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Le déséquilibre systémique et récurrent entre universités anglophones et francophones

Il existerait un déséquilibre systémique et récurrent: alors que la population anglophone du Québec compte pour moins de 9 % de la population totale, les universités anglophones du Québec recevraient quelque 25 %, et plus, des fonds du gouvernement québécois et quelque 35 % de l'aide du gouvernement fédéral. Ceci revient à dire que les universités québécoises francophones ne reçoivent pas leur juste part.
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McGill

L'analyse porte sur la donne à l'effet que le secteur universitaire anglophone serait surfinancé par rapport à la population anglophone québécoise, ce qui exacerberait le traitement inéquitable dont font l'objet les centres universitaires francophones canadiens.

Au Québec

Il existerait un déséquilibre systémique et récurrent: alors que la population anglophone du Québec compte pour moins de 9 % de la population totale, les universités anglophones du Québec recevraient quelque 25 %, et plus, des fonds du gouvernement québécois et quelque 35 % de l'aide du gouvernement fédéral. Ceci revient à dire que les universités québécoises francophones ne reçoivent pas leur juste part.

En ce moment, tout favorise les universités anglophones et la langue anglaise au sein des institutions universitaires, dans le monde et y compris au Québec où les trois universités anglophones reçoivent 27 % des subventions normées, alors que les Québécois de langue maternelle anglaise ne représentent que 8,2 % (2006) de la population. À Montréal, ville où se joue l'avenir du français en Amérique du Nord, les deux universités anglophones, McGill et Concordia, comptent environ 57 % des professeurs. («Les disparités du système québécois de financement des universités» par le politologue Marc Chevrier. l'Encyclopédie de la francophonie, mars 2008.).

Si le gouvernement du Québec nivelait ses subventions aux universités anglophones au prorata de la population anglophone du Québec, on dégagerait du coup un financement accru pour les universités francophones; elles pourraient ainsi être plus compétitives et répondre aux besoins du Québec francophone ainsi qu'au développement des activités innovatrices au sein de la Francophonie.

Selon d'autres chercheurs, comme Frédéric Lacroix et Patrick Sabourin (Le financement des universités: le non-dit, L'Action nationale, octobre 2004), aucune province ne finance un système universitaire complet pour sa minorité de langue officielle, hormis le Nouveau-Brunswick et le Québec. On observera même une hausse préférentielle du financement des universités anglophones depuis 2003: la part du financement du secteur anglophone passa de l'ordre de 23 % à plus de 27 % en 2008 (vraisemblablement liée à la multiplication des programmes tous azimuts de l'université Concordia et à ses investissements immobiliers).

Le classement des 10 meilleures universités canadiennes (en anglais)

Le billet se poursuit après la galerie

#191: University Of Waterloo

Best Canadian Universities

De plus, nous observons que l'Ontario a opté pour une forme de bilinguisation des institutions universitaires qui ressemble à une mise sous tutelle; et que globalement les francophones de l'Ontario n'ont pas d'université francophone (des universités bilingues certes, ou des « campus » sous l'administration d'universités anglo-saxonnes).

Pour une question de justice, certains affirmeraient qu'il serait temps que le réseau d'enseignement anglophone québécois ne soit subventionné qu'au prorata de la proportion de la population anglophone du Québec; d'autres que le dédoublement et le surfinancement du réseau anglophone québécois influerait grandement sur les coûts structurels du système universitaire québécois, qu'il faudrait un seul système d'enseignement supérieur; d'autres, que Concordia, pourrait être bilingue et que la pertinence de son financement soit remise en question dans les domaines où elle ne professe qu'une réplique de ce qui se fait ailleurs (UQÀM, HÉC, ou l'excellente Université McGill, par exemple).

Convenons qu'un compromis sur le niveau de financement, peut-être de l'ordre de 20 %, pourrait sans doute convenir à court terme, car on ne peut pas pénaliser les acquis et la progression vers l'excellence de l'Université McGill, laquelle constitue un trésor qu'il faut entretenir, et non livrer en pitance à des critiques faciles.

Insistons alors sur la nature objective de l'intervention de rationalisation qui s'impose. Un juste équilibre ne peut que reposer sur des propositions fondées; et la sagesse enseigne que des prises de position excessives nuiraient plus qu'elles ne contribueraient à conférer des avantages comparés au réseau universitaire québécois et à la société québécoise.

Le sort que le Canada réserve aux francophones hors-Québec

Mais, il ne faut pas non plus être naïf. Une connaissance éclairée de l'Histoire nourrit le jugement critique. Des lois anti-français ont dans presque toutes les provinces anglophones interdit l'enseignement en français, le financement public était carrément détourné au profit du système anglo-conforme. Privés d'un système d'éducation et d'enseignement supérieur (les communautés religieuses auront pris la relève des institutions d'enseignement, enseignant en français après les heures de classe, etc, et se consacrèrent aussi à l'organisation de services sociaux et hospitaliers...) et marginalisés sous le flot de l'immigration massive anglotrope, il ne faut pas s'étonner que les Canadiens-français hors Québec affichent un si haut taux d'assimilation.

Précisons encore que les résultats d'une étude du Commissariat aux langues officielles de janvier 2008 mentionnent que seulement 12 % du financement pour la recherche est consenti aux universités en situation minoritaire et que cette proportion chute à 4 % quand on ignore les universités anglophones québécoises : les universités francophones sont nettement désavantagées. Dans un tel contexte, la surpondération du financement concédé aux universités anglophones du Québec amplifie le déséquilibre auquel est soumis l'ensemble des Canadiens-français. Comprenons qu'encore aujourd'hui l'Ontario n'a aucune université totalement francophone, et que le développement des communautés francophones est régi par les "Francophones Affairs". L'étreinte de la Confédération s'exerce encore jusqu'à la disparition de communautés francophones; elle conditionne toujours les hauts taux d'assimilation .

Une question de conscience nationale

Ainsi, la question du sous-financement des universités francophones au Canada ouvre une question subsidiaire importante. Il faut bien comprendre, nonobstant les allégeances politiques, qu'à l'étreinte de la confédération se jumelle ici au Québec une forme pernicieuse d'ambivalence sociale (Ambivalence: coexistence d'émotions intenses, mais opposées, esprit divisé; définition d'une maladie mentale). Car pour quelle raison creuse t-on ainsi le déséquilibre du financement en faveur du réseau anglophone? Par peur de déplaire, d'indisposer; par insécurité, l'incohérence permettant un évitement à un inconfort psychosocial; par infériorisation volontaire, par manque d'imagination? La classe dirigeante anglomane mériterait peut-être l'administration d'une psychanalyse de groupe!

À la dissymétrie esquissée se jumelle le déséquilibre migratoire en faveur des universités anglophones, tant et si bien que le surfinancement des universités anglophones sert en partie à instruire une population migrante originaire de pays anglophones ou à angliciser définitivement une partie des allophones accueillies par la société distincte, distinctement naïve et ambivalente!

En regard du recrutement d'étudiants étrangers dans les universités anglophones du Québec, ne serait-il pas normal d'accompagner les conditions avantageuses (droits de scolarité, porte ouverte à l'immigration...) de conditions d'apprentissage de la langue française, notamment par le développement de bourses et de conditions d'accueil à la société francophone? L'extension de l'enseignement en français ou du moins de cours en français à l'université correspond à un puissant moyen d'expansion de la langue notamment dans les domaines scientifiques et techniques. Le combat pour la place du français dépend la perception d'utilité de la langue dans ces domaines et les emplois qui découlent de l'innovation.

Ainsi, les injustices historiques et ses impacts encore pressants font apparaître plus choquante la croissance du financement public consenti à l'Université Concordia, université récente (issue de la fusion de deux institutions plus petites en 1974, sa progression relève en partie d'un marketing du savoir fragmenté et de projets immobiliers diversifiés), dans un contexte où celle-ci était en peloton de queue du classement des universités (MELS, Veille ministérielle - 2004: les 500 meilleures universités au monde. Rang mondial des universités québécoises.). Le gouvernement québécois aura financé des cours, des programmes ou des investissements immobiliers dans des domaines où elle reproduisait ou aurait fait un double emploi de ce qui se faisait dans d'autres universités montréalaises.

Certes son cadre stratégique aura été très dynamique, et l'UQÀM pourrait en tirer leçon. Mais le mode de financement public aura encouragé des relations stratégiques visant à obtenir une part croissante du financement des trois niveaux de gouvernement (extrait des documents sous Concordia).

Dans un contexte de ressources financières limitées et de sous-financement des universités, cette croissance tentaculaire devrait à tout le moins être évaluée avec circonspection. Quant au reste? Lla fragilité de la vitalité du français au Canada et le sous-financement des universités francophones à travers le Canada pourraient peut-être inciter à transférer une partie des fonds consentis à l'Université Concordia à des services universitaires francophones de l'Ouest ou aux campus de l'université Laurentienne bilingue desservant les populations francophones de Sudbury et de Hearst, en Ontario, à titre de contribution solidaire de la société québécoise aux communautés francophones défavorisées du Canada-anglais! Le destin de l'université Concordia, si elle veut croître utilement ne serait-il pas de devenir une université bilingue ?

Tout ce déséquilibre ne pourrait-il pas être revu à la lumière de la responsabilité morale et stratégique du Québec envers les communautés francophones hors Québec?

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