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L’île aux Perroquets, une expérience au bout du brouillard

Cette proximité intime avec la nature, ce sentiment de bout du monde, si rare aujourd'hui et si difficile à décrire... c'est plus qu'on aurait rêvé.
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Dans ce havre de paix, bien peu de choses ont changé depuis le XIXe siècle.
Michel Julien
Dans ce havre de paix, bien peu de choses ont changé depuis le XIXe siècle.

Chicoutai, vous connaissez ? C'est une petite baie nordique qui pousse sur la Côte-Nord. Elle devient d'un jaune doré quand elle est prête à être cueillie. Mais la Chicoutai dont je vous parle, c'est un gîte sympathique à Longue-Pointe-de-Mingan.

Après de (très) longues heures de route, nous y arrivons enfin. Les effluves agréables des églantiers et le beau sourire de Pauline nous souhaitent la bienvenue. Sur la grande galerie qui entoure la belle d'autrefois, se berce doucement Sylvain, le regard vers la mer. Il nous salue de la tête, les yeux bleus rieurs brodés de rides de vents. La maison arbore de jolies boiseries, des murs colorés et des meubles anciens.

Pauline nous montre notre chambre à l'étage, les salles de bain, le salon et la salle à manger. Ce soir, une dizaine de voyageurs y ont trouvé refuge pour la nuit. Pourtant on ne sent pas leur présence, la maison est silencieuse et notre chambre douillette nous appelle.

On se lève à l'aube pour prendre le premier bateau vers l'île aux Perroquets. Un délicieux tourbillon aux fraises et à la rhubarbe précède les crêpes aux bleuets de Pauline. Les sujets de conversations se multiplient autour de la table avec les autres clients venus faire de l'observation des oiseaux et vivre une aventure sur cette Île mystérieuse, située juste en face.

Le brouillard enveloppe le rivage et le quai, l'odeur de varech évoque des souvenirs de bord de mer. Des souches d'arbres érodées et tortueuses jonchent la grève çà et là. Un grand trottoir de bois ponctué de lampadaires borde la plage. Vers 11 h, paraît-il, la brume pourrait bien se lever. C'est son habitude; elle n'est pas très lève-tôt.

Le brouillard ne s'est toujours pas levé. Un bateau se dessine tranquillement à travers l'épais voile blanc. Le capitaine nous aide à monter à bord de son bateau, les puissants moteurs se mettent en marche. On nous tend chacun un manteau épais servant de veste de sauvetage.

Le trajet n'est que de 15 minutes. Barbara qui nous accompagne, sourit comme une enfant à la vue de son premier macareux moine qui vient tout juste de se poser sur les flots à côté du bateau. Une sterne pierregarin plonge devant nous, on croise aussi le vol d'un fou de Bassan et de plusieurs goélands argentés.

On ne discerne absolument rien devant nous quand le capitaine fait pourtant ralentir le bateau. Un quai recouvert d'algues se dessine. Louise, notre hôte sur l'Île, nous attend dans son petit véhicule tout terrain. Le capitaine nous salue de la main puis disparaît peu à peu dans la brume. Louise repart avec nos bagages vers la maison du phare.

Nous marchons tranquillement sur le seul sentier de l'île qu'il divise en deux. De part et d'autre se trouvent quelques bâtiments aux toits rouges ; le poulailler transformé en petit salon cosy, la maison de l'assistant où Barbara et Louise vont coucher et la maison du gardien du phare. On peut y dormir une douzaine de personnes, mais nous sommes les deux seuls clients ce soir.

Nous avons choisi la chambre avec vue sur le phare, mais pour l'instant la nature nous appelle et la découverte de l'île s'impose.

Un parfum doux et agréable s'en dégage, des odeurs qui me sont étrangères.

La brume envahit l'espace puis se disperse laissant apparaître sporadiquement les îles voisines. On entend les cris des oiseaux tout autour ; une véritable symphonie. Des hirondelles dessinent des arabesques en frôlant le sol juste devant nos pas. Des fleurs mauves, jaunes et blanches colorient l'épais tapis de verdure. Un parfum doux et agréable s'en dégage, des odeurs qui me sont étrangères.

Michel Julien

On descend au bord de la plage, sur les galets. Des centaines de macareux regagnent leurs nids installés entre les pierres des falaises. Ils sont magnifiques avec leurs gros becs colorés. On comprend pourquoi les anciens les appelaient perroquets de mer.

Le calme regagne l'île, il ne reste que la douce musique de la nature, les chants des oiseaux.

Après des heures à observer les oiseaux et à remplir toutes les cartes mémoires de nos appareils photo, nous nous posons pour un thé boréal sur des chaises de bois grisonnantes au pied du phare. Nous sommes face à la mer, mais tout est blanc. Le dernier bateau emportant les visiteurs et ornithologues est disparu dans le brouillard. Le calme regagne l'île, il ne reste que la douce musique de la nature, les chants des oiseaux. Un cri de huart au loin se fait entendre.

Après l'apéro, dans le joli poulailler reconverti en salon, la lumière se fait encore plus douce, on observe les macareux du haut de la falaise. Le temps semblant s'être arrêté, on se prend à imaginer la vie du Comte Henry de Puyjalon, un naturaliste passionné.

En 1874, sa famille ayant perdu fortune, il est venu refaire sa vie au Canada. C'est lui qui est devenu le 1 gardien du phare de l'île au Perroquet en 1888. Il aimait la solitude sur cette île coupée de tout. Il y emmena son épouse, fille de l'ancien premier ministre conservateur, Gédéon Ouimet. Ils y ont même eu leur premier enfant.

Dans ce havre de paix, bien peu de choses ont changé depuis le XIX siècle: le bruit de l'eau sur les rochers, le vent du large, les cris des oiseaux, le silence, les quelques bâtiments, les falaises, les champs de fleurs, les couchers de soleil et la lumière du phare, gardienne de la nuit et des marins sont restés les mêmes. À part peut-être le phare actuel qui a été construit en 1951 et les panneaux solaires qui alimentent l'île en électricité.

Après une nuit d'un sommeil réparateur, mon cadran sonne pour me rappeler de sortir voir le lever du soleil. Mais la brume recouvre encore l'île d'un épais manteau. La bruine ruisselle sur la fenêtre. Louise est au fourneau à préparer des scones. Le café percole sur le rond du poêle. On peut voir les bâtiments autour, le phare, le poulailler, la maison de l'assistant et la verdure autour de la maison, mais au-delà, tout est blanc. Que des oiseaux partout.

Un calme étonnant nous habite, la nature a fait son oeuvre.

On attend notre bateau pour le retour sur la terre ferme. Un calme étonnant nous habite, la nature a fait son oeuvre. Cette proximité intime avec la nature, ce sentiment de bout du monde, si rare aujourd'hui et si difficile à décrire... c'est plus qu'on aurait rêvé.

À propos de l'île aux Perroquets :

  • En saison on peut observer de sternes pierregarin, sternes arctiques, goélands à argentés, petits pingouins, guillemots à miroir, mouettes tridactyles et, bien sûr, les fameux macareux qui nichent sur l'île.
  • Les chambres sur l'île sont disponibles à partir du 25 juin. On peut compter environ 350 $ la nuit. On y mange très bien.
  • Une chambre en occupation simple au gîte La Chicoutée coûte 75 $ ou plus.
  • Longue-Pointe-de-Mingan, se trouve à 2 heures au nord de Sept-Île sur la route 138.
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