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Le passé imparfait: nouvelles du «Comandante» Fidel Castro Ruz (2/2)

Le colonel Juan Reinaldo Sanchez fournit des précisions sur la famille de Castro, sur l'aréopage avec lequel il passe le plus clair de son temps et sur la vingtaine de résidences que possède le patron à Cuba.
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Dans la première partie de ce texte, nous avons présenté celui qui fut, durant dix-sept, le garde du corps principal de Fidel Castro, le colonel Juan Reinaldo Sanchez. Celui-ci nous révèle que le «Comandante» possède, au sud de Cuba, une île, Cayo Piedra, entièrement équipée pour y passer du bon temps et dotée de tout un arsenal pour protéger le patron au cas où on attenterait à sa vie. Il dispose même d'un vivarium de tortues pour sa consommation personnelle. Sanchez fournit des précisions sur la famille de Castro, sur l'aréopage avec lequel il passe le plus clair de son temps et sur la vingtaine de résidences que possède le patron à Cuba. Révélations qui contredisent l'image que Castro a toujours projetée de lui-même et de son mode de vie.

Grand ponte de la Révolution des travailleurs, l'aîné des Castro oblige les entreprises étrangères, qui embauchent des travailleurs cubains à passer par des agences d'État qui leur chargent, par exemple, 750$ par mois pour les services d'un employé(e), qu'ils paient ensuite autour de 450 pesos par mois (11). Cette plus-value, comme le dirait Marx, retourne directement dans les goussets de la Nomenklatura, sans aucune forme de sentiment de culpabilité révolutionnaire.

En 1980, sur l'île de la Jeunesse au sud de Cuba, le patron décide de ressusciter La Dolita, une mine d'or qui rapportera un peu plus tard une somme de 70 kilos d'or, émoluments qui prendront également la direction de «La reserva». Nous apprenons qu'il dispose aussi d'un parc automobile complet et varié, qu'il dissémine, telles des friandises aux pauvres bambins d'une favela, selon sa bonne volonté. Sans oublier le fait que toutes les entreprises de Cuba sont sous le contrôle de trois superstructures administratives : le Minfar (12) le Minint et le Conseil d'État. Et Fidel supervise et décide de tout ce qui touche aux affaires de ces (ou ses) compagnies nationales. Il peut y faire la pluie et le beau temps, déplacer des employés et même aller jusqu'à faire emprisonner quelques spécimens «délinquants» à titre de contre-exemples, s'il décide de jouer au loup dans la bergerie. De plus, il explique que le Département MC se livre à toutes sortes de ventes, de trafics et qu'il procède à l'édification de sociétés-écrans destinées à contourner l'embargo tant décrié, qu'impose l'ultra coupable voisin étasunien. Le colonel Sanchez écrit que «Cuba est la «chose» de Fidel» (13). D'une certaine manière, il avait (14) la main mise sur tout le capital économique et humain de «son île».

C'est en juillet 2006 que Castro a été officiellement déclaré malade et incapable de vaquer à ses trop nombreuses fonctions à la tête de l'État. Pourtant, Sanchez nous informe qu'il a subi une première crise en 1983, l'obligeant à adopter un nouveau régime alimentaire et à modifier certaines habitudes. En 1992, il a vécu une très sérieuse rechute, passant même à quelques centimètres du trépas.

Au mois de juin 1989 se produit un événement qui a entraîné une secousse terrible au pays de la révolution caraïbe. Le Général Arnaldo Ochoa, héros national de la guerre d'Angola et personnage hautement charismatique, est cité à procès avec treize autres compagnons, accusés de trafic de drogues. Un énorme procès-cirque, à la manière des archaïques procès staliniens ou maoïstes, lequel aboutit à la condamnation à mort d'Ochoa, de Tony de La Guardia et de deux de leurs proches.

Commotion nationale !

Sanchez, brutalement ébranlé (15) explique vingt ans après ces événements dramatiques, que cet ignoble verdict était destiné à détourner l'attention d'un trafic de cocaïne dont il, Fidel Castro lui-même, était le grand manitou. Inutile d'expliquer où devaient se rendre les profits de ce trafic. Presque au même moment, Jose Abrantès, le puissant chef du Minint et proche collaborateur de Fidel, subit le même sort. Condamné à vingt ans de réclusion, il meurt en 1991 dans des circonstances plus que nébuleuses, derrière les grilles suintantes de son cachot. C'est à partir de ces événements démentiels que le tout dévoué colonel Sanchez commence à dégringoler de son piédestal idéologique et de sa fascination servile pour le Caballo.

De quelques faits ou événements confirmés ou reconfirmés par Sanchez

La passionaria de la révolution, Célia Sanchez, habitait un appartement du quartier Vedado, nommé le «Once» (16). Officier de la sécurité affecté au «Once», avant de joindre la garde prétorienne du patron, Sanchez confirme que jusqu'à sa mort en 1980, Fidel Castro se rendait chaque jour chez sa collaboratrice et maîtresse. Alors, mouche à ceux qui affirmaient que la dame était une disciple de Sapho !

Plusieurs racontent que le «jefe» a fait une vie austère. Cela serait totalement faux, car même si Fidel n'aimait pas le luxe ostentatoire et qu'il n'était pas fétichiste face aux objets, il vivait dans l'abondance, le confort et la satisfaction de ses caprices de diva de la révolution. Par exemple, à Punto Cero, il exigeait que ses sous-vêtements soient lavés à la blanchisserie du Palacio et non par le personnel de sa résidence. À celle-ci, chaque membre de la famille possédait sa propre vache numérotée, afin de satisfaire les goûts laitiers de toute la maisonnée. En plus d'être un égoïste sans vergogne, Fidel n'éprouverait aucune empathie pour les autres humains, possèderait une vision utilitariste des personnes qui l'entourent et il n'hésiterait nullement à mentir ou à manipuler ses proches, afin de réaliser ses objectifs ou à satisfaire ses obsessions.

Bien qu'il ait eu d'assez nombreuses maîtresses, il a boudé Dalia durant un mois, la soupçonnant d'adultère avec un chauffeur qui, par ailleurs, n'a jamais été revu ensuite... Deux poids, deux mesures, voilà l'égalité selon le grand vainqueur de la révolution.

Sanchez confirme et fournit d'amples détails en lien avec les nombreux soutiens que Fidel a octroyés aux différentes guérillas mondiales (17) et spécifiquement, à celles d'Amérique latine. Il revient longuement sur l'implication cubaine en Angola, de 1975 à 1992, laquelle a occasionné des milliers de morts et blessés cubains, sans oublier l'énorme ponction effectuée dans le trésor public, dont a énormément souffert le peuple, jamais consulté ni récompensé. Castro s'est largement impliqué dans les événements chiliens des années 1970, de même que ceux du Nicaragua, du Salvador, de la Grenade, de la Colombie et du Venezuela.

Fidel n'a accordé sa confiance totale qu'à son frère Raul qui l'adule et le craint en même temps. Sanchez raconte l'épisode où Raul a sombré dans la dépression et l'alcool, à la suite de la cynique affaire Ochoa-Abrantès, craignant que la même chose ne lui arrive un jour. Pour l'extraire de ce marasme psychologique, Fidel a dû rencontrer son frère et lui promettre que cette fin inique ne lui serait jamais imposée.

Fidel a bénéficié d'une très grande chance, laquelle hélas, a fait le malheur du peuple cubain depuis cinquante-cinq ans. Cuba est une île, réalité qui facilite la survie d'un régime totalitaire. Ce qui nous conduit à nous demander si ce dernier survivra à la mort de ses héros fondateurs ? Quand nous savons que le pays vit largement, depuis la fin de la «période spéciale» 18 de l'industrie du tourisme et que celle-ci est largement entre les mains des technocrates du Minfar, on peut douter que ces derniers renonceront facilement à abandonner leur main mise sur le peuple tout autant qu'à leurs nombreux privilèges, sans y être forcés ?

Fidel, Raul et les autres ont bâti un énorme château fort kafkaïen et se sont accaparé des richesses et profits de la nation. Leur progéniture systémique procédera-t-elle à des changements qui mèneront Cuba vers la «normalité» économique et sociale ? Grâce aux témoignages et analyses d'acteurs de premier plan tel Juan Reinaldo Sanchez, il nous est loisible de mieux comprendre le castrisme et l'histoire du Cuba des cinquante-cinq dernières années, une société à la fois forte et pourtant si fragile. (19)

Pour lire la 1ère partie de ce billet en deux volets, c'est ici

(11) Autour de 16 CUC mensuel : 17.23 CDN, en date du 15 juillet 2014.

(12) Ministère des forces armées

(13) Opus déjà cité, page 247.

(14) Dorénavant, il serait plus juste d'employer l'imparfait de l'indicatif.

(15) Fidel oblige Sanchez et ses proches du cercle intime à regarder la vidéo de l'exécution.

(16) Littéralement, le Onze.

(17) Soutien notamment à l'OLP, à l'ETA basque, sans négliger le financement, l'entraînement et la formation de la guérilla mondiale au camp de Punto Cero de Guanabo.

(18) «La période spéciale en temps de paix», désigne la situation de grande pénurie qui a suivi la perte du soutien soviétique à Cuba et avant le développement rapide de l'industrie touristique.

(19) Parmi les Cubain(es) en exil qui ont publié leurs témoignages : Juan Vivès, Jorge Valls, Miguel Martinez, Eduardo Manet, Zoé Valdès, Jacobo Machover, Huber Matos, Juanita Castro, Reinaldo Arenas...

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