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Quelles options militaires en Syrie?

L'emploi de la force armée n'est jamais une fin en soi, mais toujours le moyen d'atteindre un objectif politique. La probabilité de succès d'une intervention militaire à l'étranger dépend donc en premier lieu de la clarté et la faisabilité de cet objectif et, en second lieu, des moyens et modes d'action qui lui sont consacrés.
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Ce billet a été également publié sur le blogue La voix de l'épée

L'emploi de la force armée n'est jamais une fin en-soi, mais toujours le moyen d'atteindre un objectif politique. La probabilité de succès d'une intervention militaire à l'étranger dépend donc en premier lieu de la clarté et la faisabilité de cet objectif et en second lieu des moyens et modes d'action qui sont consacrés à son atteinte.

Protéger et punir

La première question à se poser dans le cadre de la probable intervention militaire occidentale qui semble se dessiner en Syrie est donc bien celle de l'objectif à atteindre. Dans l'immédiat celui-ci paraît humanitaire: punir un massacre de masse et protéger la population civile d'autres attaques, non pas illégales, car toutes les attaques contre des civils le sont, mais spectaculaires.

Cet objectif peut être atteint a minima par la destruction de l'instrument du délit, comme la France en octobre 2004 détruisant la force aérienne ivoirienne après une agression contre nos forces, mais ne punissant pas le pouvoir politique qui l'avait ordonné. Il s'agirait donc en l'occurrence de détruire les dépôts de munitions et de produits chimiques par des raids. Cela suppose évidemment de connaître leur localisation, mais aussi de pouvoir les traiter sans toucher la population civile, ce qui est plutôt délicat dans le cas de munitions chimiques. Pour pallier cette difficulté, on peut imaginer de monter une opération de saisie des dépôts par des unités de forces spéciales, mais c'est l'opération elle-même (en fait plusieurs puisqu'on parle d'au moins sept dépôts identifiés) qui est très risquée.

On peut aussi envisager de frapper d'autres cibles militaires clairement identifiées. Détruire les sites de défense antiaérienne par missiles de croisière présente l'avantage de faciliter la suite des opérations aérienne. Outre que cela peut indiquer que l'on envisage d'aller plus loin dans le temps ou l'engagement, ce type de cible est cependant assez éloigné de ce qui a causé l'intervention. On attaquera donc aussi des cibles plus symboliques comme le ministère de la Défense et les bases aériennes, sources d'autres attaques spectaculaires possibles contre la population.

Cette campagne de raids, pour peu qu'elle reste limitée, peut déboucher sur un point d'équilibre. Le régime syrien peut accepter de limiter visiblement l'emploi de sa force et cela peut suffire à satisfaire la coalition occidentale. La guerre civile continuera son cours, mais l'obligation de "faire quelque chose" aura été satisfaite.

Ce point d'équilibre peut toutefois ne pas être atteint en cas de refus d'Assad et son acceptation de l'escalade ou si la coalition élargit la notion de protection des populations en désignant le régime d'Assad comme ennemi (la réflexion stratégique fonctionnant toujours sur deux camps).

Chasser

Compte tenu des grandes réticences diplomatiques et du faible soutien public que l'hypothèse d'une guerre ouverte contre le régime suscite, les marges de manœuvre militaires sont assez réduites pour réaliser cet objectif éventuel.

La première option est, à partir d'un groupement naval et de l'île de Chypre, peut-être aussi depuis la Turquie, une campagne aérienne d'intensité progressive, passant par des frappes de rétorsion, puis la mise en place d'une zone d'interdiction de vol, puis des frappes ciblées contre l'armée syrienne de moins en moins justifiées avec le temps par la protection de la population. Les risques de cette option sont nombreux. Contrairement à la Libye en 2011, les camps sont très étroitement imbriqués. Les frappes aériennes y sont donc délicates avec toujours le risque de provoquer par accident un massacre civil, en contradiction avec la justification première de l'intervention. Elles s'effectueront de plus face à des forces disposant de moyens antiaériens nettement plus performants que ceux de l'armée de Kadhafi. En affaiblissant le camp d'Assad, elles présentent enfin l'inconvénient de renforcer les rebelles de tous les camps, y compris ceux qui nous sont hostiles.

La seconde option, complémentaire de la première, est le couplage avec une ou plusieurs factions rebelles, en association avec la Jordanie, le Kurdistan irakien et peut-être la Turquie et l'Arabie saoudite. Par rapport à la campagne aérienne, elle présente le triple avantage d'être moins coûteuse financièrement, d'être moins "agressive" diplomatiquement et, en cas d'échec, de pouvoir être retirée avec moins de dégâts d'images.

Il reste enfin toujours la possibilité d'un engagement terrestre de grande ampleur. Le seul à même de mettre fin au conflit en cours, mais avec le risque de remplacer une guerre gagnée par un enlisement. Les États-Unis n'ont assurément pas le courage actuellement de se lancer dans une entreprise de ce type et les autres alliés n'en ont pas les moyens seuls. Sans même parler des contraintes diplomatiques qu'elle implique cette voie est pour l'instant inconcevable, sauf sous la forme d'une force de stabilisation une fois la paix acquise.

Il ne faut pas oublier enfin que le régime syrien et ses alliés iraniens et libanais disposent aussi de capacités de représailles contre la coalition, sensiblement les mêmes pendant la première guerre froide qui les avaient opposés aux nations occidentales dans les années 1980. De la même façon qu'à Beyrouth en 1983, le Hezbollah peut par exemple s'en prendre assez facilement aux 670 soldats français encore présents dans au Liban dans le cadre de la FINUL.

S'engager militairement en Syrie, c'est s'engager dans un conflit aussi complexe et mouvant que celui du Liban à partir de 1975. Cela ne signifie pas qu'il faille y renoncer, mais qu'il faut bien comprendre que le faire avec timidité, c'est s'assurer à terme de subir de sévères humiliations.

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