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Hausse du salaire minimum: toute la collectivité en sortira gagnante

Cher David, récemment, vous avez mis à pied une amie, Marie-Ève, sous prétexte qu'Alexandre Taillefer, les syndicats et l'IRIS ont gagné dans la hausse du salaire minimum à 15$ de l'heure.
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Cher David,

Récemment, vous avez mis à pied une amie, Marie-Ève, sous prétexte qu'Alexandre Taillefer, les syndicats et l'IRIS ont gagné dans la hausse du salaire minimum à 15$ de l'heure. Je comprends parfaitement votre peur de la hausse du salaire minimum et votre capacité de contrôler vos coûts de production, car vous êtes dans un monde de concurrence et vous devez faire face à ses autres entrepreneurs qui veulent réussir. Il est tout à votre honneur d'avoir votre entreprise et, malheureusement, peu de Québécois osent faire ce que vous avez fait : fonder votre entreprise.

Toutefois, prétendre que c'est à cause de Taillefer, des syndicats et de l'Iris que votre entreprise va mal revient à rejeter le blâme sur les autres, car voyez-vous cher David, un entrepreneur n'est pas un gestionnaire et un gestionnaire n'est pas un entrepreneur. Je connais peu de gens qui sont les deux. Ceci ne signifie pas que vous n'êtes pas en mesure de gérer votre entreprise, bien au contraire, mais peut-être que vous auriez pu mieux performer dans le rendement de votre entreprise en vous entourant d'un bon gestionnaire. Bref, revenons au vif du sujet : la potentielle hausse du salaire minimum. Mais en fait, d'où provient ce fameux 15$ de l'heure?

Le mouvement a pris naissance aux États-Unis en voulant octroyer un salaire minimum dans les industries de restauration rapide. L'Alberta compte augmenter son salaire minimum à près de 15$ de l'heure d'ici la fin de 2018 et la Colombie-Britannique veut faire de même. Comme vous le voyez, ce n'est pas qu'au Québec que le débat fait rage et donc, une hausse du salaire minimum est envisageable, éventuellement.

Malgré le fait que je comprenne votre point de vue, je ne suis pas du même avis que vous. En effet, en tant qu'entrepreneurs, l'erreur que plusieurs font, est de dire : le salaire va augmenter à 15$ de l'heure, soit environ 35%, je vais devoir vendre mes produits 35% plus cher. Or, vous êtes-vous déjà questionné sur le sujet suivant : le salaire représente quel pourcentage du prix de vente de mon produit? Prenons un exemple simple : si une préposée dans un café voit son salaire augmenter de 4,25$ de l'heure pour atteindre 15$ de l'heure et qu'elle va servir, disons 50 cafés à l'heure, ceci représente une hausse du prix du café de 9¢! Certes, je suis d'accord avec vous que dans certains domaines d'activités, une hausse du salaire minimum peut être potentiellement nuisible... mais ceci m'amène à mon deuxième argument.

«La hausse de salaire engendrera une hausse de la consommation et, par conséquent, vos revenus vont augmenter sans pour autant augmenter le prix de vos produits.»

En effet, une hausse du salaire minimum engendrera une hausse du revenu chez plusieurs individus. Ces mêmes individus vont-ils épargner ou consommer la hausse du revenu? En économie, nous utilisons le principe de la propension à consommer : quel pourcentage du revenu supplémentaire sera consacré à la consommation. Chez les personnes ayant des revenus plus faibles, ce taux avoisine les 100% ce qui signifie que la quasi-totalité de la hausse du salaire est consommée. Dans votre argumentaire, vous dites que la hausse du salaire fait augmenter vos coûts et que vous devez augmenter votre prix de vente ce qui fait chuter vos revenus. Malheureusement, vous avez tout faux, car la hausse de salaire engendrera une hausse de la consommation et, par conséquent, vos revenus vont augmenter sans pour autant augmenter le prix de vos produits.

Vous me direz : oui, mais je suis en mode de concurrence internationale et donc, mes acheteurs sont étrangers ou encore que vos concurrents étrangers vendent ici. Ahhh en effet, on se retrouve avec un problème de concurrence mondiale. Or, le salaire, dans certains pays, est nettement inférieur au nôtre, ce qui risque de nuire à votre entreprise. Toutefois, sans vous donner des conseils, avez-vous pensé à créer un produit de valeur ajoutée ou de créer un sentiment d'appartenance à vos produits, un peu comme dans le cas des fruits et légumes d'ici? Également, ne perdez pas de vue que si le concurrent peut venir jouer dans votre marché, rien ne vous empêche d'aller jouer dans le sien. Finalement, il y a des secteurs d'activité où, peu importe le salaire, vous n'arriverez jamais à concurrencer, comme dans le textile parce que même si vous pouviez diminuer le salaire minimum à 6$ de l'heure, le marché asiatique serait encore concurrentiel.

Mais, tant qu'à discuter de concurrence et de productivité, j'aimerais que vous m'expliquiez le phénomène suivant : depuis quelques années, les différents gouvernements ont diminué l'impôt des entreprises et la taxe sur le capital. Pourquoi la majorité des entreprises ne les ont-elles pas utilisées pour moderniser et augmenter leur productivité? En effet, on apprenait récemment que près de 80% des baisses d'impôts des entreprises n'ont pas été réinjectées dans les entreprises, pourtant c'était une des revendications de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) : diminution des impôts pour augmenter la productivité et mieux concurrencer les entreprises étrangères.

En terminant, cher David, je comprends parfaitement vos craintes, mais si je reprends votre vision, idéalement une diminution du salaire minimum devrait vous permettre de produire plus à moindre coût. Malheureusement, plus personne ne pourra acheter vos produits, car les individus vont uniquement acheter des produits de base et dans ce cas-là, vous devrez fermer vos portes faute de clients. Ne soyez pas fermé à la hausse du salaire minimum, c'est toute la collectivité qui en sortira gagnante.

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