Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Harper à Kinshasa

Le 14e Sommet de la Francophonie s'est terminé il y a quelques heures à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Une quinzaine de dirigeants étrangers ont fait la route jusqu'à «» dont, étonnamment, Stephen Harper et Pauline Marois. Les critiques sur leurs présences et sur l'organisation même du Sommet dans un pays traversé par la pauvreté extrême, les guerres et les violations quotidiennes des droits furent nombreuses.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
AFP

Le 14e Sommet de la Francophonie s'est terminé il y a quelques heures à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Une quinzaine de dirigeants étrangers ont fait la route jusqu'à « Kin la belle » dont, étonnamment, Stephen Harper et Pauline Marois. Les critiques sur leurs présences et sur l'organisation même du Sommet dans un pays traversé par la pauvreté extrême, les guerres et les violations quotidiennes des droits furent nombreuses. Cependant, les voix congolaises, des organisations de la société civile qui voient dans la tenue du Sommet un certain désenclavement de leur pays, ne trouvèrent que peu d'écho.

Pourquoi Kinshasa?

En 1991, un premier sommet de la Francophonie prévu à Kinshasa avait justement été déplacé vers Paris, en protestation des exactions du régime du dictateur Mobutu Sese Seko qui régna pendant 32 ans sur le pays qu'il avait alors rebaptisé Zaïre.

Joseph Kabila lui, trône sur la RDC depuis 2001, année de l'assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, lui-même tombeur de Mobutu. Sa réélection en 2011 fut entachée de multiples fraudes mais surtout, l'histoire se rappellera de sa Présidence comme de celle de l'incapacité de régler la crise à l'Est, certains dénonçant même la collaboration avec les rebellions qui continuent encore aujourd'hui de tuer les populations avec le soutien du voisin rwandais. Faut-il le rappeler, ce sont plus de 5 millions de vies que les multiples guerres en RDC ont coutés depuis le départ de Mobutu. Encore aujourd'hui, la RDC compte un demi-million de déplacés de guerres, des civils congolais déracinés dans l'Est de leur pays, et au moins 100000 autres passés en Ouganda et au Rwanda. Ces populations subissent les pires sévices, souvent sexuels, et les agences internationales qui tentent de subvenir à leurs besoins de base n'y parviennent que partiellement, faute de moyens, mais surtout parce que les conflits perdurent et créent quotidiennement de nouveaux besoins.

Selon Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, le conflit à l'Est de la RDC devrait être un sujet dominant des discussions à huit clos entre chefs d'État : « Nous sommes solidaires d'un pays qui subit une épreuve terrible sur son flanc Est », dit-il, condamnant les violences faites aux femmes et l'enrôlement des enfants.

Nonobstant les affirmations de M. Diouf, il faut tout de même une forte dose d'optimisme pour imaginer pendant 5 secondes que les grands de ce monde feront effectivement des choix qui pourraient avoir des effets positifs à court ou long terme en RDC. La communauté internationale ferme constamment les yeux sur le sort des congolais et congolaises malgré ce qui est sûrement une des plus importantes catastrophe humanitaire depuis la 2e guerre. Cyniquement, on s'intéresse surtout aux incroyables richesses naturelles de son sol.

Un Canada intéressé

En fait, malgré le discours, ce sont des analyses géostratégiques et économiques qui justifient de ce nouvel intérêt de la Francophonie, donc de la France et de d'autres pays dont le Canada pour la RDC. Le sous-sol congolais offre des ressources incroyables et Kabila, délaissé et isolé par la communauté internationale s'est depuis longtemps tourné vers la Chine et les réseaux les plus illicites pour en tirer profit. Les minières canadiennes notamment sont parmi les premières à lorgner l'exploitation des richesses naturelles de la RDC et les investissements canadiens sont déjà majeurs dans ce secteur. Une plus grande ouverture vers Kabila pourrait encourager ce dernier à mieux répartir la manne et donc à assurer de meilleurs revenus aux minières canadiennes. Dans ce contexte, les « inquiétudes » du premier ministre Stephen Harper quant à la situation des droits de la personne en République démocratique du Congo (RDC) sonnent terriblement fausses.

D'ailleurs le « senfoutisme [[1]] » canadien est une vieille blague à Kinshasa Au plus fort de la présence des forces de maintien de la paix onusienne, plus de 16 000 hommes, le Canada n'était représenté que par 9 personnes dont aucun soldat. Le site du Ministère des affaires extérieures canadien précise avec fierté que le Canada déploie « jusqu'à six policiers civils au sein de la mission actuelle »!

En parallèle, le soutien aux organisations de la société civile congolaise, pourtant les premiers au front de la lutte pour les droits humains en RDC, fut réduit à néant, les fonds d'ambassades fermés et les projets via les organisations canadiennes de droits laminés. Sous Harper, la coopération canadienne ne s'est contenté que de faire des chèques vers des projets multilatéraux des institutions des Nations Unies dans les secteurs de la santé et le renforcement des institutions publiques dont la Banque centrale du Congo et le Ministère congolais des Ressources naturelles.

Et le Québec

L'histoire de la coopération québécoise avec la RDC est riche, mais notre présence actuelle est en sérieux déclin. Des organisations comme Alternatives et plusieurs autres, qui y ont par le passé géré d'importants programmes soutenant les organisations de la société civile congolaise, ont du se résigner à quitter le pays faute de moyens. Aujourd'hui, les autres membres de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale espèrent beaucoup du gouvernement québécois qui a promis de rapatrier les sommes, 800 millions annuellement, qui sont versées par les contribuables québécois pour la coopération afin d'assurer une gestion qui soit plus respectueuse des besoins locaux et non uniquement basée sur les intérêts économiques canadiens.

La présence de Pauline Marois à Kinshasa est-elle un signe?? Seul le temps le dira.

note: 1- expression kinoise: de s'en foutre

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.