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2016 n'est pas 1976. Toutefois, l'état des choses sur la scène politique provinciale me fait vivre une étrange réminiscence.
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En 1975, j'étais correspondant parlementaire de Radio-Canada au Parlement de Québec. J'étais donc aux premières loges pour assister à la rapide descente aux enfers du gouvernement de Robert Bourassa.

Ce dernier avait brillamment remporté l'élection de 1973 avec 102 députés. Face à cette troupe imposante, il n'y avait que six députés péquistes et deux députés créditistes.

Puis, assez rapidement, les choses dégénérèrent. Des rumeurs de corruption, des enquêtes, un chantier olympique soumis aux diktats des syndicats, le saccage syndical à la baie James : tout cela se mit à pleuvoir sur le gouvernement de Robert Bourassa sans que les explications gouvernementales ne renversent la méfiance grandissante à son endroit.

Pour ceux et celles qui n'ont pas vécu cette période, il faut rappeler qu'en 1976, Robert Bourassa était, selon plusieurs, l'homme le plus détesté du Québec. Face à lui, à Ottawa, régnait Pierre Elliott Trudeau, premier ministre majoritaire dont la popularité au Québec ne se démentait pas : les libéraux fédéraux détenaient tous les comtés fédéraux sauf un, au Québec.

Empêtré dans des difficultés croissantes, escomptant profiter du succès des Jeux olympiques de 1976 et invoquant le danger d'un rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne par Ottawa, Robert Bourassa déclencha des élections hâtives pour le 15 novembre 1976. La campagne serait brève : seulement quatre semaines. C'est le Parti québécois de René Lévesque qui prit le pouvoir. On connaît la suite.

Curieuse ressemblance

Bien sûr, 2016 n'est pas 1976. Toutefois, l'état des choses sur la scène politique provinciale me fait vivre une étrange réminiscence.

D'abord, la méfiance et de le cynisme. Comme en 1976, projet olympique en moins, le degré de méfiance et de cynisme envers la classe politique est devenu très élevé dans la population et chez les commentateurs politiques, quelle que soit leur orientation partisane.

Même La Presse, que personne ne soupçonnerait d'avoir des atomes crochus avec le Parti québécois, assène depuis quelques semaines des critiques d'une férocité évidente à l'endroit du gouvernement de Philippe Couillard.

Ces critiques, qui viennent de partout, alimentent méfiance et cynisme dans la population, ce que reflètent en bonne partie les sondages.

Ensuite, il y a eu des efforts inutiles de redressement du côté du gouvernement. Comme pour le gouvernement de Robert Bourassa de 1976, le gouvernement Couillard fait tout pour tenter de corriger le tir, mais sans succès jusqu'ici. Remaniement ministériel miné la maladie de Pierre Moreau, peut-être le ministre le plus politiquement solide de ce gouvernement ; opération vite oubliée ; un budget éclipsé par les arrestations de Nathalie Normandeau et de Marc-Yvan Côté ; un projet de loi liberticide (le 59) sur le discours haineux qu'il n'essaie même pas de définir ; une fuite de courriels qui met en évidence des accointances douteuses entre Marc-Yvan Côté, un pestiféré politique, et Sam Hamad, qui se retire temporairement du conseil des ministres et qui, au lieu de demeurer chez lui, va en Floride sans réaliser le genre de message plutôt asocial que cela envoie dans la circonstance. Bref, rien ne va plus pour ce gouvernement.

Son chef risque peut-être de devenir lui aussi, si rien ne change, l'homme le plus détesté du Québec.

Des différences

Mais des différences existent avec 1976. D'abord, le gouvernement Couillard a deux ans devant lui. Il a donc encore du temps. Ensuite, ce gouvernement a la possibilité de proroger la session en cours en juin et de tenter de repartir à neuf avec un discours inaugural et un programme législatif renouvelé en septembre ou octobre prochain. Enfin, la pause estivale serait l'occasion pour le premier ministre de changer la composition de son cabinet politique personnel rapproché et d'envisager - oui, encore une fois - d'alléger son Conseil des ministres de ses éléments les plus faibles.

Le premier ministre pourrait aussi faire davantage appel et confiance à de jeunes députés pour remettre son gouvernement sur les rails. Enfin, il lui faut développer davantage d'empathie avec la population québécoise, être plus en symbiose avec les préoccupations des citoyens et des citoyennes. En un mot, le message actuel du gouvernement ne passe plus.

Est-ce que ce gouvernement est encore capable de redresser les choses? J'ignore s'il peut le faire, mais je pense qu'il est condamné à le faire.

Avec un peu plus de marge de manœuvre financière, résultat de deux années d'austérité imposée, il est grand temps que le gouvernement de Philippe Couillard sorte de sa bulle et redéfinisse ses objectifs pour le Québec.

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