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Le Québec français au recensement de 2011 : 81% ou 87% francophone?

La diffusion récente des données linguistiques du recensement de 2011 par Statistique Canada a donné lieu à un chassé-croisé de compilations ressemblant parfois à du bricolage. On semble chercher à démontrer ses convictions plutôt qu'à rendre compte de la réalité observée.
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La diffusion récente des données linguistiques du recensement de 2011 par Statistique Canada a donné lieu à un chassé-croisé de compilations ressemblant parfois à du bricolage. On semble chercher à démontrer ses convictions plutôt qu'à rendre compte de la réalité observée. Nous devons à Maxime Duchesne, un collègue blogueur du Huffington Post Québec, d'avoir décrit 4 scénarios conduisant chacun à des pourcentages de francophones et d'anglophones au Québec. Profitons de cette heureuse synthèse pour tenter de tirer ça au clair.

Le tableau 1 reproduit les proportions de francophones aux recensements de 2006 et de 2011 dont fait état M. Duchesne dans ses 4 scénarios. J'ai ajouté les effectifs de population, ainsi que les taux annuels moyens de croissance.

Ce tableau indique que la majorité francophone du Québec en 2011 se situait entre 81,2% et 86,7%, une différence appréciable de 5,5 points. Une variante du scénario 4 (scénario 4bis) pousse l'écart à 5,8 points. En nombre absolu, la différence d'estimation dépasse les 453 300 personnes, soit plus du double de la population francophone du Nouveau-Brunswick! Ne pourrait-on pas être plus précis?

Dans son billet du 26 octobre, Vincent Geloso, autre blogueur au HuffPost, identifie le premier scénario comme étant celui «qui est mis de l'avant par ceux qui parlent d'un déclin de la langue française». Dans un billet précédent, M. Geloso leur attribue la paternité d'une crise linguistique qui sévirait au Québec actuellement. Très optimiste, il opte pour le maximum de 87%, soit un pourcentage identique aux recensements de 2001 et de 2006. En toute logique, il conclut «que le français n'est pas en déclin».

Ce débat ne tiendrait-il qu'au degré de jovialité des personnes? Non, semble-t-il. Car selon le troisième billet de Vincent Geloso, «le multilinguisme brouille les cartes sur le français». Comme ce multilinguisme se trouve dans les «réponses multiples» aux questions sur les langues, la cacophonie viendrait du traitement, ou du bricolage, que l'on fait de ce type de données.

Désembrouiller les données sans les déformer

Tirons profit d'une étude critique publiée par l'Office québécois de la langue française (OQLF) sur ce sujet. Cet ouvrage remet d'abord en question une méthode arbitraire longtemps utilisée dans le traitement des données linguistiques (p. 37-59). Elle propose ensuite une façon de tenir compte de ce multilinguisme sans ramener tout le monde à une seule langue maternelle, et sans forcer tous les répondants à n'utiliser qu'une langue au foyer (p. 64-72).

La méthode traditionnelle remise en question répartit en deux ou trois groupes égaux quiconque affirme avoir deux ou trois langues maternelles. Elle fait de même pour toute personne qui dit parler deux ou trois langues à la maison. Or, contrairement à ce que l'on a longtemps prétendu, cette méthode n'est pas neutre. En effet, elle infiltre de fausses informations parmi la grande masse de réponses uniques (96,9% en 2011).

Un simple exemple suffit à illustrer les biais que ce type de traitement des données apporte :

Au recensement de 2011, 19 600 personnes du Québec ont affirmé avoir le français ET l'anglais comme langue maternelle. En outre, elles ont déclaré parler le plus souvent le français ET l'anglais à la maison. Or, la répartition égale partage les données en quatre groupes de 4 900 personnes n'ayant qu'une SEULE langue maternelle et ne parlant qu'une SEULE langue au foyer chacun. Ainsi, le double bilinguisme de ces personnes disparaît totalement.

De plus, des substitutions linguistiques sont inventées de toutes pièces. D'une part, 4 900 personnes de langue maternelle française deviennent des unilingues anglais au foyer. D'autre part, autant de personnes de langue maternelle anglaise ne parlent plus que le français à la maison. En outre, l'ajout de 4 900 locuteurs à la minorité anglophone est 10 fois plus important que les 4 900 personnes attribuées à la majorité francophone : 0,819% contre seulement 0,080%. La fausse anglicisation de ces pseudo-francophones a pour effet de gonfler l'attrait de l'anglais.

(Précisons, pour rassurer M. Geloso, que cette méthode de répartition ne produit ni «demi-francophones», ni «demi-anglophones». Dans cet exemple, ce ne sont pas des personnes qui sont coupées en deux, mais des données agrégées qui sont réparties moitié-moitié).

L'exemple que je viens de décrire n'est pas le seul. C'est également le fait des 21 270 personnes de langues maternelles «française et tierce» qui parlent ces deux langues au foyer : près de 11 000 fausses substitutions linguistiques sont créées de toute pièce dans ce cas-là.

Au total, 73 100 substitutions linguistiques fictives sont générées par cette méthode lorsqu'elle est appliquée au recensement de 2011. C'est près de 22% des réponses multiples réparties arbitrairement, proportion qui a peu variée depuis 1991 (OQLF, p. 93-94).

Un portrait plus complet faisant place au plurilinguisme

On obtient un portrait plus complet de la situation linguistique en formant cinq classes de langues au lieu de trois. Les trois premières viennent directement des réponses uniques déclarées aux recensements : français, anglais, autre. Les deux autres classes sont formées de l'addition de toutes les déclarations multiples qui incluent le français (2,6% en 2011), et d'un second groupe formé des personnes qui n'ont pas mentionné le français (0,5% en 2011). (Quiconque s'intéresserait à la minorité anglophone pourrait faire l'inverse).

Le tableau 2 présente les résultats aux cinq derniers recensements. L'usage du français comme seule langue parlée à la maison a régressé au cours des années 2000, passant de 82,3% à 80%. L'usage du français avec d'autres langues paraît stable en début de période (1,6% entre 2001 et 2006). Elle augmente à 2,5% en 2011, sans doute en bonne partie par l'insertion de la question sur la langue parlée dans le questionnaire court. En corollaire, cette croissance a sûrement contribué au recul du poids des personnes qui ne parlent que le français (de 81,1% à 80%).

Globalement, et abstraction faite d'une critique des sources plus poussée, le fait français au Québec se situait sous les 84% dans les années 1990. Il a ensuite glissé sous 83% à partir de 2006. La dernière période quinquennale aurait ajouté un léger recul supplémentaire de 0,2 point. C'est donc beaucoup moins que la perte de 0,6 point obtenue par la répartition égale des réponses multiples (tableau 1 : scénario 1).

La variable «langue parlée régulièrement» quant à elle, permet de mesurer combien de personnes qui ont fait une substitution linguistique, parlent encore leur langue maternelle (p. 106-107 et 122-124). À l'opposée, elle peut faire état d'un processus de francisation ou d'anglicisation en cours chez des personnes qui parlent toujours le plus souvent leur langue maternelle au foyer (p. 104-105 et 119-121).

Enfin, si les tendances lourdes se poursuivent pendant encore 3 ans et demi (p. 21-59), le recensement de 2016 devrait ajouter au tableau 2 une proportion de 79% dans la colonne «Français seulement» et une autre de 2,5% dans la colonne «Multiples avec français». Ce qui donnerait 81,5% au total, soit un recul supplémentaire d'un point.

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