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L'exportation de l'énergie éolienne, une source de profits boudée par Hydro-Québec

Il faut cesser de faire croire aux Québécois que l'éolien coûte cher. Ce qui coûte cher, c'est plutôt la décision d'Hydro-Québec de ne pas exporter cette énergie de grande valeur.
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Depuis des années Hydro-Québec s'est lancée dans une campagne de dénigrement systématique contre l'éolien pour justifier ses hausses de tarif auprès de la population. Selon la Société d'État, l'énergie éolienne coûte plus cher qu'elle ne lui rapporte. C'est vrai, mais la raison en est fort simple : Hydro-Québec a fait le choix de vendre cette énergie moins cher qu'elle ne vaut réellement.

Actuellement, l'énergie éolienne produite au Québec est revendue sur le marché domestique à près de 7 cents du kWh aux clients résidentiels. Cette énergie coûte à Hydro-Québec, en moyenne, 9,4 cents du kWh. Or, si la Société d'État décidait de l'exporter, elle pourrait en obtenir 14,4 cents du kWh et faire ainsi 5,0 cents de profits par kWh. Compte tenu des 6,9 TWh d'énergie éolienne produite au Québec chaque année, Hydro-Québec se prive de revenus potentiels de 345 millions de dollars en raison de sa stratégie commerciale.

Ce prix à l'exportation pourrait être obtenu grâce aux importantes primes à l'environnement accordées à l'énergie éolienne sur le marché de la Nouvelle-Angleterre. En 2014, cette prime représente 6,4 cents par kWh, celle-ci s'ajoutant au prix moyen de 8 cents obtenu par Hydro-Québec pour la vente de son électricité à l'exportation, c'est 14,4 cents du kWh qu'Hydro-Québec pourrait espérer obtenir pour l'énergie éolienne.

La valeur de cette prime s'explique par la pénurie d'énergie à haute valeur environnementale offerte sur le marché de la Nouvelle-Angleterre. Ces états n'arrivent pas à atteindre les cibles d'approvisionnement en énergie verte qu'ils se sont données. Malgré les souhaits d'Hydro-Québec, l'électricité venant de ses grandes centrales hydrauliques n'est pas encore reconnue comme une énergie « verte » en regard de ces cibles. Mais l'énergie éolienne, oui. D'où l'importance qu'Hydro-Québec saisisse cette opportunité commerciale.

Un rapport d'expert, commandé par l'Association québécoise des producteurs d'énergie renouvelable (Alvaro E. Pereira/La Capra Associates, 2014), démontre que la pénurie d'énergie verte sur le marché de la Nouvelle-Angleterre est là pour durer, que la prime se maintiendra à un prix élevé au cours des prochaines années et que rien n'empêche Hydro-Québec de proposer son énergie éolienne sur ce marché.

À la lumière de ces informations, nous croyons qu'il faut cesser de faire croire aux Québécois que l'éolien coûte cher. Ce qui coûte cher, c'est plutôt la décision d'Hydro-Québec de ne pas exporter cette énergie de grande valeur.

Une attitude irresponsable de la part d'Hydro-Québec

Non seulement est-il injustifié d'attribuer les hausses de tarif à l'énergie éolienne, mais la stratégie d'Hydro-Québec de faire de cette industrie son bouc émissaire risque de porter un dur coup à l'économie du Québec. La filière éolienne procure près de 5 000 emplois dans la province, majoritairement dans la région de Montréal, mais aussi dans des régions où l'économie est plus vulnérable, comme en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent. Si on renonce à construire de nouveaux parcs éoliens, ces emplois vont disparaitre.

Il est important de rappeler aussi que les projets éoliens actuellement en développement au Québec sont des projets communautaires et une part importante des profits reviendra dans nos communautés. Au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, les municipalités et les MRC se sont regroupées afin de participer collectivement à l'appel d'offres pour l'achat d'énergie éolienne qui est en cours. Ce regroupement, basé sur des principes de solidarité régionale, vise à faire profiter des retombées des nouveaux parcs éoliens à un maximum de citoyens. Ainsi, grâce à cette initiative, 300 000 contribuables se partageront 50 % des profits des parcs éoliens qui seront érigés dans ces deux régions. Beaucoup de chemin a été fait depuis les premiers appels d'offres où, malheureusement, on a laissé l'entreprise privée exploiter à son seul profit la ressource éolienne collective.

Une exigence de transparence

« Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ». Cette expression, tirée d'une pièce de Molière, semble s'appliquer à l'acharnement d'Hydro-Québec envers l'énergie éolienne. Il est en effet de notoriété publique que la Société d'État s'est fait imposé par le gouvernement l'achat d'une forme d'énergie dont elle n'a jamais voulu et à laquelle elle n'a jamais cru. Depuis, la Société d'État profite de tous les prétextes pour dénigrer l'éolien, quitte à l'accuser d'une situation dont elle est, elle-même, responsable.

Hydro-Québec refuse de rentabiliser ses achats d'énergie éolienne en exportant cette électricité vers la Nouvelle-Angleterre. L'opacité de l'appareil décisionnel de la Société d'État ne nous permet pas de connaître les véritables raisons de ce choix. C'est pourquoi il nous apparaît urgent que le gouvernement exige qu'Hydro-Québec fasse preuve d'une plus grande transparence dans ce dossier.

Peu importe les raisons pour lesquelles Hydro-Québec se refuse de rentabiliser ses achats d'énergie éolienne sur les marchés d'exportation, la Société d'État doit cesser de faire payer le prix de ce choix par ses clients québécois et par l'industrie éolienne.

Nous saluons l'initiative du ministre Pierre Arcand de mettre sur pied un groupe de travail sur l'industrie éolienne, mais il serait important que toute la lumière soit faite sur les pratiques commerciales de la Société d'État, car il en va de l'avenir de cette importante industrie qui est à la merci Hydro-Québec. Nous croyons que seul un organisme indépendant, comme le bureau du vérificateur général, est en mesure d'informer correctement les Québécois en regard de la rentabilité de l'énergie éolienne à moyen et à long terme.

Nos régions ont été des pionnières dans le développement de l'industrie éolienne et plus particulièrement pour la Gaspésie et la MRC de la Matanie, l'industrie éolienne représente le fer de lance d'un renouveau économique pour nos collectivités. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser notre Société d'État saper par des pratiques commerciales discutables plus de dix ans d'efforts pour offrir à notre population des emplois et un meilleur avenir économique. En ce sens, nous offrons au ministre Arcand toute notre collaboration pour participer à la réflexion qui s'impose sur l'avenir de l'industrie éolienne, car il en va de notre propre avenir.

Ce texte est cosigné par Richard Saint-Laurent, maire de Nouvelle et président de la Régie intermunicipale de l'énergie Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et Michel Lagacé,

maire de Saint-Cyprien, président de la CRÉ du Bas-Saint-Laurent et président d'Énergie éolienne Bas-Saint-Laurent, S.E.N.C.

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Avril 2018

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