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Le burkini de Mathieu Bock-Côté

Je trouve que le burkini est très élégant. Je crois qu'il symbolise une certaine conception de la pudeur féminine.
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Mathieu Bock-Côté a écrit une chronique sur le burkini qui ne laissera personne indifférent: «Non au burkini», publiée par Le Journal de Montréal le 30 août 2015.

Il écrit: «On ne saurait traiter le burkini comme un symbole parmi d'autres. Il symbolise non seulement de manière grossière l'infériorisation des femmes. Il représente aussi un refus manifeste, agressif et militant de la société d'accueil, à laquelle on dit qu'on ne s'intégrera jamais».

Je trouve au contraire que le burkini est très élégant. Chose certaine, on ne peut pas dire que, dans tous les cas, il symbolise de manière grossière l'infériorisation de la femme. Je crois plutôt qu'il symbolise une certaine conception de la pudeur féminine, conception que je ne partage pas, mais que je respecte quand même.

Mathieu Bock-Côté estime que le port de cette tenue vestimentaire représente rien de moins qu'un refus de s'intégrer. C'est que, selon lui, «l'immigrant qui arrive ici ne devrait pas seulement respecter nos lois, ce qui va de soi et ce qui arrive à peu près tout le temps. Il devrait aussi respecter nos mœurs.»

J'ai hâte de savoir quelles sont les mœurs qui sont acceptables et lesquelles ne le sont pas. Bien sûr, dans sa chronique intempestive, Bock-Côté ne croit pas opportun de nous le dire.

Certes, tout le monde s'entend pour ne pas juger acceptables les comportements violents, les propos haineux et les symboles d'intolérance. Notre code criminel est d'ailleurs là pour disposer de ces situations. Mais les mœurs concernent les habitudes, les coutumes, les croyances et un ensemble de valeurs particulières. Elles ne renvoient pas à des valeurs universelles de liberté et d'égalité, mais à un ensemble de préférences rationnelles, de conceptions de la vie bonne, de modes de vie.

Or, une société pluraliste moderne qui, comme la société québécoise, accueille une immigration importante, se caractérise par une diversité irréductible et raisonnable de croyances, de valeurs particulières, de préférences rationnelles et de conceptions de la vie bonne.

Bref, elle se caractérise par une variété de mœurs et donc, de modes de vie. On se demande par conséquent quelles habitudes sont inacceptables et quelles habitudes sont acceptables aux yeux de Bock-Côté. Quelles sont les mœurs qui sont québécoises et les mœurs qui ne le sont pas? Si des mœurs spécifiques ne sont pas acceptables au Québec, peut-on savoir lesquelles échouent au test?

Le problème vient notamment du fait qu'il est difficile d'associer une identité nationale à un mode de vie, à un ensemble de croyances particulières, à une conception unique de la vie bonne. Doit-on inclure ou exclure l'hédonisme (la recherche du plaisir), l'eudémonisme (la recherche du bonheur), le perfectionnisme (la recherche de l'excellence), l'utilitarisme (la recherche bien-être) en tant que conceptions éthiques particulières? Ces différentes postures éthiques ont pourtant des impacts notables sur les mœurs d'une société.

Y a-t-il des postures à l'égard de la religion (théisme, athéisme, agnosticisme) qui ne sont pas dignes de respect? Là encore, pourtant, ces postures à l'égard du religieux engendrent des mœurs bien différentes.

Bock-Côté écrit pourtant sans hésiter: «Le Québec, c'est davantage qu'une charte des droits. Il a une histoire, une langue, une identité, des mœurs.»

Bien sûr, le Québec est plus qu'une charte des droits. Il a une histoire, une langue, une identité reposant sur un patrimoine d'œuvres culturelles. Bref, il y a un particularisme identitaire qu'il faut respecter et auquel il faut s'intégrer. Mais une personne immigrante qui s'installe au Québec maîtrise la langue française, apprend l'histoire du Québec et découvre le patrimoine culturel du Québec, tout en participant à la vie sociale et politique. Ne fait-elle pas déjà tout ce qu'il faut pour qu'on puisse parler d'intégration?

Pour Mathieu Bock Côté, il semble que non. Cette personne n'est pas intégrée si elle a le malheur de ne pas porter le costume de bain qui convient. Elle doit en plus éviter de porter un burkini.

Il fut un temps où, le dimanche, les prêtres en soutane croyaient bon de se prononcer du haut de leur chaire sur les mini-jupes, la «pollution nocturne» et les relations sexuelles. Notre époque semble avoir elle aussi son lot de curés.

De manière péremptoire, du haut d'un piédestal qu'il s'est lui-même attribué, Bock-Côté écrit: «La vie foisonne, elle a mille visages. Mais un pays est en droit de distinguer ce qui est acceptable ou non chez lui. Le burkini ne l'est pas.»

Ça y est, le jugement est tombé. Nous ne le savions pas, mais il y a des costumes de bain qui ne sont pas autorisés dans nos paroisses. Ce ne sont plus ceux qui en montrent trop, ce sont ceux qui n'en montrent pas assez (quoique Bock Côté semble en avoir aussi contre les seins nus).

Dans tous les cas, notez bien que ce sont des hommes qui se chargent de dire comment les femmes doivent se vêtir.

Exiger d'une personne qu'elle adopte un style de vie particulier, une religion particulière, des tenues vestimentaires particulières, des croyances et des finalités particulières, c'est aller à l'encontre de la diversité qui caractérise la société québécoise. C'est manifester de l'intolérance à l'égard de la différence.

Le propos de Mathieu Bock-Côté symbolise non seulement de manière grossière un propos condescendant à l'égard des femmes, il représente aussi un refus manifeste, agressif et militant d'inclure certaines personnes au sein de la société québécoise. Autrement dit, c'est un refus de les reconnaître comme citoyennes à part entière. Ce nationalisme conservateur est un national-populisme de mauvais aloi qui n'a pas sa place au Québec.

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