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Le Québec est encore, et pour longtemps, champion du bilinguisme au Canada

Après bientôt 40 ans de loi 101, le Québec est un modèle de bilinguisme individuel à donner en exemple au reste du Canada.
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Périodiquement, on peut lire les propos de certains commentateurs alléguant un soi-disant refus de l'anglais au Québec. Rappelons qu'à l'automne 2012, M. Stephen A. Jarislowsky, président d'une importante société de placements, nous avait servi quelques semonces. À l'entendre, le Québec voulait «maintenir le peuple dans l'ignorance» en supprimant «l'anglais pour que le français puisse survivre». Il osait ajouter que «nulle part ailleurs [qu'au Québec], l'apprentissage de l'anglais n'est découragé». Devant de telles billevesées, j'ai réagi ici-même le 18 octobre 2012 dans le Huffington Post Québec.

Dans un petit essai aux dimensions autobiographiques intitulé Mauvaise langue (Éditions Somme toute, 2016), M. Marc Cassivi reprend à son compte cette étrange perception du bilinguisme au Québec. Il écrit que «ce n'est pas en s'empêchant d'apprendre correctement une autre langue, et en se refusant précisément à l'apprentissage de l'anglais, que l'on assurera collectivement, d'une quelconque façon, la survie du français» (p. 43). Or, cette étrange affirmation relève chez Cassivi du domaine de la foi : «Je le croyais à 18 ans, je le crois toujours», précise-t-il (p. 43).

Le bilinguisme au Canada

Or, les données canadiennes sur le bilinguisme battent en brèche une telle croyance. Après quatre décennies de loi 101, le Québec reste toujours le champion du bilinguisme français-anglais au Canada. À cet égard, les francophones du pays demeurent un modèle pour les autres groupes linguistiques.

En 2011, le Canada recensait 5,8 millions d'habitants en mesure de s'exprimer en français ou en anglais, soit 17,5 % de sa population totale. Or, plus de la moitié de ces bilingues étaient de langue maternelle française (3,1 millions, ou 54 %), laissant loin derrière les Canadiens de langue maternelle anglaise (1,7 million, ou 29 %) et de langues maternelles tierces (765 000, ou 13 %). Un peu moins de 4 % des bilingues (215 000 personnes) ont déclaré plus d'une langue maternelle (Statistique Canada, Recensement de 2011, Langues).

En somme, la palme du bilinguisme au Canada revenait largement à sa minorité francophone, qui ne comptait pourtant que pour 21 % de la population en 2011. Quant à la majorité anglo-canadienne, dont on dit qu'elle est envoûtée par les cours d'immersion pour l'apprentissage du français, elle apportait moins de 3 bilingues sur 10 alors que son poids démographique était de 57 %.

Voilà pour les groupes linguistiques dans l'ensemble canadien. Mais qu'en était-il de l'importance du Québec dans le bilinguisme de langues officielles de la Confédération canadienne?

Le bilinguisme au Québec

En 2011, plus de 57 % des bilingues du Canada étaient recensés au Québec. Au nombre de plus de 3,3 millions de personnes, ces Québécois se déclaraient aptes à converser en français ou en anglais, laissant moins de 2,5 millions de bilingues dans les 9 provinces et les 3 territoires majoritairement anglophones du Canada. Ainsi, bien que le Québec ne comptât que pour 23,6 % de la population canadienne en 2011, il ralliait une nette majorité de bilingues.

Mais allons encore un plus loin en considérant les langues maternelles des Québécois bilingues. Majorité oblige, on ne devrait pas s'étonner que 7 bilingues québécois sur 10 étaient alors de langue maternelle française. Dépassant 2,3 millions de personnes, ces Québécois bilingues formaient à eux seuls plus de 40 % des bilingues de tout le Canada.

Par ailleurs, nos anglophones et allophones n'étaient pas en reste. En effet, les 406 000 Anglo-Québécois bilingues du Québec formaient à eux seuls 24 % des Canadiens de langue maternelle anglaise aptes à parler le français. Pourtant, les anglophones du Québec ne comptaient que pour 3% des 18,9 millions de Canadiens de langue maternelle anglaise dénombrés en 2011.

Quant aux Québécois de langues maternelles tierces qui pouvaient s'exprimer en français comme en anglais - ils étaient de fait trilingues, voire plus -, ils représentaient près de 63 % de tous les allophones du Canada en mesure de parler les deux langues officielles du pays.

Le Québec et l'Ontario

Au temps de la loi 101 votée en 1977, le gouvernement souhaitait l'avènement d'un «Québec aussi français que l'Ontario est anglais». J'ai à quelques reprises mis à jour les données comparatives à cet égard afin de mesurer le chemin parcouru (p. 297-325). Ce type de comparaison est applicable à la question du bilinguisme examiné dans ce billet.

En 1971, l'Ontario a recensé 259 000 résidents de langue maternelle anglaise aptes à parler les deux langues officielles du Canada (4,3 %). Or, en lui appliquant le taux de bilinguisme des francophones du Québec de cette époque, le démographe Louis Duchesne estimait que l'on aurait dénombré en Ontario 1,5 million de bilingues, soit près de 26 % de la population de la province la plus importante du pays. Le bilinguisme aurait alors été 6 fois plus important.

Quarante ans plus tard, bien que le bilinguisme des Anglo-Ontariens ait progressé jusqu'à 694 000 personnes en 2011 (soit 8 % de la population ontarienne de langue maternelle anglaise), on aurait recensé 3,3 millions de bilingues, ou 38 % des effectifs, si le taux de bilinguisme des anglophones de l'Ontario avait été à la hauteur de celui des francophones du Québec.

Après bientôt 40 ans de loi 101, le Québec reste un modèle de bilinguisme individuel à donner en exemple au reste du Canada, notamment aux Ontariens anglophones.

Le recensement de 2016, présentement en cours, devrait confirmer ce constat empirique, confondant ainsi les idéologues comme Marc Cassivi qui «croient» qu'il n'y a «qu'au Québec [...] que le bilinguisme est perçu [...] comme une tare, voire un vice rédhibitoire» (p. 43). Plutôt que de «dissimuler [leur] bilinguisme comme une maladie honteuse» comme le pense M. Cassivi (p. 63), de nombreux Québécois francophones sont souvent portés à privilégier l'anglais au français.

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