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CEIC: la culture de l'imposteur

Aucun parti politique, encore moins lorsqu'il est au pouvoir, ne peut ignorer les constats faits par la commission ni se soustraire à l'application de ses plus judicieuses recommandations.
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Les nombreux témoignages de politiciens, gestionnaires, syndicalistes, ingénieurs et mafieux entendus lors des audiences de la Commission Charbonneau nous révèlent ceux qui se sont avérés des imposteurs dans la gouvernance des villes, dans l'octroi et la gestion des contrats publics du domaine de la construction ou en matière de financement des partis politiques.

L'imposteur, c'est celui qui est passé «maître dans l'art de l'illusion»: il a su tromper tout le monde sous de fausses apparences de son respect des lois, des règles et des procédures, «nageant dans les faux-semblants comme un poisson dans l'eau». Pour un imposteur, «du crédit qu'il parvient à obtenir dépend le profit de son entreprise», comme le souligne Roland Gori*. C'est bien ce que la Commission d'enquête nous démontre: des dirigeants qui, par abus de confiance et/ou d'autorité, ont manœuvré politiquement et financièrement et obtenu ce qu'ils voulaient à leur profit.

Le rapport de la commission Charbonneau est sorti à un bien mauvais moment dans l'espace médiatique: entre les attentats de Paris, le débat entourant l'accueil des réfugiés syriens et la conférence de Paris sur le réchauffement de la planète. Le peu de blâmes formels faits aux exploiteurs de fonds publics en a étonné plus d'un, et la surprenante dissidence du commissaire Renaud Lachance a laissé nombre d'autres perplexes. D'ailleurs la distraction qu'a provoquée cette dissidence dans l'opinion publique a plombé la portée du rapport et malheureusement trop de journalistes n'ont retenu que cela.

Le bruit médiatique et politique qu'a généré cette dissidence ne doit faire perdre de vue qu'il n'y a pas d'imposteur sans un contexte qui en facilite l'éclosion, voire même la croissance, c'est-à-dire une culture favorable à l'imposture: une rhétorique politique complaisante sinon complice, des us et coutumes s'accommodant du mensonge et de l'opacité dans l'application des principes et des règles de gouvernance et de la saine gestion des fonds publics. Bref, le rapport permet de mettre en lumière les problèmes de morale et d'éthique qui affligent notre société et auxquels est perméable l'administration publique au Québec.

Dans son roman La montagne magique, Thomas Mann postule qu'il y a deux façons de fuir la réalité dans la vie de société: soit en la réduisant à sa seule dimension juridique, soit en l'idéalisant. En fuyant la réalité de la vie de la société, on se trouve donc à glorifier les vertus du déni de la responsabilité sociale. En société, on ne peut toujours agir qu'à partir de certitudes; il faut aussi savoir agir et se gouverner à partir du doute raisonnable, ce qui appelle l'exercice du sens commun.

La commission a rempli l'essentiel de son mandat: révéler au grand jour les stratagèmes, la collusion et la corruption d'où coule le pactole dans les poches de gens proche de la mafia, de firmes-conseils, de fonctionnaires ou indirectement dans la cagnotte des partis politiques. Aucun parti politique, encore moins lorsqu'il est au pouvoir, ne peut ignorer les constats faits par la commission ni se soustraire à l'application de ses plus judicieuses recommandations.

Le premier ministre doit transcender dans les circonstances son rôle de chef de parti et jouer pleinement son rôle de chef d'État.

*Gori Roland, La fabrique des imposteurs, Babel, 2013

Avec Normand Chatigny, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay. Les auteurs sont des retraités habitant Québec et Montréal. Normand Chatigny a œuvré sur la scène municipale et fut maire de Cap Rouge. De 2001 à 2005, il était membre du Comité exécutif de la Ville de Québec. Denys Larose et Jean-Noël Tremblay ont été directeurs généraux de col-lèges (Cégep de Sainte-Foy et Campus Notre-Dame-de-Foy). Michel Héroux a œuvré en information et en communication durant toute sa carrière, et il est retraité de l'Université Laval.

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