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Pour une Europe des peuples

Ceux qui se croient au-dessus de toute question nationale, comme les mondialistes et les trudeauistes canadiens, apportent de l'eau au moulin de Marine Le Pen.
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Citons pour commencer un passage de l'article de Guy Taillefer, qui rapporte ainsi les propos tenus par Marine Le Pen au Devoir :

«Mme Le Pen prétend être au-dessus du clivage gauche-droite : "La vraie différence aujourd'hui, c'est celle entre les nationaux et les mondialistes. C'est-à-dire ceux qui pensent que les nations sont des concepts dépassés, qu'il faut supprimer les frontières, faire fi des identités et faire surgir l'homo economicus interchangeable ; et ceux qui pensent que la nation demeure la structure la plus performante pour assurer la sécurité et la prospérité, et défendre l'identité des peuples." Entre les deux, point de dialogue possible. "Je combats l'Union européenne parce que cette union est aujourd'hui en partie totalitaire et qu'elle est en tout cas une adversaire déclarée de la démocratie."»

Ce propos de Marine Le Pen m'est utile... en tant que repoussoir.

Je combats pour ma part depuis toujours cette opposition tranchée qu'elle propose entre les «nationaux» et les «mondialistes».

Notre cosmopolitisme peut en même temps être enraciné. On peut être pour l'Europe et pour les peuples, parce que l'Europe peut être une Europe des peuples.

Non pas une Europe des peuples repliés sur eux-mêmes, mais des peuples qui se reconnaissent, se respectent et s'acceptent mutuellement.

Non pas une Europe des peuples qui compétitionnent entre eux et qui creusent l'écart entre le nord et le sud, mais des peuples qui font tout pour réduire cet écart.

Non pas une Europe des peuples qui érigent un mur et qui pactisent avec la Turquie d'Erdogan, mais des peuples qui accueillent chacun leur part de réfugiés syriens.

On peut admettre encore l'existence des frontières sans ériger un mur.

Comme au Québec

On peut être un peuple souverain dans une union économique européenne. De la même manière, comme cela fut proposé à l'occasion des deux référendums tenus au Québec, on peut être pour la souveraineté du Québec dans une union économique Québec-Canada.

On peut être pour le renforcement de la Charte de la langue française et pour une politique d'ouverture à l'immigration.

On peut être pour l'affirmation nationale du Québec dans une constitution interne dans laquelle se trouveraient affirmés une laïcité ouverte et inclusive et le principe de l'interculturalisme.

En bref, on peut être nationaliste et pluraliste.

Malheureusement, certains «mondialistes» amalgament toutes les formes de nationalismes : les nationalismes légitimes comme le nationalisme catalan, le nationalisme écossais et le nationalisme québécois ; et les nationales populismes du Front national en France, d'Alternative für Deutschland en Allemagne, ou d'Aube dorée en Grèce. Le nationalisme n'a pour ces «mondialistes» qu'un sens péjoratif et ne peut pas prendre une forme qui serait légitime.

Or, dans le contexte où les citoyens s'identifient encore beaucoup à leurs nations respectives, ceux qui se croient au-dessus de toute question nationale et qui se livrent à de tels amalgames, comme les mondialistes et les trudeauistes canadiens, apportent en fait de l'eau au moulin de Marine Le Pen.

L'incontournable question nationale

Je partage la dénonciation faite par Raphaël Liogier de la dérive d'Éric Zemmour et d'Alain Finkielkraut, ainsi que sa conception plus ouverte de la laïcité et sa déconstruction du discours annonçant l'envahissement de l'islam en Europe.

Mais contrairement à lui, je ne crois pas que la question nationale soit un faux problème. Je ne crois pas que les seuls véritables enjeux soient sociaux, économiques et stratégiques. Il y a bel et bien des enjeux identitaires, notamment la question nationale.

Le problème est que plusieurs intellectuels et dirigeants européens ont été incapables de tenir un discours positif en faveur de l'identité, de la nation et du nationalisme, et incapables de distinguer le communautarisme islamique de l'islam politique. Or, on peut vivre sa religion en communauté tout en étant un citoyen français et fier de l'être. On peut vivre sa religion en communauté tout en dénonçant le jihad islamique.

Toujours dans l'esprit de ces mêmes dirigeants et intellectuels, il semble que le discours nationaliste doive ou bien être dénoncé ou bien être repris tel qu'il est défendu par l'extrême droite. Il ne semble donc pas y avoir selon eux de discours nationaliste respectueux de toutes les autres nations. Il semble qu'il n'y ait pas de discours qui puisse défendre raisonnablement le droit collectif de tous les peuples à disposer d'eux-mêmes.

Ainsi, quand les socialistes français ont enfin essayé de se sortir de leur torpeur anti-nationaliste, ils l'ont fait en imitant Marine Le Pen. Le seul discours nationaliste possible semble donc être dans leur esprit celui qui promeut la déchéance de nationalité, le renvoi des Roms et le refus de l'immigration syrienne. Le seul discours nationaliste possible est celui qui propage l'exclusion. Ces intellectuels et dirigeants, français et européens, semblent incapables de reconnaître le droit des peuples à l'autodétermination, le rôle de constituants des peuples européens, le droit des peuples au développement égal, le devoir de solidarité entre les peuples, l'ouverture à la diversité des peuples et le respect des souverainetés populaires. Ce faisant, c'est le discours lepeniste qui occupe à lui seul tout le terrain de la nation.

La question nationale: une maladie imaginaire?

Selon plusieurs intellectuels et dirigeants européens, la seule façon de combattre les dérives du nationalisme semble être de se réfugier dans la posture gauchiste traditionnelle qui relègue ce discours du côté d'une «superstructure» cachant les «véritables contradictions» de la société. Liogier ne semble pas échapper à cette vision simplificatrice traditionnelle.

Or, dans un contexte international caractérisé notamment par des États occidentaux souhaitant instrumentaliser des groupuscules terroristes afin d'exercer un contrôle sur le Moyen-Orient, on a assisté en retour à une internationalisation du terrorisme islamique qui, depuis septembre 2001, s'est servi de la lutte à l'Occident pour grossir ses rangs. Ce terrorisme international a par la suite contribué à son tour à générer une islamophobie rampante quasi incontrôlée au sein des peuples de l'Occident. Le nationalisme montre ainsi un visage très laid qu'il faut certes combattre, mais sans jeter le bébé avec l'eau du bain.

Conclusion

La question nationale n'est pas la maladie imaginée d'une communauté réelle composée seulement d'individus. C'est une maladie réelle d'une communauté imaginée existant en plus de ces mêmes individus.

Il est plus que temps de prouver que l'Europe est un agrégat de nations qui se respectent entre elles et qui sont solidaires les unes des autres. Elles doivent se solidariser entre elles notamment pour réduire les écarts entre les pays du nord et les pays du sud de l'Europe. Elles doivent aussi se solidariser entre elles pour accueillir les réfugiés syriens.

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