoir une mentalité très paroissiale pour ne pas avoir encore entendu les appels de Joseph Stiglitz, Paul Krugman et du Fonds monétaire international. Il faut vraiment avoir une mentalité très paroissiale pour se fermer les yeux face aux conséquences dramatiques de l'austérité appliquée en Europe. N'ont-ils pas entendu parler des désastres vécus en Grèce, au Portugal et en Espagne ? Les mesures d'austérité appliquées ici n'auront certes pas les conséquences dramatiques qui ont affligé les divers pays européens. Mais on ne voit pas pourquoi un modèle qui a fait ces preuves d'inefficacité là-bas pourrait avoir des conséquences bénéfiques ici.

Il faut contester (i) les hausses de tarifs envisagés pour les garderies, (ii) les contrats déchirés des régimes de pension des fonctionnaires, (iii) la hausse des droits de scolarité universitaires et (iv) les coupes draconiennes imposées aux universités. Il faut critiquer (v) la volonté des Libéraux d'atteindre rapidement le déficit zéro. Il faut critiquer (vi) leur appui au projet Énergie Est de TransCanada Pipelines qui va contribuer à concentrer l'économie canadienne sur le développement des sables bitumineux et faire monter ainsi artificiellement la valeur du dollar canadien, ce qui va nuire aux économies exportatrices de l'Ontario et du Québec. Il faut critiquer (vii) le PLQ au pouvoir qui n'ose pas exiger la résolution du déséquilibre fiscal.

Il faut en somme contester les politiques qui réduisent les revenus du Gouvernement ou qui les augmentent sur le dos des contribuables de la classe moyenne, car pendant qu'ils s'en donnent à cœur joie contre cette dernière, ils épargnent les oligarques entrepreneurs de ce pays qui se graissent la patte et s'esquivent en resquilleurs pour ne pas assumer leurs responsabilités de citoyens corporatifs.

L'autoritarisme conjugué au pluriel

L'autoritarisme politico-juridique du Parti libéral du Québec, accentué à l'occasion du Printemps Érable avec la loi 12, participe plus généralement d'un autoritarisme global qu'ils cherchent à imposer à la population entière du Québec. La stratégie de la souricière, pratiquée par le SPVM en 2012 et 2013 auprès des manifestants qui contestaient le régime en place ou la brutalité policière, n'aura été que la trace la plus visible de l'étau qui était en train de se déployer à grande échelle sous nos yeux. Car les autoritarismes politico-juridique et policier se doublent d'un autoritarisme idéologique, économique et financier. On assiste à un scénario dans lequel le ministre Martin Coiteux, président du Conseil du Trésor, formé aux HEC et connu grâce aux dizaines de textes lancés en pleines pages du journal La Presse depuis quelques années, occupe le rôle-titre de fossoyeur en chef du modèle québécois. C'est, en effet, dans les pages de La Presse qu'il s'est fait une réputation auprès des Desmarais, du Québec Inc. et du PLQ.

Pour que les riches fassent leur juste part

Pour que les riches fassent leur juste part, il faut (a) hausser le nombre de paliers d'impôt, (b) réintroduire la taxe sur le capital des entreprises, (c) adopter les mesures suggérées par Alain Deneault pour contrer les paradis fiscaux et (d) taxer les entreprises à la hauteur de la taxe prélevée aux États-Unis. Il faut (e) forcer les entreprises à réinvestir dans l'économie l'épargne gigantesque qu'elles ont accumulée et (f) réduire les subventions qui leur sont constamment accordées. Il faut (g) contrôler le coût des médicaments par l'instauration d'un régime d'assurance médicament entièrement public. Il faut (h) rétablir l'expertise requise dans les ministères concernant les programmes d'infrastructure pour contrer la collusion et la corruption. (i) Il faut enfin aussi occuper les points d'impôts délaissés par le gouvernement de Stephen Harper. Voilà les mesures qui devraient être prises par l'État québécois.

Que faut-il faire maintenant ?

Dans le contexte actuel, on fait tout le contraire. On ménage les riches et on fait payer la classe moyenne par des hausses de tarifs inacceptables ou par des coupes sombres dans les programmes sociaux. On priorise de manière effrénée l'atteinte du déficit zéro et on ménage le gouvernement fédéral. Ce sont ces biais qui sont proprement scandaleux. Une idéologie néo-libérale toxique gangrène les autorités gouvernementales québécoises depuis de trop nombreuses années. Le Gouvernement québécois est malade. Le peuple québécois doit lui administrer un remède-choc. Y a-t-il autre chose que des élections à tous les quatre ans ou des manifestations une fois de temps en temps? Que dire d'une grève générale au printemps 2015?

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