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Le tabac et le surplus du consommateur

Le «surplus du consommateur» est le nom que la théorie économique donne à l'avantage net que l'individu tire d'un produit qu'il décide de consommer ou d'une activité qu'il choisit de pratiquer.
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La grande majorité des gens ne fument pas ou ne fument plus, et acceptent sans se poser de questions certaines idées reçues. Le tabac étant dangereux pour la santé, il faut donc protéger les fumeurs - même ceux qui choisiraient, disons, de fréquenter leurs propres bars et restaurants. Et on peut compter sur l'État pour réglementer et interdire à cette fin.

Et si les fumeurs trouvaient un avantage à leur «vice», et qu'il était possible de l'expliquer d'un point de vue économique ? La réponse pourrait se trouver dans le concept du surplus du consommateur.

J'ai trouvé, dans la dernière livraison de Regulation, un article de Pierre Lemieux qui aide à comprendre et analyser cette question. Pierre Lemieux est économiste, professeur associé au Département des sciences administratives de l'Université du Québec en Outaouais, ainsi que senior fellow à l'Institut économique de Montréal. Regulationest le magazine trimestriel du Cato Institute, à Washington.

D'entrée de jeu, le professeur Lemieux aborde la question de l'emballage neutre des produits du tabac, qui constitue la nouvelle frontière des militants antitabac. Incidemment, mon collègue Youri Chassin, de l'IEDM, a récemment publié un cahier de recherche (en anglais) sur le sujet. En effet, le gouvernement fédéral a l'intention d'imiter le gouvernement de l'Australie et de quelques autres pays en imposant la mesure au Canada.

Il y a quelques années, j'ai moi-même écrit un article sur la tendance qu'a le «gouvernemaman» de nous contrôler pour notre propre bien: «Je ne veux pas dire que les autorités canadiennes de la santé publique sont fascistes ou communistes, écrivais-je. En fait, une de mes proches voisines travaille pour Santé Canada dans le domaine des politiques antitabac, et elle est la personne la plus sympathique que l'on puisse imaginer. Elle a les meilleures intentions au monde.»

Cependant, les intentions vertueuses ne suffisent pas. En fin de compte, la question est celle que Lemieux et moi posons: ne doit-on pas supposer que les consommateurs sont capables de peser les coûts et les avantages des produits dont l'usage est plus risqué et faire leurs propres choix? Et est-ce que ce principe ne s'applique pas au tabac?

L'analyse économique part du principe que chaque individu fait ses propres choix sur la base de ses préférences et des coûts et risques impliqués.

L'analyse économique part du principe que chaque individu fait ses propres choix sur la base de ses préférences et des coûts et risques impliqués. Comme l'explique Lemieux, «les économistes ont l'habitude de considérer les préférences comme le critère final» (de ce qui est bien). Ces préférences constituent le fondement de la méthode de l'analyse avantage-coût.

Le «surplus du consommateur» est le nom que la théorie économique donne à l'avantage net que l'individu tire d'un produit qu'il décide de consommer ou d'une activité qu'il choisit de pratiquer. Lemieux cite Ezra Mishan, un économiste bien connu et pionnier de l'analyse avantage-coût, qui écrivait: «Le surplus du consommateur est le concept fondamental pour mesurer l'avantage social dans tout calcul avantage-coût.»

En 2014, neuf économistes se présentant eux-mêmes comme « un groupe d'économistes importants » ont soutenu que, s'agissant du tabac, seule une petite partie du surplus du consommateur doit être considérée comme un avantage. En évaluant les coûts et avantages sociaux de l'emballage neutre, le gouvernement de l'Australie a suivi et a simplement ignoré le surplus du consommateur - violant ses propres règles officielles concernant l'analyse avantage-coût.

Les deux arguments avancés pour ignorer le surplus du consommateur dans le cas des fumeurs sont que ceux-ci sont dépendants du tabac et mal informés quant à ses conséquences. En ce qui concerne le premier argument, d'un simple point de vue statistique, on compte plus d'ex-fumeurs que de fumeurs actuels. Et contrairement au second argument, les fumeurs, loin de sous-estimer les risques du tabac, les surestiment, comme le démontre la recherche du professeur Kip Viscusi, un expert en économie du risque.

Les activistes de la santé publique approchent ces questions de manière bien différente. Durant des décennies, ils ont tout simplement ignoré l'analyse économique. Peut-être que les gens qui font le choix de fumer y voient tout simplement un bénéfice pour eux, plus grand que les inconvénients, et qu'ils continuent à pratiquer leur «vice» aussi longtemps qu'ils considèreront que cet avantage est présent.

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